REYNAUD Raoul

  • 69306 Buchenwald

  • Né le 14 juin 1904 à Avignon

  • Décédé le 6 janvier 1971 à Bagnols-sur-Cèze

Raoul Reynaud nait le 14 juin 1904 à Avignon où ses parents sont limonadiers. Lucien et Amélie, née Polge, sont alors les gérants de la Brasserie de l’Horloge. Ils tiendront ensuite une autre brasserie à Salon-de-Provence. Ils sont originaires de Saint-Hilaire d’Ozilhan (Gard) où ils prendront leur retraite. C’est donc tout naturellement que leur fils Raoul héritera de cette passion pour la profession.

En 1924, il est appelé sous les drapeaux et effectue son service dans la campagne de Syrie contre les rebelles Druzzes qui luttent pour l’indépendance contre le mandat français en Syrie et au Liban. En 1939, il sera remobilisé à Puget-sur-Argens (Var) et affecté au 94ème  R.A.M. 3e Batterie, en garnison sur la frontière d’Italie.

Il se marie avec Irma Péchier en 1929 à Sainte-Marguerite-La-Frigère (Ardèche) et s’installe limonadier restaurateur au Café du Commerce à Lunel. Divorcé en 1946, il se remarie avec Marie Boronat de Lunel, deux filles naitront de leur union, Raymonde en 1946 et Lucienne en 1952.

Démobilisé à Montpellier le 15 juillet 1940, il reprend son commerce à Lunel et son activisme de militant communiste alors que le parti communiste français (PCF) est interdit depuis 1939. Il est arrêté très tôt après la défaite, le 30 octobre 1940, pour menées anti-vichystes par la police de Vichy et la gendarmerie sur l’ordre du préfet de l’Hérault, « à la suite du regroupement des Français anti-pétainistes et anti-collaborateurs, distribution de tracts et affiches dans Lunel, ce qui a motivé la descente de Vichy même des inspecteurs. »

Considéré comme l’instigateur de cette propagande anti-gouvernementale, à une époque où la résistance était loin d’être organisée, il est écroué à la maison d’arrêt de Montpellier puis interné au camp de Rivel (Aude) le 3 décembre 1940. Il est enfin transféré à Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) du 29 janvier 1941 au 30 juillet 1944, camp destiné aux « indésirables ».  Entre ces deux dates aura lieu une parenthèse particulière : une évasion dans la nuit du 11 au 12 juillet 1943.

Le 17 juillet 1943 il est condamné, par le tribunal de Castres à 6 mois de prison qu’il effectuera à Albi, en tant que responsable de l’évasion de 58 prisonniers du camp de Saint-Sulpice par un souterrain de 15 mètres. À cette période de sa longue détention, il est adhérent au Front National de Libération (créé en juin 1941), mouvement du parti communiste, et il exerce des fonctions de responsable des chefs de baraques et des sections FTPF en vue de l’évasion du camp coordonnée avec l’extérieur.

Raoul racontait volontiers cette aventure : « Des difficultés de liaison avec l’extérieur …et nous avons été laissés à notre propre initiative. Nous avons formé un groupe de neuf et nous nous dirigions vers le maquis de la Montagne Noire où nous avons été repris par la gendarmerie de Lavaur, un seul, Maurice Mallet a pu s’échapper. » Cette évasion est attestée par Raymond Monzat déporté résistant (matricule 69259) connu à Saint-Sulpice-la-Pointe et retrouvé à Buchenwald. Renvoyé au camp de Saint-Sulpice le 16 janvier 1944, Raoul redevient chef de baraque et responsable des chefs de baraques jusqu’à son départ en Allemagne, fonctions dont témoigne un autre camarade de Saint-Sulpice Antoine Mercier retrouvé ensuite à Buchenwald (matricule 69011). Il raconte avoir fourni des habits, afin qu’ils puissent s’évader, à Marcel Jean (dit Jeannot) d’Alès, à Michel Bruguier (commandant Audibert) et à d’autres internés.

