REYNAUD Maurice

  • 36291 Neuengamme

  • Né à Nîmes le 8 novembre

  • Décédé à Rouen le 27 mai 1968

Maurice Emile, nait à Nîmes le 8 novembre 1888 de Alphonse Elie Reynaud et Valentine Vermeil, marié le 12 août 1919 au consulat de France de Glascow avec Marion Simson-Smith, née le 8 janvier 1886 à Drongan (Ecosse). Deux enfants, Pierre, né en 1920 et Jeanne née en 1927

Professeur agrégé au lycée Corneille de Rouen, demeurant 31 rue du Mont Gargan à Rouen (Seine-Maritime), il est adjudant en 1914, au front dès les débuts de la guerre, il est blessé lors des combats du Mort Homme, au Nord-Ouest de Verdun, le 22 juin 1916. Devenu lieutenant fin 1917 il sera cité à l’ordre de sa division en novembre 1918 pour sa bravoure.
Il se dit gaulliste dès juin 1940 et membre du Front National de lutte pour la libération de la France, au journal clandestin départemental où il a possiblement contribué à partir de 1943.
Mais c’est en qualité d’otage « en raison de sa connaissance parfaite de la langue anglaise et de son mariage avec une femme de nationalité anglaise » qu’il est arrêté le 7 juin 1944 par la Gestapo. Il est conduit à la prison de Bonne-Nouvelle de Rouen et placé dans une cellule avec d’autres résistants, « grâce auxquels le temps passe plus vite et l’angoisse s’atténue ». Il est transféré le 24 juin 1944 au camp de Royallieu – Compiègne (Mle 42476), et interné dans le « camp C » en sa qualité de « prisonnier d’honneur ». Dans ses mémoires, il critique vertement le personnel français qui pille les colis des internés. Le 15 juillet, il est déporté par le convoi I.247 vers Neuengamme (matricule 36291) où il arrive le 18. Il fait partie des « déportés de marque », 366 personnalités otages qui se sont montrées d’une façon ou d’une autre hostiles aux Allemands. Comme elles ont été internées à Compiègne à l’écart des autres détenus dans la partie C du camp, elles garderont le surnom de Ducancé (qui sera aussi le titre d’un journal interne de leur groupe puis de leur amicale après-guerre) avant, pour la plupart un départ vers Neuengamme. Les deux-tiers ont été arrêtés entre les 6 et 11 juin 1944 et la majorité sont d’un statut social élevé (avocat, médecin, administrateur civil…) Reynaud rentre parfaitement dans ces critères. A Neuengamme, ce groupe de détenus est parqué dans des blocks séparés des autres blocks du camp, le 18 pour Reynaud, conserve ses vêtements personnels, est exempté de travail et pourra organiser diverses activités.[1] Ces Prominenten disposent du droit de réunion et d’une bibliothèque leur permettant une activité culturelle intense. Reynaud va tenir un « carnet de route » où il note dans un style imagé la situation de spectateurs impuissants de ce groupe de détenus « dans ce bagne où s’étalent les misères de nos camarades et où, par contraste, nous avons honte de paraître heureux. » Le 20 mars 1945, Gadille, l’un de ses compagnons de captivité[2], indique dans son propre journal « qu’il a lu hier les notes du professeur Reynaud rédigées sous une forme synthétique, très colorée, pittoresque, où les descriptions imagées alternent avec les réflexions personnelles originales et forment déla matière d’un volume de 150 pages environ, plein d’intét et de vérité. »[3].  La principale préoccupation exprimée par Reynaud est d’abord la faim. Dans ces notes, ce passage sur l’approvisionnement : « Nous recevons par jour un carré de pain, qui doit peser 250 grammes (…). Au milieu du jour, nous pouvons compter sur 1 litre 1 litre 12 de soupe de choux, navets, choux-raves, rutabagas, fanes de bettes, mal cuits dans un liquide épaissi dune farine indéfinissable. Le repas du soir consiste en un rond de boudin, de Leberwurst, (saucisse de foie) une cuillerée d’œufs de poisson, ou bien (les jours de fêtes) en sept ou huit pommes de terre (…) 15 gr. de margarine » Seules les messes célébrées clandestinement et les rumeurs circulant sont à même de « maintenir le moral ». L’auteur et ses camarades de block réalisent également des conférences sur des sujets divers et lui-même, en sa qualité d’agrégé, dispense des cours de langue anglaise. Le journal de Gadille évoque ces cours d’anglais donnés par Reynaud, cours « trop élémentaires » selon lui. Mais Reynaud recevra en février 1945, le premier prix d’un concours de « poésie fantaisiste » organisée par le groupe.
Avec ses compagnons, Reynaud est évacué le 12 avril 1945 par des autocars de la Croix Rouge suédoise vers Postdam puis Flossenbürg et la Tchécoslovaquie la destination finale de ce convoi devant être la Suisse. C’est le résultat des fameux pourparlers entre Bernadotte et Himmler et le rassemblement de détenus scandinaves à Neuengamme avant leur départ vers la Suède et la Norvège. Le capitaine suédois Harald Folke[4] est chargé de diriger les convois d’autobus blancs de la Croix-Rouge, il a découvert les Ducancé et est parvenu à les inclure dans la dynamique des convois qui évacuent les détenus scandinaves. Mais leur destination est autre.

