KÖPPL (ou KOEPPL) Richard

  • Auschwitz

  • Né le 19 juin 1911 à Nördlingen (Allemagne)

  • Décédé à Auschwitz début septembre 1942

C’est à Nördlingen, petite ville de Bavière à caractère médiéval, que Richard Köppl voit le jour, le 4 juin 1911, au sein d’une communauté juive forte d’environ 400 personnes (1). Ses parents : Siegfried Köppl, tailleur, et Sibylla Heymann, s’y sont mariés peu avant, le 16 mars de la même année. Le couple a ensuite une fille, Gertrud (1912). Vers la fin des années 1910, la famille se fixe semble-t-il à Weiden (Bavière), ou naît un garçon, Hermann (1920). Son père aura à peine le temps de le connaître : il meurt le 18 septembre 1920.

Après ce décès, la famille retourne à Nördlingen, où elle habite 4 Vordere Gerbergasse. A l’automne 1932, Richard, devenu boulanger, prend son indépendance et s’installe quelques rues plus loin, au 7 Farbgasse. Peu après l’accession d’Hitler au pouvoir, il réussit à obtenir un visa pour émigrer aux Etats-Unis, ainsi que sa sœur Gertrud. Tous deux célibataires, ils quittent l’Allemagne en juin 1934, destination : New York où Richard va exercer sa profession de boulanger jusqu’en 1937. Cette année-là, il décide de rentrer en Europe combattre le fascisme en Espagne.

Grâce à un courrier (2) qu’il adresse au Préfet des Hautes Pyrénées (Tarbes) en octobre 1940 auquel est jointe une demande de renouvellement de titre d’identité et de voyage, on a une idée de son parcours et un descriptif de l’aspect physique de Richard à 29 ans : taille : 1m 68, cheveux noirs, sourcils noirs, front couvert, yeux marrons, nez moyen, bouche moyenne, barbe rasée, menton rond, visage ovale, teint brun et signe particulier : cicatrice à droite de la lèvre inférieure.

Voici sa lettre, datée du 1er octobre 1940 :

« Monsieur le Préfet, J’ai l’honneur de vous adresser une demande de renouvellement de mon titre d’identité et de voyage que j’ai déposé à la Préfecture le 24 août dernier.

Je suis parti d’Allemagne le 19 juin 1934 pour New York où je suis arrivé le 28 juin suivant. J’ai quitté ensuite cette ville le 12 février 1937 pour l’Espagne où j’ai fait la campagne dans la Brigade Internationale, et arrivé en France à la suite de la défaite le 3 mars 1939. Arrivé au Havre où je me suis présenté au Consulat américain afin de me faire rapatrier à New York. Toute ma famille se trouvant à New York, je voudrais aller la retrouver, et vous prie, Monsieur le Préfet ; de vouloir bien réviser mon titre de voyage et me le retourner le plus tôt possible. Je désirerais si possible m’embarquer à Casablanca.

Fait à Lortet (commune des Hautes-Pyrénées). Richard Koppl »

Suite à cette missive, l’inspecteur de police spéciale Conso, Commissaire Spécial, Chef de Service écrit le 25 novembre 1940, au Préfet au sujet du visa réclamé par R. Köppl. Il donne une idée plus détaillée du parcours de Richard depuis son départ d’Allemagne.

« KOPPL, Richard, de nationalité allemande (confession israélite) est en France depuis mars 1939 venant d’Espagne. Il a quitté l’Allemagne en juin 1934, en raison des événements antisémitiques qui se sont déroulés dans ce pays et, en compagnie de sa famille, s’est rendu à New York. (Titulaire d’une carte d’identité d’immigrant délivrée le 7-5-1934 par le Consul d’Amérique à Stuttgart). En février 1937, il est allé en Espagne prendre part à la guerre civile, dans les rangs des républicains (Brigade Internationale). A la fin de la guerre civile espagnole il est entré en France par Perpignan et a été aussitôt interné dans le camp de St Cyprien. Fin mars 1939, après un séjour de 4 semaines au camp de St Cyprien, il a été autorisé à se rendre au Havre en vue de son rapatriement en Amérique. Il se trouvait dans cette dernière ville, attendant son rapatriement, lorsque la guerre éclata. Il fut interné dans divers camps et notamment dans celui de Lisieux et, en dernier lieu, au camp d’Internés de Bassens (Gironde). Koppl fut libéré du camp de Bassens pour lui permettre de se rendre à Bayonne ainsi qu’en fait foi un ordre délivré le 20-6- 1940, par le Commandant de la 18e Région militaire. Il se trouvait à Bayonne depuis quelques jours, lorsque, en raison de l’avance allemande sur cette ville, les étrangers furent évacués sur Tarbes. Le Centre d’Accueil des Réfugiés de Tarbes le dirigea, fin juin, sur Lortet. Depuis ce moment, Koppl est hébergé à Lortet par M. Rey, Secrétaire de Mairie, qui l’occupe à des travaux agricoles. Il perçoit l’allocation aux réfugiés.