Remis aux autorités allemandes le 30 juillet 1944, il est envoyé à Buchenwald où il reçoit le matricule 69306. « Responsable de wagon, à Buchenwald responsable du block 14, responsable de trois blocks, mes chefs de triangles étaient Doutre Jean (matricule 51029) et Marmond…j’étais désigné parmi les responsables du ravitaillement pour les trois compagnies de libération… »

Raoul est affecté sur des chantiers de réparation après les bombardements de l’aviation américaine autour de Buchenwald et participe activement aux actions de solidarité à l’intérieur du camp, ainsi qu’à l’organisation de résistance créée clandestinement, encadrée et disciplinée. C’est ainsi qu’il combat avec les autres détenus pour la libération du camp le 11 avril 1945 : « J’ai participé à l’épuration jusqu’à Weimar et avons fait une centaine de prisonniers SS qui ont été remis entre les mains des Américains, car nous étions réellement en formation militaire malgré le peu d’armes que nous possédions. »

Ainsi libéré après 54 mois de prison ou d’internement dont neuf mois au camp de Buchenwald, il regagne la France via Longjumeau et Paris. Le 1er mai 1945, il arrive à Lunel qu’il quitte peu après pour faire quelques tentatives d’installation ailleurs avec son épouse, toujours dans la même profession de limonadier : à Uzès en 1946 il prend la gérance de l’hôtellerie de Provence, à Lorgues dans le Var en 1951 puis à La Bégude de Sainte-Anastasie (Gard) en 1954 et enfin à Bagnols-sur-Cèze qui deviendra sa ville d’adoption en décembre 1954. Devenu propriétaire du café du Midi, il est très investi dans les milieux sportifs de la ville et héberge le siège de l’U.C.B. (Union Club Bagnolais) puis de l’E.S.B.M. (Entente Sportive Bagnols Marcoule). Par la suite il ouvrira un snack-bar sur la place Mallet ainsi qu’un magasin d’articles de sport. Enfin il rachète le bar-restaurant de la rue Rivarol qu’il tiendra jusqu’à sa mort à Bagnols en 1971. Il repose dans le caveau familial à Saint-Hilaire d’Ozilhan où ses camarades de l’association des déportés et résistants l’ont accompagné.

Mireille Justamond

Frédérique Doat-Vincent

Sources :

SHD de Caen : dossier AC 21 P 647 584

Arolsen : matricule 69306

Témoignage manuscrit de Raoul Reynaud, 2 pages

BRUXELLES, André, Raoul Reynaud (vice-président de l’ESBM) 11 avril 1945-l’insurrection de Buchenwald…j’y étais…, Midi Libre, avril 1965

Un nouveau deuil chez les déportés, Raoul Reynaud n’est plus, Midi Libre, janvier 1971

Témoignage de sa fille Raymonde Ferrero Reynaud, 2024

 

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REYNAUD Raoul

  • 69306 Buchenwald

  • Né le 14 juin 1904 à Avignon

  • Décédé le 6 janvier 1971 à Bagnols-sur-Cèze

Raoul Reynaud nait le 14 juin 1904 à Avignon où ses parents sont limonadiers. Lucien et Amélie, née Polge, sont alors les gérants de la Brasserie de l’Horloge. Ils tiendront ensuite une autre brasserie à Salon-de-Provence. Ils sont originaires de Saint-Hilaire d’Ozilhan (Gard) où ils prendront leur retraite. C’est donc tout naturellement que leur fils Raoul héritera de cette passion pour la profession.

En 1924, il est appelé sous les drapeaux et effectue son service dans la campagne de Syrie contre les rebelles Druzzes qui luttent pour l’indépendance contre le mandat français en Syrie et au Liban. En 1939, il sera remobilisé à Puget-sur-Argens (Var) et affecté au 94ème  R.A.M. 3e Batterie, en garnison sur la frontière d’Italie.

Il se marie avec Irma Péchier en 1929 à Sainte-Marguerite-La-Frigère (Ardèche) et s’installe limonadier restaurateur au Café du Commerce à Lunel. Divorcé en 1946, il se remarie avec Marie Boronat de Lunel, deux filles naitront de leur union, Raymonde en 1946 et Lucienne en 1952.

Démobilisé à Montpellier le 15 juillet 1940, il reprend son commerce à Lunel et son activisme de militant communiste alors que le parti communiste français (PCF) est interdit depuis 1939. Il est arrêté très tôt après la défaite, le 30 octobre 1940, pour menées anti-vichystes par la police de Vichy et la gendarmerie sur l’ordre du préfet de l’Hérault, « à la suite du regroupement des Français anti-pétainistes et anti-collaborateurs, distribution de tracts et affiches dans Lunel, ce qui a motivé la descente de Vichy même des inspecteurs. »

Considéré comme l’instigateur de cette propagande anti-gouvernementale, à une époque où la résistance était loin d’être organisée, il est écroué à la maison d’arrêt de Montpellier puis interné au camp de Rivel (Aude) le 3 décembre 1940. Il est enfin transféré à Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) du 29 janvier 1941 au 30 juillet 1944, camp destiné aux « indésirables ».  Entre ces deux dates aura lieu une parenthèse particulière : une évasion dans la nuit du 11 au 12 juillet 1943.

