RECHERCHEZ
Issue d’une vieille famille juive provençale de la bourgeoisie israélite de Nîmes, Alice Déborah Milhaud naît le 9 février 1882. Elle est l’aînée d’une fratrie de quatre enfants, deux filles et deux garçons. Son père Isaac Bessalel Milhaud est négociant en tissus et a créé en 1881 avec son frère Moïse la société « Milhaud Bernard et fils ». Sa mère Adèle Gentille Carcassonne, sans profession, gère le foyer et veille à l’éducation des enfants à l’instar des épouses bourgeoises de son époque. Alice évolue dans un milieu social plutôt libéral, cultivé, aux idées progressistes, bien intégré dans la sphère républicaine locale. Dans la première décennie du 20e siècle, Isaac présidera d’ailleurs la section nîmoise du comité Mascuraud.[1] L’enfance et l’adolescence d’Alice se déroulent sans heurt, mais le décès prématuré en octobre 1896 de son frère Daniel âgé de sept ans viendra assombrir l’année de ses 14 ans. Ses études secondaires se limitent à la fréquentation d’un cours d’enseignement ménager[2]. Comme toute jeune fille de son milieu, Alice doit se préparer à son futur rôle de femme d’intérieur et de maîtresse de maison, celui qui fait de la femme, conformément aux normes bourgeoises de son époque, « l’âme du foyer ». Ce conformisme ne l’empêche pas d’accéder à une certaine émancipation que lui apporte sa grande passion pour la littérature. Boulimique de lectures, elle devient une véritable autodidacte en matière de grands auteurs. Mais là n’est pas sa seule passion, c’est également une mélomane avertie et une admiratrice des grands peintres. Presque trois ans après sa sœur cadette Lucie[3], Alice épouse à Nîmes le 8 avril 1910 Georges Josué Pruner[4], rabbin en Avignon. D’origine russe et naturalisé français en 1908, ce dernier est désireux de fonder une famille et d’asseoir ainsi son intégration au sein de la société française. Par l’intermédiaire d’un collègue rabbin de Nîmes, il est mis en relation avec le représentant de la communauté juive de Nîmes, Moïse Milhaud, qui lui présente alors sa nièce Alice, toujours célibataire. Bien qu’il s’agisse au départ d’un mariage « raisonnable », c’est une véritable affection qui va constituer le ciment du couple Pruner. Un couple uni où la bienveillance, l’intelligence, l’ouverture d’esprit et le goût commun pour la culture conduisent chacun au respect des convictions de l’autre. Cette entente harmonieuse ne semblait pas gagnée au regard des différences de milieu social et de pratiques religieuses des familles des époux. L’un provenant d’un milieu social précaire d’émigrés juifs ashkénazes observant une orthodoxie judaïque stricte, l’autre issue d’un milieu juif sépharade assimilé, aisé, peu porté aux pratiques religieuses et acquis aux idées républicaines. De cette union naissent en Avignon, respectivement en mars 1911 et mai 1914 deux enfants, Odette Sarah Justine et Francis Abraham. Peu après la naissance de celui-ci, le premier conflit mondial éclate. Josué[5] est mobilisé dans le Nord et Alice se retrouve seule avec ses deux jeunes enfants dont un bébé de deux mois. Elle décide alors de rejoindre ses parents à Nîmes où l’absence de son époux sera plus supportable. Loin des fracas du front, elle veille au bien-être de ses enfants, choyés également par leurs grands-parents Milhaud dont le maset familial est un véritable havre de paix. En 1915, Josué est incorporé au Corps expéditionnaire d’Orient en qualité d’aumônier israélite de la flotte française, et participe à l’expédition des Dardanelles où il contracte la maladie de la dengue. Après son rétablissement il est affecté au navire-hôpital le « Vinh Long » chargé de rapatrier en France depuis l’île grecque de Lemnos les grands blessés et les mourants. Dans le cadre de cette mission, Josué est amené à faire souvent escale à Toulon, Alice décide alors de s’y installer afin de profiter au mieux de ses brefs séjours dans la capitale varoise. En 1920 la famille Pruner emménage à Besançon où Josué a été nommé rabbin. La vie familiale a repris son cours, les Pruner vivent modestement mais Alice ne s’en plaint pas. Elle veille à la gestion du budget familial avec rigueur et gratifie ses proches de ses talents de cuisinière et de couturière, sans doute un héritage de son passage à l’Ecole ménagère. Alice éduque ses enfants avec toute la bienveillance et les valeurs morales humanistes qui l’animent. Elle n’hésite pas à les ouvrir au monde, à la culture, à travers sa passion pour les arts et en particulier celle pour la littérature.