Koppl exerçait en Allemagne et en Amérique, la profession de boulanger. D’instruction primaire, parlant couramment l’anglais et un peu le français, cet étranger ne s’est jamais livré, dit-il, à aucune activité politique ni littéraire. Aucun fait n’a jamais été relevé à son encontre qui permettrait d’infirmer ses dires. Il ne figure pas sur nos listes de suspects. C’est en tant qu’israélite qu’il a pris part à la guerre civile espagnole. Sa famille est en Amérique et il est désireux d’aller la rejoindre. Il y aurait intérêt à lui délivrer le visa de sortie de notre territoire. Mais il y a lieu de noter que depuis qu’il a obtenu de la Préfecture de la Seine-Inférieure son titre de voyage à destination des Etats-Unis ou de l’Amérique du Sud, il n’a pu obtenir des Autorités Consulaires Américaines le visa d’entrée aux Etats-Unis. Il a écrit deux fois au Consulat des Etats-Unis à Marseille sans obtenir de réponse. Cet étranger est en situation irrégulière et travaille sans carte d’identité, percevant en outre l’allocation aux réfugiés. Il y aurait lieu, en attendant que les démarches en vue de son rapatriement aient abouti, de le faire interner au Camp de Gurs, en application de la note n° 24 385, en date du 19-10-1940, de Monsieur le Général Commandant la 17e Région ».

Richard, on le voit, est sans cesse rattrapé par les événements qui s’opposent à son rapatriement aux Etats-Unis. ll est probable qu’à un moment ou un autre il se réfugie dans le Gard, où il est arrêté après son séjour à Lortet, fin 1940 ou début 1941. Juif étranger, sans titre de séjour, il est envoyé au 805ème Groupement de Travailleurs Etrangers (GTE), aux Salles du Gardon, où il se trouve à l’été 1941. Il est alors fiché par les autorités françaises qui savent pouvoir le retrouver. Ce qui ne manque pas d’arriver lorsqu’elles décident de livrer aux Allemands les juifs étrangers installés sur le territoire.

Interné au camp des Milles, puis envoyé à Drancy, il est déporté le 28 août 1942 par le convoi 25 (3) et meurt à Auschwitz, sans aucun doute gazé à son arrivée.

Le reste de la famille sera sauvée par son émigration aux Etats-Unis : après Gertrud, son plus jeune frère Hermann y est arrivé en 1937 et leur mère Sibylla, restée en Allemagne au moment de la guerre, est parvenue à les retrouver en 1941.

Rédaction : Marie Balta, Gérard Krebs.

Notes :
1/ Sur l’histoire de cette communauté, cf.  https://www.jewishencyclopedia.com/articles/11589-nordlingen
2/ Très intéressant document à usage pédagogique des Archives Départementales des Hautes-Pyrénées sur « L’Immigration dans les Hautes Pyrénées » où, précisément, le parcours de Richard Köppl montre la complexité des motivations d’un migrant, les multiples interventions des autorités pour préciser sa situation, le suivre et finalement le faire interner.
3/ Convoi 25, 1 000 juifs : une fois passé la frontière franco-allemande : Saarbrücken, Frankfurt-Main, Dresden, Görlitz, Nysa, Cosel et Katowice avant d’arriver à Auschwitz. C’est le deuxième convoi qui fait un arrêt à Cosel, à proximité d’Auschwitz. À Cosel, on procède à une sélection et les Allemands font descendre les hommes valides qui sont envoyés dans des camps de travail situés dans la région….

Sources :

-Dossier Caen : 40 R 1256
-Liste Holocaust Data Base : Richard Köppl n° 36 636.
-Stadtarchiv Nördlingen : Famille Köppl
-Document pédagogique du Service éducatif des Archives Départementales des Hautes-Pyrénées sur l’Immigration dans les Hautes-Pyrénées. Il y est largement question de R. Köppl.
-https://cdn.reseau-canope.fr/archivage/valid/NT-les-immigrations-dans-les-hautes-pyrenees-de-la-fin-du-xixe-siecle-au-xxe-siecle-23332-16290.pdf
https://www.calameo.com/books/006110404ff08adb55570 (dont photo)
-Archives du Gard, Fichier des juifs français et étrangers, cote 1W139
-Site Myheritage (recherche sur Hermann et Sibylla Koeppl)

Vous avez un complément d’informations ? N’hésitez pas nous le faire savoir.