Au départ sont affrétés 23 autobus, six camions, un camion-cuisine, un véhicule avec du matériel et un véhicule de dépannage. Une escorte peu amène de trente hommes de la Gestapo va encadrer le convoi dans trois voitures et trois motos.  Les cars sont tous équipés de radios qui diffusent de la musique pendant le transport. Maurice Thuriet se souvient du trajet : « Les autocars de la Croix-Rouge suédoise sont munis dune antenne ; et tout au long de notre course, douest en est, du nord au sud, du sud au nord et de nouveau vers lest, les haut-parleurs égrenaient sur ce pays muet, étouffé par langoisse, les voix de la beauté, de la tendresse, de la passion, de la prière. »[5]

Le 14, le convoi arrive à destination sans avoir subi les raids alliés. Sur place, le capitaine Folke ne trouve aucun représentant de la Croix-Rouge. Jugeant que les conditions d’accueil ne sont pas réunies, il décide de ne pas livrer les Ducancé et se fait même signer, en échange d’alcool, de cigarettes et de francs suisses, par le chef du camp, un papier stipulant que la situation militaire ne permet pas à ce dernier de prendre en charge les Français. Cependant, les bus n’ont plus assez d’essence pour atteindre la Suisse, puis remonter vers le Danemark et Folke décide de déposer ces Français à Theresienstadt où les conditions d’accueil ne pouvaient pas être pires qu’à Flossenbürg.

Ils sont à Theresienstadt le 14 avril 1945. Les Ducancé sont hébergés dans la forteresse à proximité du ghetto. Mais leur arrivée n’étant pas prévue, les conditions d’hébergement sont plus que sommaires. Les modalités de détentions sont plus souples qu’à Neuengamme. Les SS laissent la population tchèque distribuer de la nourriture aux détenus sans intervenir et ils peuvent sortir de l’enceinte de la forteresse pour des balades sous une surveillance allégée : « Pour nous faire prendre patience, le camp nous distribue de la paille, des couvertures, installe la lumière électrique, améliore la soupe, et nous emmène à la promenade, comme des collégiens, sur les bords de lElbe, où notre sous-officier SS emmanche une canne à pêche et se met bourgeoisement à tremper du fil (…) nous pouvons continuer la promenade sur plusieurs kilomètres, certains iront même jusquau confluent avec lElbe. Nous avons lillusion de la liberté complète, à ce régime nous tiendrons certainement le coup ; le temps est très doux et beau » Ils repartent le 26 avril pour Bohusowice sous surveillance des SS. C’est dans cette ville qu’ils apprennent la « cessation des hostilités ». Ils y passent la nuit en attendant d’être envoyés vers Brézany, non loin de Prague. Pendant l’attente en gare, la population vient une nouvelle fois approvisionner les Français, comme le note Reynaud : « Les Tchèques ont le cœur chaud, généreux, et brave. Sous les yeux de la police allemande, ils venaient vers nous, les mains tendues et pleines de dons, les lèvres souriantes, le cœur battant ». Leur séjour à Brézany va durer jusqu’à la mi-mai.  Arrivés le 1er mai, les Ducancé  ont une impression contrastée de leur situation. Alors qu’on leur affirme qu’ils sont libres, il leur est interdit de circuler librement. Le commandant du camp leur explique qu’ils ne doivent pas sortir pour éviter les balles perdues et que les gardes ont pour ordre de tirer sur ceux qui tenteraient de sortir se promener. L’Université́ de Neuengamme » reprend ses habitudes de conférences.

La capitulation n’est apprise que le 8, tard dans la nuit. De Brézany, deux membres des Ducancé ont pu partir à Prague pour prévenir la Croix-Rouge de la situation du groupe. Un message radio à destination de la France a été lancé.