[6] En 1937, les Pruner quittent Besançon pour Nice où Josué vient d’obtenir un poste de rabbin. Avec l’arrivée de la seconde guerre mondiale les Pruner vont très vite être confrontés aux premiers effets discriminatoires et humiliants des lois antisémites du gouvernement de Vichy. Dans l’été 1941,[7] les époux Pruner doivent se faire recenser comme juifs à la préfecture. Bien qu’intégrés voire assimilés[8], ils deviennent ainsi des citoyens de seconde zone, début du processus qui les conduira à l’extermination. Fin 1940, Josué est promu grand rabbin[9], lourde charge compte tenu des mesures prises par Vichy, de l’afflux de nombreux réfugiés et des rafles dont ils sont l’objet. En sa qualité de maître spirituel de la communauté juive de Nice, Josué avec l’appui d’Alice, déploie toute son énergie pour venir en aide et apporter son réconfort aux juifs français et étrangers venus se réfugier à Nice, souvent dans un état d’extrême dénuement et de grande détresse morale. Il n’hésite pas non plus à protester face à des actes de violence antisémites. A partir du 11 novembre 1942 Nice passe sous occupation italienne ce qui offre à ces derniers un peu de répit[10]. Mais ce dernier ne va pas durer avec la signature le 8 septembre 1943 de l’armistice entre les Italiens et les Alliés. Le soir même, les Allemands occupent Nice où se sont réfugiés 30 000 juifs toutes nationalités confondues[11]. Pour avoir refusé de livrer à Aloïs Brunner[12] les coordonnées de plusieurs personnalités juives réfugiées à Nice, Josué est placé en résidence surveillée. Plus tard, et dans la nuit du 3 au 4 octobre 1943 il est arrêté à son domicile sous les yeux de la concierge de son immeuble. Alice n’est pas arrêtée mais ne voulant pas être séparée de son mari, demande à rester avec lui. Dès le surlendemain sa fille Odette et sa famille quittent Nice pour la Cantal où se sont déjà réfugiés Francis, son épouse et leur fils Michel. Le couple Pruner est incarcéré dans un premier temps à l’Hôtel Excelsior de Nice avant d’être transféré le 11 octobre 1943 à Drancy où il retrouve certains coreligionnaires niçois. Le rabbin Pruner est accueilli avec chaleur et confiance par ces derniers qui voient en la présence de leur maître spirituel un certain réconfort. Le 20 novembre 1943 vers midi, les époux Pruner partent pour Auschwitz par le convoi n°62[13]. Ils sont gazés dès leur arrivée le 23 novembre 1943[14]. Alice sera reconnue déportée politique, à titre posthume, le 30 novembre 1962.
Eric BERNARD
[1] Comité républicain du commerce, de l’industrie et de l’agriculture, appelé « comité Mascuraud » du nom d’Alfred Mascuraud son fondateur. Ce comité politico-économique a été créé en 1899 afin de servir de relais entre le patronat parisien et provincial et les hommes politiques de centre-gauche. Il disposait d’une délégation dans chaque département. Il mettra fin à ses activités en 1926.
[2] Probablement le cours d’enseignement ménager « La Française » située à Nîmes et dont la directrice était Déborah Milhaud, cousine germaine d’Alice.
[3] La tradition juive aurait voulu que la sœur aînée fût la première.
[4] Voir l’article rendant compte des festivités liées à la cérémonie du mariage sur le site de la presse de la BnF RetroNews : https://www.retronews.fr/journal/le-mistral/20-avril-1910/2179/4807558/1 (dernière consultation le 23 décembre)
[5] Josué sera son prénom usuel.