KÖPPL (ou KOEPPL) Richard

  • Auschwitz

  • Né le 19 juin 1911 à Nördlingen (Allemagne)

  • Décédé à Auschwitz début septembre 1942

C’est à Nördlingen, petite ville de Bavière à caractère médiéval, que Richard Köppl voit le jour, le 4 juin 1911, au sein d’une communauté juive forte d’environ 400 personnes (1). Ses parents : Siegfried Köppl, tailleur, et Sibylla Heymann, s’y sont mariés peu avant, le 16 mars de la même année. Le couple a ensuite une fille, Gertrud (1912). Vers la fin des années 1910, la famille se fixe semble-t-il à Weiden (Bavière), ou naît un garçon, Hermann (1920). Son père aura à peine le temps de le connaître : il meurt le 18 septembre 1920.

Après ce décès, la famille retourne à Nördlingen, où elle habite 4 Vordere Gerbergasse. A l’automne 1932, Richard, devenu boulanger, prend son indépendance et s’installe quelques rues plus loin, au 7 Farbgasse. Peu après l’accession d’Hitler au pouvoir, il réussit à obtenir un visa pour émigrer aux Etats-Unis, ainsi que sa sœur Gertrud. Tous deux célibataires, ils quittent l’Allemagne en juin 1934, destination : New York où Richard va exercer sa profession de boulanger jusqu’en 1937. Cette année-là, il décide de rentrer en Europe combattre le fascisme en Espagne.

Grâce à un courrier (2) qu’il adresse au Préfet des Hautes Pyrénées (Tarbes) en octobre 1940 auquel est jointe une demande de renouvellement de titre d’identité et de voyage, on a une idée de son parcours et un descriptif de l’aspect physique de Richard à 29 ans : taille : 1m 68, cheveux noirs, sourcils noirs, front couvert, yeux marrons, nez moyen, bouche moyenne, barbe rasée, menton rond, visage ovale, teint brun et signe particulier : cicatrice à droite de la lèvre inférieure.

Voici sa lettre, datée du 1er octobre 1940 :

« Monsieur le Préfet, J’ai l’honneur de vous adresser une demande de renouvellement de mon titre d’identité et de voyage que j’ai déposé à la Préfecture le 24 août dernier.

Je suis parti d’Allemagne le 19 juin 1934 pour New York où je suis arrivé le 28 juin suivant. J’ai quitté ensuite cette ville le 12 février 1937 pour l’Espagne où j’ai fait la campagne dans la Brigade Internationale, et arrivé en France à la suite de la défaite le 3 mars 1939. Arrivé au Havre où je me suis présenté au Consulat américain afin de me faire rapatrier à New York. Toute ma famille se trouvant à New York, je voudrais aller la retrouver, et vous prie, Monsieur le Préfet ; de vouloir bien réviser mon titre de voyage et me le retourner le plus tôt possible. Je désirerais si possible m’embarquer à Casablanca.

Fait à Lortet (commune des Hautes-Pyrénées). Richard Koppl »

Suite à cette missive, l’inspecteur de police spéciale Conso, Commissaire Spécial, Chef de Service écrit le 25 novembre 1940, au Préfet au sujet du visa réclamé par R. Köppl. Il donne une idée plus détaillée du parcours de Richard depuis son départ d’Allemagne.

« KOPPL, Richard, de nationalité allemande (confession israélite) est en France depuis mars 1939 venant d’Espagne. Il a quitté l’Allemagne en juin 1934, en raison des événements antisémitiques qui se sont déroulés dans ce pays et, en compagnie de sa famille, s’est rendu à New York. (Titulaire d’une carte d’identité d’immigrant délivrée le 7-5-1934 par le Consul d’Amérique à Stuttgart). En février 1937, il est allé en Espagne prendre part à la guerre civile, dans les rangs des républicains (Brigade Internationale). A la fin de la guerre civile espagnole il est entré en France par Perpignan et a été aussitôt interné dans le camp de St Cyprien. Fin mars 1939, après un séjour de 4 semaines au camp de St Cyprien, il a été autorisé à se rendre au Havre en vue de son rapatriement en Amérique. Il se trouvait dans cette dernière ville, attendant son rapatriement, lorsque la guerre éclata. Il fut interné dans divers camps et notamment dans celui de Lisieux et, en dernier lieu, au camp d’Internés de Bassens (Gironde). Koppl fut libéré du camp de Bassens pour lui permettre de se rendre à Bayonne ainsi qu’en fait foi un ordre délivré le 20-6- 1940, par le Commandant de la 18e Région militaire. Il se trouvait à Bayonne depuis quelques jours, lorsque, en raison de l’avance allemande sur cette ville, les étrangers furent évacués sur Tarbes. Le Centre d’Accueil des Réfugiés de Tarbes le dirigea, fin juin, sur Lortet. Depuis ce moment, Koppl est hébergé à Lortet par M. Rey, Secrétaire de Mairie, qui l’occupe à des travaux agricoles. Il perçoit l’allocation aux réfugiés.