Selon plusieurs témoignages, les déportés d’honneur de Neuengamme passèrent tout près de la mort. La voiture qui avait accompagné́ deux des leurs, Henri Maupoil[6] et Jacques Parisot[7] à Praque est attaqué lors de son retour vers Brézany par les maquis tchèques. On découvrit sur le corps d’un des Allemands l’ordre d’assassinat collectif des « Ducancé ». Selon Stéphane Moreau, ancien préfet de Vendée, leur mise à mort avait été décidée dès le départ de Neuengamme. Ceci expliquerait pourquoi les autorités du camp acceptèrent l’intervention de la Croix-Rouge suédoise qui ne devait servir qu’à leur transport. Cette prise en charge leur évitait d’avoir à organiser un transfert.

Libres de fait le 9, les Ducancé sont accueillis chaleureusement à Tynec le 10 mai. Le 14, ils partent en car vers Pilsen où ils rencontrent des unités américaines. Les cars les emmènent ensuite à Würzburg où 27 avions les attendent pour les transporter au Bourget.

Après son passage au Lutétia Maurice Reynaud regagnera Rouen.  Il y décèdera le 27 mai 1968

Dominique Durand


[1] Luc Benoit, Les Ducancé, Mémoire vivante, revue de la Fondation pour la mémoire de la déportation, numéro 68, mars 2011. Voir également la biographie de Roger Gadille

[2] Archives municipales de Lyon : Roger Gadille Journal de déportation (1er juillet 1944 – 12 avril 1945), accompagné de la notice biographique de Roger Gadille, par son fils Jacques Gadille (professeur émérite d’histoire à l’Université de Lyon II)
voir la biographie de Gadille,

[3] Reynaud Maurice, Potence et pots de fleurs : Journal d’un déporté de Neuengamme Rouen : H. Defontaine, 1945

[4] Les Amis de la Fondation de la Résistance, Fiche d’Anise Postel-Vinay sur Harald Folke

[5] Maurice Thuriet, Journal de M. Durancé, juin 1944-mai 1945, Besançon

[6] Henri Maupoil, ex sénateur, ex ministre, maire de Dezize-les-Maranges (Saône et loire)

[7] Jacques Parisot, médecin, spécialiste de la médecine préventive, fondateur en 1920 de l’Office d’hygiène sociale de Meurthe-et-Moselle (OHS)

Sources :

Vous avez un complément d’informations ? N’hésitez pas nous le faire savoir.

REYNAUD Maurice

  • 36291 Neuengamme

  • Né à Nîmes le 8 novembre

  • Décédé à Rouen le 27 mai 1968

Maurice Emile, nait à Nîmes le 8 novembre 1888 de Alphonse Elie Reynaud et Valentine Vermeil, marié le 12 août 1919 au consulat de France de Glascow avec Marion Simson-Smith, née le 8 janvier 1886 à Drongan (Ecosse). Deux enfants, Pierre, né en 1920 et Jeanne née en 1927