[6] Son fils Francis obtiendra en 1954 un doctorat ès lettres, il sera professeur à l’Université des lettres et sciences humaines de Dijon et doyen de cette université. Il publiera un certain nombre d’études d’œuvres littéraires.
[7] Loi du 2 juin 1941
[8] Josué a reçu à l’issue de la première guerre mondiale la légion d’honneur à titre militaire et la Croix de guerre.
[9] En remplacement du grand Rabbin Samuel Schumacher. Voir PANIACCI, Jean-Louis. Les juifs et la question juive dans les Alpes-Maritimes de 1939 à 1945. Nice : Archives départementales des Alpes-Maritimes, 1983, 91p. Synthèse disponible en ligne sur le site www.département06.fr (dernière consultation 26 décembre 2023)
[10] Les Italiens refusent de livrer les juifs et d’appliquer la législation antisémite de Vichy même s’ils surveillent la communauté juive.
[11] Voir actes de la journée d’étude du 6 novembre 2014 qui s’est déroulée à Nice, consacrée à la persécution des juifs dans les Alpes-Maritimes durant la seconde guerre mondiale.
[12]Le SS Hauptsturmführer Aloïs Bruner, expert dans l’organisation des rafles, ayant déjà sévi à Vienne, Berlin et Salonique, prend le commandement du camp de Drancy fin juin 1943. Connu pour ses méthodes brutales, il sème une véritable terreur à Nice où il s’installe dès le 10 septembre 1943 avec un commando de SS autrichien. Il réquisitionne l’hôtel Excelsior proche de la gare pour en faire le quartier général de la section anti-juive et un camp de regroupement des juifs arrêtés avant le transfert vers le camp de Drancy.
[13] Le convoi 62 part de la gare de Bobigny le 20 novembre 1943 emportant avec lui 1200 Juifs, dont une majorité est de nationalité française; plus de 40% des déportés sont même nés en France. Il arrive à Auschwitz le 23 novembre aux environs de 4 ou 5 heures du matin, d’après l’Institut International pour la Mémoire de la Shoah Yad Vashem. Dans le Mémorial de la Déportation des Juifs de France, Serge Klarsfeld écrit à propos du convoi n°62 : « 634 hommes, 556 femmes et 10 indéterminés. 83 enfants de moins de 12 ans ; 164 de moins de 18 ans (…). A l’arrivée à Auschwitz, 241 hommes furent sélectionnés avec les matricules 164427 à 164667 ainsi que 45 femmes (Mles 69036 à 69080). 914 déportés furent gazés. En 1945 29 survivants dont 2 femmes ».
[14] Officiellement, ils sont décédés le 26 novembre.
Sources :
- Archives départementales du Gard, registres des naissances Nîmes, année 1882, 1885, 1889 et 1897.
- Archives départementales du Gard, registre des mariages Nîmes, année 1910.
- Mémorial de la Shoah de Paris.
- Service historique de la défense, département des fonds d’archives, division des archives des victimes des conflits contemporains, site de Caen. Dossier d’Alice Déborah Milhaud cote AC 21 P 528 161.
- Site de généalogie Généanet.
- Site internet de l’Institut International pour la Mémoire de la Shoah Yad Vashem : https://deportation.yadvashem.org (dernière consultation le 29 décembre 2023)
- Témoignage écrit de Michel Pruner, petit-fils d’Alice Milhaud.
- Arbre généalogique d’Alice Déborah Milhaud établi par Jacqueline Moretti.