Koppl exerçait en Allemagne et en Amérique, la profession de boulanger. D’instruction primaire, parlant couramment l’anglais et un peu le français, cet étranger ne s’est jamais livré, dit-il, à aucune activité politique ni littéraire. Aucun fait n’a jamais été relevé à son encontre qui permettrait d’infirmer ses dires. Il ne figure pas sur nos listes de suspects. C’est en tant qu’israélite qu’il a pris part à la guerre civile espagnole. Sa famille est en Amérique et il est désireux d’aller la rejoindre. Il y aurait intérêt à lui délivrer le visa de sortie de notre territoire. Mais il y a lieu de noter que depuis qu’il a obtenu de la Préfecture de la Seine-Inférieure son titre de voyage à destination des Etats-Unis ou de l’Amérique du Sud, il n’a pu obtenir des Autorités Consulaires Américaines le visa d’entrée aux Etats-Unis. Il a écrit deux fois au Consulat des Etats-Unis à Marseille sans obtenir de réponse. Cet étranger est en situation irrégulière et travaille sans carte d’identité, percevant en outre l’allocation aux réfugiés. Il y aurait lieu, en attendant que les démarches en vue de son rapatriement aient abouti, de le faire interner au Camp de Gurs, en application de la note n° 24 385, en date du 19-10-1940, de Monsieur le Général Commandant la 17e Région ».

Richard, on le voit, est sans cesse rattrapé par les événements qui s’opposent à son rapatriement aux Etats-Unis. ll est probable qu’à un moment ou un autre il se réfugie dans le Gard, où il est arrêté après son séjour à Lortet, fin 1940 ou début 1941. Juif étranger, sans titre de séjour, il est envoyé au 805ème Groupement de Travailleurs Etrangers (GTE), aux Salles du Gardon, où il se trouve à l’été 1941. Il est alors fiché par les autorités françaises qui savent pouvoir le retrouver. Ce qui ne manque pas d’arriver lorsqu’elles décident de livrer aux Allemands les juifs étrangers installés sur le territoire.

Interné au camp des Milles, puis envoyé à Drancy, il est déporté le 28 août 1942 par le convoi 25 (3) et meurt à Auschwitz, sans aucun doute gazé à son arrivée.

Le reste de la famille sera sauvée par son émigration aux Etats-Unis : après Gertrud, son plus jeune frère Hermann y est arrivé en 1937 et leur mère Sibylla, restée en Allemagne au moment de la guerre, est parvenue à les retrouver en 1941.

Rédaction : Marie Balta, Gérard Krebs.

Notes :
1/ Sur l’histoire de cette communauté, cf.  https://www.jewishencyclopedia.com/articles/11589-nordlingen
2/ Très intéressant document à usage pédagogique des Archives Départementales des Hautes-Pyrénées sur « L’Immigration dans les Hautes Pyrénées » où, précisément, le parcours de Richard Köppl montre la complexité des motivations d’un migrant, les multiples interventions des autorités pour préciser sa situation, le suivre et finalement le faire interner.
3/ Convoi 25, 1 000 juifs : une fois passé la frontière franco-allemande : Saarbrücken, Frankfurt-Main, Dresden, Görlitz, Nysa, Cosel et Katowice avant d’arriver à Auschwitz. C’est le deuxième convoi qui fait un arrêt à Cosel, à proximité d’Auschwitz. À Cosel, on procède à une sélection et les Allemands font descendre les hommes valides qui sont envoyés dans des camps de travail situés dans la région….

Sources :

-Dossier Caen : 40 R 1256
-Liste Holocaust Data Base : Richard Köppl n° 36 636.
-Stadtarchiv Nördlingen : Famille Köppl
-Document pédagogique du Service éducatif des Archives Départementales des Hautes-Pyrénées sur l’Immigration dans les Hautes-Pyrénées. Il y est largement question de R. Köppl.
-https://cdn.reseau-canope.fr/archivage/valid/NT-les-immigrations-dans-les-hautes-pyrenees-de-la-fin-du-xixe-siecle-au-xxe-siecle-23332-16290.pdf
https://www.calameo.com/books/006110404ff08adb55570 (dont photo)
-Archives du Gard, Fichier des juifs français et étrangers, cote 1W139
-Site Myheritage (recherche sur Hermann et Sibylla Koeppl)

Vous avez un complément d’informations ? N’hésitez pas nous le faire savoir.