Le 17 juillet 1943 il est condamné, par le tribunal de Castres à 6 mois de prison qu’il effectuera à Albi, en tant que responsable de l’évasion de 58 prisonniers du camp de Saint-Sulpice par un souterrain de 15 mètres. À cette période de sa longue détention, il est adhérent au Front National de Libération (créé en juin 1941), mouvement du parti communiste, et il exerce des fonctions de responsable des chefs de baraques et des sections FTPF en vue de l’évasion du camp coordonnée avec l’extérieur.

Raoul racontait volontiers cette aventure : « Des difficultés de liaison avec l’extérieur …et nous avons été laissés à notre propre initiative. Nous avons formé un groupe de neuf et nous nous dirigions vers le maquis de la Montagne Noire où nous avons été repris par la gendarmerie de Lavaur, un seul, Maurice Mallet a pu s’échapper. » Cette évasion est attestée par Raymond Monzat déporté résistant (matricule 69259) connu à Saint-Sulpice-la-Pointe et retrouvé à Buchenwald. Renvoyé au camp de Saint-Sulpice le 16 janvier 1944, Raoul redevient chef de baraque et responsable des chefs de baraques jusqu’à son départ en Allemagne, fonctions dont témoigne un autre camarade de Saint-Sulpice Antoine Mercier retrouvé ensuite à Buchenwald (matricule 69011). Il raconte avoir fourni des habits, afin qu’ils puissent s’évader, à Marcel Jean (dit Jeannot) d’Alès, à Michel Bruguier (commandant Audibert) et à d’autres internés.

Remis aux autorités allemandes le 30 juillet 1944, il est envoyé à Buchenwald où il reçoit le matricule 69306. « Responsable de wagon, à Buchenwald responsable du block 14, responsable de trois blocks, mes chefs de triangles étaient Doutre Jean (matricule 51029) et Marmond…j’étais désigné parmi les responsables du ravitaillement pour les trois compagnies de libération… »

Raoul est affecté sur des chantiers de réparation après les bombardements de l’aviation américaine autour de Buchenwald et participe activement aux actions de solidarité à l’intérieur du camp, ainsi qu’à l’organisation de résistance créée clandestinement, encadrée et disciplinée. C’est ainsi qu’il combat avec les autres détenus pour la libération du camp le 11 avril 1945 : « J’ai participé à l’épuration jusqu’à Weimar et avons fait une centaine de prisonniers SS qui ont été remis entre les mains des Américains, car nous étions réellement en formation militaire malgré le peu d’armes que nous possédions. »

Ainsi libéré après 54 mois de prison ou d’internement dont neuf mois au camp de Buchenwald, il regagne la France via Longjumeau et Paris. Le 1er mai 1945, il arrive à Lunel qu’il quitte peu après pour faire quelques tentatives d’installation ailleurs avec son épouse, toujours dans la même profession de limonadier : à Uzès en 1946 il prend la gérance de l’hôtellerie de Provence, à Lorgues dans le Var en 1951 puis à La Bégude de Sainte-Anastasie (Gard) en 1954 et enfin à Bagnols-sur-Cèze qui deviendra sa ville d’adoption en décembre 1954. Devenu propriétaire du café du Midi, il est très investi dans les milieux sportifs de la ville et héberge le siège de l’U.C.B. (Union Club Bagnolais) puis de l’E.S.B.M. (Entente Sportive Bagnols Marcoule). Par la suite il ouvrira un snack-bar sur la place Mallet ainsi qu’un magasin d’articles de sport. Enfin il rachète le bar-restaurant de la rue Rivarol qu’il tiendra jusqu’à sa mort à Bagnols en 1971. Il repose dans le caveau familial à Saint-Hilaire d’Ozilhan où ses camarades de l’association des déportés et résistants l’ont accompagné.

Mireille Justamond

Frédérique Doat-Vincent

Sources :

SHD de Caen : dossier AC 21 P 647 584

Arolsen : matricule 69306

Témoignage manuscrit de Raoul Reynaud, 2 pages

BRUXELLES, André, Raoul Reynaud (vice-président de l’ESBM) 11 avril 1945-l’insurrection de Buchenwald…j’y étais…, Midi Libre, avril 1965

Un nouveau deuil chez les déportés, Raoul Reynaud n’est plus, Midi Libre, janvier 1971

Témoignage de sa fille Raymonde Ferrero Reynaud, 2024

 

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