- KLARSFELD, Serge. Mémorial de la déportation des juifs de France. Association des Fils et Filles des Déportés Juifs de France (FFDJF), 2012, 812 p. Disponible sur : https://stevemorse.org/france/ (dernière consultation le 26 décembre 2023)
PANIACCI, Jean-Louis. Les juifs et la question juive dans les Alpes-Maritimes de 1939 à 1945. Nice : Archives départementales des Alpes-Maritimes, 1983, 91p. Synthèse disponible en ligne sur le site département06.fr (dernière consultation 26 décembre 2023)
- Actes de la journée d’étude du 6 novembre 2014 qui s’est déroulée à Nice, consacrée à la persécution des Juifs dans les Alpes-Maritimes durant la Seconde Guerre mondiale
RECHERCHEZ
Issue d’une vieille famille juive provençale de la bourgeoisie israélite de Nîmes, Alice Déborah Milhaud naît le 9 février 1882. Elle est l’aînée d’une fratrie de quatre enfants, deux filles et deux garçons. Son père Isaac Bessalel Milhaud est négociant en tissus et a créé en 1881 avec son frère Moïse la société « Milhaud Bernard et fils ». Sa mère Adèle Gentille Carcassonne, sans profession, gère le foyer et veille à l’éducation des enfants à l’instar des épouses bourgeoises de son époque. Alice évolue dans un milieu social plutôt libéral, cultivé, aux idées progressistes, bien intégré dans la sphère républicaine locale. Dans la première décennie du 20e siècle, Isaac présidera d’ailleurs la section nîmoise du comité Mascuraud.[1] L’enfance et l’adolescence d’Alice se déroulent sans heurt, mais le décès prématuré en octobre 1896 de son frère Daniel âgé de sept ans viendra assombrir l’année de ses 14 ans. Ses études secondaires se limitent à la fréquentation d’un cours d’enseignement ménager[2]. Comme toute jeune fille de son milieu, Alice doit se préparer à son futur rôle de femme d’intérieur et de maîtresse de maison, celui qui fait de la femme, conformément aux normes bourgeoises de son époque, « l’âme du foyer ». Ce conformisme ne l’empêche pas d’accéder à une certaine émancipation que lui apporte sa grande passion pour la littérature. Boulimique de lectures, elle devient une véritable autodidacte en matière de grands auteurs. Mais là n’est pas sa seule passion, c’est également une mélomane avertie et une admiratrice des grands peintres. Presque trois ans après sa sœur cadette Lucie[3], Alice épouse à Nîmes le 8 avril 1910 Georges Josué Pruner[4], rabbin en Avignon. D’origine russe et naturalisé français en 1908, ce dernier est désireux de fonder une famille et d’asseoir ainsi son intégration au sein de la société française. Par l’intermédiaire d’un collègue rabbin de Nîmes, il est mis en relation avec le représentant de la communauté juive de Nîmes, Moïse Milhaud, qui lui présente alors sa nièce Alice, toujours célibataire. Bien qu’il s’agisse au départ d’un mariage « raisonnable », c’est une véritable affection qui va constituer le ciment du couple Pruner. Un couple uni où la bienveillance, l’intelligence, l’ouverture d’esprit et le goût commun pour la culture conduisent chacun au respect des convictions de l’autre. Cette entente harmonieuse ne semblait pas gagnée au regard des différences de milieu social et de pratiques religieuses des familles des époux. L’un provenant d’un milieu social précaire d’émigrés juifs ashkénazes observant une orthodoxie judaïque stricte, l’autre issue d’un milieu juif sépharade assimilé, aisé, peu porté aux pratiques religieuses et acquis aux idées républicaines. De cette union naissent en Avignon, respectivement en mars 1911 et mai 1914 deux enfants, Odette Sarah Justine et Francis Abraham. Peu après la naissance de celui-ci, le premier conflit mondial éclate. Josué[5] est mobilisé dans le Nord et Alice se retrouve seule avec ses deux jeunes enfants dont un bébé de deux mois. Elle décide alors de rejoindre ses parents à Nîmes où l’absence de son époux sera plus supportable. Loin des fracas du front, elle veille au bien-être de ses enfants, choyés également par leurs grands-parents Milhaud dont le maset familial est un véritable havre de paix. En 1915, Josué est incorporé au Corps expéditionnaire d’Orient en qualité d’aumônier israélite de la flotte française, et participe à l’expédition des Dardanelles où il contracte la maladie de la dengue. Après son rétablissement il est affecté au navire-hôpital le « Vinh Long » chargé de rapatrier en France depuis l’île grecque de Lemnos les grands blessés et les mourants. Dans le cadre de cette mission, Josué est amené à faire souvent escale à Toulon, Alice décide alors de s’y installer afin de profiter au mieux de ses brefs séjours dans la capitale varoise. En 1920 la famille Pruner emménage à Besançon où Josué a été nommé rabbin. La vie familiale a repris son cours, les Pruner vivent modestement mais Alice ne s’en plaint pas. Elle veille à la gestion du budget familial avec rigueur et gratifie ses proches de ses talents de cuisinière et de couturière, sans doute un héritage de son passage à l’Ecole ménagère. Alice éduque ses enfants avec toute la bienveillance et les valeurs morales humanistes qui l’animent. Elle n’hésite pas à les ouvrir au monde, à la culture, à travers sa passion pour les arts et en particulier celle pour la littérature.[6] En 1937, les Pruner quittent Besançon pour Nice où Josué vient d’obtenir un poste de rabbin. Avec l’arrivée de la seconde guerre mondiale les Pruner vont très vite être confrontés aux premiers effets discriminatoires et humiliants des lois antisémites du gouvernement de Vichy. Dans l’été 1941,[7] les époux Pruner doivent se faire recenser comme juifs à la préfecture. Bien qu’intégrés voire assimilés[8], ils deviennent ainsi des citoyens de seconde zone, début du processus qui les conduira à l’extermination. Fin 1940, Josué est promu grand rabbin[9], lourde charge compte tenu des mesures prises par Vichy, de l’afflux de nombreux réfugiés et des rafles dont ils sont l’objet. En sa qualité de maître spirituel de la communauté juive de Nice, Josué avec l’appui d’Alice, déploie toute son énergie pour venir en aide et apporter son réconfort aux juifs français et étrangers venus se réfugier à Nice, souvent dans un état d’extrême dénuement et de grande détresse morale. Il n’hésite pas non plus à protester face à des actes de violence antisémites. A partir du 11 novembre 1942 Nice passe sous occupation italienne ce qui offre à ces derniers un peu de répit[10]. Mais ce dernier ne va pas durer avec la signature le 8 septembre 1943 de l’armistice entre les Italiens et les Alliés. Le soir même, les Allemands occupent Nice où se sont réfugiés 30 000 juifs toutes nationalités confondues[11]. Pour avoir refusé de livrer à Aloïs Brunner[12] les coordonnées de plusieurs personnalités juives réfugiées à Nice, Josué est placé en résidence surveillée. Plus tard, et dans la nuit du 3 au 4 octobre 1943 il est arrêté à son domicile sous les yeux de la concierge de son immeuble. Alice n’est pas arrêtée mais ne voulant pas être séparée de son mari, demande à rester avec lui. Dès le surlendemain sa fille Odette et sa famille quittent Nice pour la Cantal où se sont déjà réfugiés Francis, son épouse et leur fils Michel. Le couple Pruner est incarcéré dans un premier temps à l’Hôtel Excelsior de Nice avant d’être transféré le 11 octobre 1943 à Drancy où il retrouve certains coreligionnaires niçois. Le rabbin Pruner est accueilli avec chaleur et confiance par ces derniers qui voient en la présence de leur maître spirituel un certain réconfort. Le 20 novembre 1943 vers midi, les époux Pruner partent pour Auschwitz par le convoi n°62[13]. Ils sont gazés dès leur arrivée le 23 novembre 1943[14]. Alice sera reconnue déportée politique, à titre posthume, le 30 novembre 1962.
Eric BERNARD
[1] Comité républicain du commerce, de l’industrie et de l’agriculture, appelé « comité Mascuraud » du nom d’Alfred Mascuraud son fondateur. Ce comité politico-économique a été créé en 1899 afin de servir de relais entre le patronat parisien et provincial et les hommes politiques de centre-gauche. Il disposait d’une délégation dans chaque département. Il mettra fin à ses activités en 1926.
[2] Probablement le cours d’enseignement ménager « La Française » située à Nîmes et dont la directrice était Déborah Milhaud, cousine germaine d’Alice.
[3] La tradition juive aurait voulu que la sœur aînée fût la première.
[4] Voir l’article rendant compte des festivités liées à la cérémonie du mariage sur le site de la presse de la BnF RetroNews : https://www.retronews.fr/journal/le-mistral/20-avril-1910/2179/4807558/1 (dernière consultation le 23 décembre)
[5] Josué sera son prénom usuel.