Professeur agrégé au lycée Corneille de Rouen, demeurant 31 rue du Mont Gargan à Rouen (Seine-Maritime), il est adjudant en 1914, au front dès les débuts de la guerre, il est blessé lors des combats du Mort Homme, au Nord-Ouest de Verdun, le 22 juin 1916. Devenu lieutenant fin 1917 il sera cité à l’ordre de sa division en novembre 1918 pour sa bravoure.
Il se dit gaulliste dès juin 1940 et membre du Front National de lutte pour la libération de la France, au journal clandestin départemental où il a possiblement contribué à partir de 1943.
Mais c’est en qualité d’otage « en raison de sa connaissance parfaite de la langue anglaise et de son mariage avec une femme de nationalité anglaise » qu’il est arrêté le 7 juin 1944 par la Gestapo. Il est conduit à la prison de Bonne-Nouvelle de Rouen et placé dans une cellule avec d’autres résistants, « grâce auxquels le temps passe plus vite et l’angoisse s’atténue ». Il est transféré le 24 juin 1944 au camp de Royallieu – Compiègne (Mle 42476), et interné dans le « camp C » en sa qualité de « prisonnier d’honneur ». Dans ses mémoires, il critique vertement le personnel français qui pille les colis des internés. Le 15 juillet, il est déporté par le convoi I.247 vers Neuengamme (matricule 36291) où il arrive le 18. Il fait partie des « déportés de marque », 366 personnalités otages qui se sont montrées d’une façon ou d’une autre hostiles aux Allemands. Comme elles ont été internées à Compiègne à l’écart des autres détenus dans la partie C du camp, elles garderont le surnom de Ducancé (qui sera aussi le titre d’un journal interne de leur groupe puis de leur amicale après-guerre) avant, pour la plupart un départ vers Neuengamme. Les deux-tiers ont été arrêtés entre les 6 et 11 juin 1944 et la majorité sont d’un statut social élevé (avocat, médecin, administrateur civil…) Reynaud rentre parfaitement dans ces critères. A Neuengamme, ce groupe de détenus est parqué dans des blocks séparés des autres blocks du camp, le 18 pour Reynaud, conserve ses vêtements personnels, est exempté de travail et pourra organiser diverses activités.[1] Ces Prominenten disposent du droit de réunion et d’une bibliothèque leur permettant une activité culturelle intense. Reynaud va tenir un « carnet de route » où il note dans un style imagé la situation de spectateurs impuissants de ce groupe de détenus « dans ce bagne où s’étalent les misères de nos camarades et où, par contraste, nous avons honte de paraître heureux. » Le 20 mars 1945, Gadille, l’un de ses compagnons de captivité[2], indique dans son propre journal « qu’il a lu hier les notes du professeur Reynaud rédigées sous une forme synthétique, très colorée, pittoresque, où les descriptions imagées alternent avec les réflexions personnelles originales et forment déla matière d’un volume de 150 pages environ, plein d’intét et de vérité. »[3].  La principale préoccupation exprimée par Reynaud est d’abord la faim. Dans ces notes, ce passage sur l’approvisionnement : « Nous recevons par jour un carré de pain, qui doit peser 250 grammes (…). Au milieu du jour, nous pouvons compter sur 1 litre 1 litre 12 de soupe de choux, navets, choux-raves, rutabagas, fanes de bettes, mal cuits dans un liquide épaissi dune farine indéfinissable. Le repas du soir consiste en un rond de boudin, de Leberwurst, (saucisse de foie) une cuillerée d’œufs de poisson, ou bien (les jours de fêtes) en sept ou huit pommes de terre (…) 15 gr. de margarine » Seules les messes célébrées clandestinement et les rumeurs circulant sont à même de « maintenir le moral ». L’auteur et ses camarades de block réalisent également des conférences sur des sujets divers et lui-même, en sa qualité d’agrégé, dispense des cours de langue anglaise. Le journal de Gadille évoque ces cours d’anglais donnés par Reynaud, cours « trop élémentaires » selon lui. Mais Reynaud recevra en février 1945, le premier prix d’un concours de « poésie fantaisiste » organisée par le groupe.
Avec ses compagnons, Reynaud est évacué le 12 avril 1945 par des autocars de la Croix Rouge suédoise vers Postdam puis Flossenbürg et la Tchécoslovaquie la destination finale de ce convoi devant être la Suisse. C’est le résultat des fameux pourparlers entre Bernadotte et Himmler et le rassemblement de détenus scandinaves à Neuengamme avant leur départ vers la Suède et la Norvège. Le capitaine suédois Harald Folke[4] est chargé de diriger les convois d’autobus blancs de la Croix-Rouge, il a découvert les Ducancé et est parvenu à les inclure dans la dynamique des convois qui évacuent les détenus scandinaves. Mais leur destination est autre.

Au départ sont affrétés 23 autobus, six camions, un camion-cuisine, un véhicule avec du matériel et un véhicule de dépannage. Une escorte peu amène de trente hommes de la Gestapo va encadrer le convoi dans trois voitures et trois motos.  Les cars sont tous équipés de radios qui diffusent de la musique pendant le transport. Maurice Thuriet se souvient du trajet : « Les autocars de la Croix-Rouge suédoise sont munis dune antenne ; et tout au long de notre course, douest en est, du nord au sud, du sud au nord et de nouveau vers lest, les haut-parleurs égrenaient sur ce pays muet, étouffé par langoisse, les voix de la beauté, de la tendresse, de la passion, de la prière. »[5]

Le 14, le convoi arrive à destination sans avoir subi les raids alliés. Sur place, le capitaine Folke ne trouve aucun représentant de la Croix-Rouge. Jugeant que les conditions d’accueil ne sont pas réunies, il décide de ne pas livrer les Ducancé et se fait même signer, en échange d’alcool, de cigarettes et de francs suisses, par le chef du camp, un papier stipulant que la situation militaire ne permet pas à ce dernier de prendre en charge les Français. Cependant, les bus n’ont plus assez d’essence pour atteindre la Suisse, puis remonter vers le Danemark et Folke décide de déposer ces Français à Theresienstadt où les conditions d’accueil ne pouvaient pas être pires qu’à Flossenbürg.