[6] Son fils Francis obtiendra en 1954 un doctorat ès lettres, il sera professeur à l’Université des lettres et sciences humaines de Dijon et doyen de cette université. Il publiera un certain nombre d’études d’œuvres littéraires.
[7] Loi du 2 juin 1941
[8] Josué a reçu à l’issue de la première guerre mondiale la légion d’honneur à titre militaire et la Croix de guerre.
[9] En remplacement du grand Rabbin Samuel Schumacher. Voir PANIACCI, Jean-Louis. Les juifs et la question juive dans les Alpes-Maritimes de 1939 à 1945. Nice : Archives départementales des Alpes-Maritimes, 1983, 91p. Synthèse disponible en ligne sur le site www.département06.fr (dernière consultation 26 décembre 2023)
[10] Les Italiens refusent de livrer les juifs et d’appliquer la législation antisémite de Vichy même s’ils surveillent la communauté juive.
[11] Voir actes de la journée d’étude du 6 novembre 2014 qui s’est déroulée à Nice, consacrée à la persécution des juifs dans les Alpes-Maritimes durant la seconde guerre mondiale.
[12]Le SS Hauptsturmführer Aloïs Bruner, expert dans l’organisation des rafles, ayant déjà sévi à Vienne, Berlin et Salonique, prend le commandement du camp de Drancy fin juin 1943. Connu pour ses méthodes brutales, il sème une véritable terreur à Nice où il s’installe dès le 10 septembre 1943 avec un commando de SS autrichien. Il réquisitionne l’hôtel Excelsior proche de la gare pour en faire le quartier général de la section anti-juive et un camp de regroupement des juifs arrêtés avant le transfert vers le camp de Drancy.
[13] Le convoi 62 part de la gare de Bobigny le 20 novembre 1943 emportant avec lui 1200 Juifs, dont une majorité est de nationalité française; plus de 40% des déportés sont même nés en France. Il arrive à Auschwitz le 23 novembre aux environs de 4 ou 5 heures du matin, d’après l’Institut International pour la Mémoire de la Shoah Yad Vashem. Dans le Mémorial de la Déportation des Juifs de France, Serge Klarsfeld écrit à propos du convoi n°62 : « 634 hommes, 556 femmes et 10 indéterminés. 83 enfants de moins de 12 ans ; 164 de moins de 18 ans (…). A l’arrivée à Auschwitz, 241 hommes furent sélectionnés avec les matricules 164427 à 164667 ainsi que 45 femmes (Mles 69036 à 69080). 914 déportés furent gazés. En 1945 29 survivants dont 2 femmes ».
[14] Officiellement, ils sont décédés le 26 novembre.
Sources :
- Archives départementales du Gard, registres des naissances Nîmes, année 1882, 1885, 1889 et 1897.
- Archives départementales du Gard, registre des mariages Nîmes, année 1910.
- Mémorial de la Shoah de Paris.
- Service historique de la défense, département des fonds d’archives, division des archives des victimes des conflits contemporains, site de Caen. Dossier d’Alice Déborah Milhaud cote AC 21 P 528 161.
- Site de généalogie Généanet.
- Site internet de l’Institut International pour la Mémoire de la Shoah Yad Vashem : https://deportation.yadvashem.org (dernière consultation le 29 décembre 2023)
- Témoignage écrit de Michel Pruner, petit-fils d’Alice Milhaud.
- Arbre généalogique d’Alice Déborah Milhaud établi par Jacqueline Moretti.
- KLARSFELD, Serge. Mémorial de la déportation des juifs de France. Association des Fils et Filles des Déportés Juifs de France (FFDJF), 2012, 812 p. Disponible sur : https://stevemorse.org/france/ (dernière consultation le 26 décembre 2023)
PANIACCI, Jean-Louis. Les juifs et la question juive dans les Alpes-Maritimes de 1939 à 1945. Nice : Archives départementales des Alpes-Maritimes, 1983, 91p. Synthèse disponible en ligne sur le site département06.fr (dernière consultation 26 décembre 2023)
- Actes de la journée d’étude du 6 novembre 2014 qui s’est déroulée à Nice, consacrée à la persécution des Juifs dans les Alpes-Maritimes durant la Seconde Guerre mondiale