Ils sont à Theresienstadt le 14 avril 1945. Les Ducancé sont hébergés dans la forteresse à proximité du ghetto. Mais leur arrivée n’étant pas prévue, les conditions d’hébergement sont plus que sommaires. Les modalités de détentions sont plus souples qu’à Neuengamme. Les SS laissent la population tchèque distribuer de la nourriture aux détenus sans intervenir et ils peuvent sortir de l’enceinte de la forteresse pour des balades sous une surveillance allégée : « Pour nous faire prendre patience, le camp nous distribue de la paille, des couvertures, installe la lumière électrique, améliore la soupe, et nous emmène à la promenade, comme des collégiens, sur les bords de lElbe, où notre sous-officier SS emmanche une canne à pêche et se met bourgeoisement à tremper du fil (…) nous pouvons continuer la promenade sur plusieurs kilomètres, certains iront même jusquau confluent avec lElbe. Nous avons lillusion de la liberté complète, à ce régime nous tiendrons certainement le coup ; le temps est très doux et beau » Ils repartent le 26 avril pour Bohusowice sous surveillance des SS. C’est dans cette ville qu’ils apprennent la « cessation des hostilités ». Ils y passent la nuit en attendant d’être envoyés vers Brézany, non loin de Prague. Pendant l’attente en gare, la population vient une nouvelle fois approvisionner les Français, comme le note Reynaud : « Les Tchèques ont le cœur chaud, généreux, et brave. Sous les yeux de la police allemande, ils venaient vers nous, les mains tendues et pleines de dons, les lèvres souriantes, le cœur battant ». Leur séjour à Brézany va durer jusqu’à la mi-mai.  Arrivés le 1er mai, les Ducancé  ont une impression contrastée de leur situation. Alors qu’on leur affirme qu’ils sont libres, il leur est interdit de circuler librement. Le commandant du camp leur explique qu’ils ne doivent pas sortir pour éviter les balles perdues et que les gardes ont pour ordre de tirer sur ceux qui tenteraient de sortir se promener. L’Université́ de Neuengamme » reprend ses habitudes de conférences.

La capitulation n’est apprise que le 8, tard dans la nuit. De Brézany, deux membres des Ducancé ont pu partir à Prague pour prévenir la Croix-Rouge de la situation du groupe. Un message radio à destination de la France a été lancé.

Selon plusieurs témoignages, les déportés d’honneur de Neuengamme passèrent tout près de la mort. La voiture qui avait accompagné́ deux des leurs, Henri Maupoil[6] et Jacques Parisot[7] à Praque est attaqué lors de son retour vers Brézany par les maquis tchèques. On découvrit sur le corps d’un des Allemands l’ordre d’assassinat collectif des « Ducancé ». Selon Stéphane Moreau, ancien préfet de Vendée, leur mise à mort avait été décidée dès le départ de Neuengamme. Ceci expliquerait pourquoi les autorités du camp acceptèrent l’intervention de la Croix-Rouge suédoise qui ne devait servir qu’à leur transport. Cette prise en charge leur évitait d’avoir à organiser un transfert.

Libres de fait le 9, les Ducancé sont accueillis chaleureusement à Tynec le 10 mai. Le 14, ils partent en car vers Pilsen où ils rencontrent des unités américaines. Les cars les emmènent ensuite à Würzburg où 27 avions les attendent pour les transporter au Bourget.

Après son passage au Lutétia Maurice Reynaud regagnera Rouen.  Il y décèdera le 27 mai 1968

Dominique Durand


[1] Luc Benoit, Les Ducancé, Mémoire vivante, revue de la Fondation pour la mémoire de la déportation, numéro 68, mars 2011. Voir également la biographie de Roger Gadille

[2] Archives municipales de Lyon : Roger Gadille Journal de déportation (1er juillet 1944 – 12 avril 1945), accompagné de la notice biographique de Roger Gadille, par son fils Jacques Gadille (professeur émérite d’histoire à l’Université de Lyon II)
voir la biographie de Gadille,

[3] Reynaud Maurice, Potence et pots de fleurs : Journal d’un déporté de Neuengamme Rouen : H. Defontaine, 1945

[4] Les Amis de la Fondation de la Résistance, Fiche d’Anise Postel-Vinay sur Harald Folke

[5] Maurice Thuriet, Journal de M. Durancé, juin 1944-mai 1945, Besançon

[6] Henri Maupoil, ex sénateur, ex ministre, maire de Dezize-les-Maranges (Saône et loire)

[7] Jacques Parisot, médecin, spécialiste de la médecine préventive, fondateur en 1920 de l’Office d’hygiène sociale de Meurthe-et-Moselle (OHS)

Sources :

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