BERTEYAC Edmond

  • 133495 Mauthausen

  • Né le 12 décembre 1922 à Nancy

  • Décédé à Marseille le 22 juillet 1994.

     

Edmond Marcel Berteyac naît à Nancy le 12 décembre 1922. Son père Henri Berteyac, natif de Salazac (Gard), est sous-officier et sa mère Lina Fontanille, également native de Salazac, est couturière, métier qu’elle n’exercera plus après son mariage. Le couple a déjà un fils, Robert, né à Orange le 20 janvier 1920. Edmond Berteyac et son frère reçoivent une éducation très stricte, marquée par une discipline quasi militaire insufflée par le père et des règles morales chrétiennes appliquées par une mère très pieuse. Après le Vaucluse, la Meurthe et Moselle, et l’Algérie (Blida) la famille Berteyac se retrouve à Paris où le père a été muté. Edmond y passe une partie de son enfance et son adolescence, d’abord dans le 16e arrondissement et ensuite dans le 20e.  Après son certificat d’études primaires, Edmond Berteyac entreprend des études de technicien dans une école de métrie à Paris. Le 3 août 1939, son père, alors lieutenant à l’Inspection des forges[1], décède d’un cancer à l’hôpital militaire du Val de Grâce. Très perturbé par ce décès, Edmond se retrouve seul avec sa mère, Robert ayant déjà quitté le foyer familial pour entreprendre sa formation de gendarme. Un mois plus tard la guerre éclate et Lina hésite à quitter Paris pour rejoindre à Salazac sa mère,  veuve depuis peu également. Plus rien ne la retient à Paris où elle n’a pas de famille, si ce n’est  la scolarité d’Edmond, en attente de passer son examen de fin d’études dont la tenue n’est pas certaine. Dans les lettres qu’elle adresse à sa mère, Lina ne cache pas sa difficulté à « maîtriser » son fils Edmond. Ce dernier est un adolescent plein de fougue, qui ne demande qu’à jouir pleinement des distractions que réclame sa jeunesse. Comme tout adolescent, Edmond est en quête d’émancipation et de liberté. Mais sa mère ne voit pas les choses ainsi. Animée par des principes éducatifs très rigides, elle juge son fils sévèrement dans ses lettres. Elle le qualifie de « paresseux », lui reproche « d’être sans volonté » et « d’être peu intéressé par ses études ».  En 1940, Edmond et sa mère quittent finalement Paris pour revenir à Salazac où sa grand-mère maternelle tient le café du Midi. Edmond se rend régulièrement à Marseille chez sa tante maternelle Irma dont il se sentira très proche tout au long de sa vie. Il noue avec elle des relations affectives très fortes et c’est presque une seconde mère pour lui. Loin d’être austère comme sa sœur Lina, Irma qui n’a pas eu d’enfant, considère ses neveux Edmond et Robert comme ses propres fils. Jeune adulte, Edmond trouve un emploi de dessinateur industriel à Salindres, emploi qu’il va occuper jusqu’à son départ pour le STO[2] en Allemagne. Edmond n’y échappe pas et se voit contraint de répondre à la convocation qui lui est adressée. Les sanctions prévues en cas de non présentation sont sévères (de trois à cinq ans de prison, de 200 à 100 000 francs d’amende), aussi Edmond ne prend pas le risque de s’y soustraire. A cela s’ajoutent la rapidité de la mise en œuvre de la loi et l’absence de solutions pour y échapper. Il se rend alors à l’école pratique de Nîmes[3] pour procéder aux formalités de sa réquisition. Dessinateur industriel travaillant en usine, Edmond appartient à la catégorie des travailleurs qualifiés très prisés par l’industrie allemande. Il part le 13 mars 1943 pour l’Allemagne avec le premier convoi des requis du STO du Gard.  Bien que le préfet ait par précaution fait interdire l’accès de la gare et de ses environs immédiats aux familles et au public, c’est dans un climat houleux de protestation que s’opère ce premier départ qui rassemble 700 jeunes. Des slogans hostiles au gouvernement et à l’occupant sont inscrits à la craie sur les wagons[4] et « l’Internationale » et la « Marseillaise » sont entonnées à plusieurs reprises. Le train part finalement après une heure et demie de troubles. Dans le Gard pour le mois de mars 1943, ce sont 1465 jeunes requis qui partent pour l’Allemagne[5].  Edmond fait ainsi partie des 600 000 français qui auront été réquisitionnés de force durant l’Occupation. Après une étape à Marseille, il arrive dans le district de Sorau-Lausitz[6] où il est affecté à l’usine de montage d’avions Focke-Wulf. Loin de connaître des « conditions de vie confortables», il est probable qu’à l’instar de la très grande majorité des déportés du travail, Edmond et ses compagnons aient vécu dans des conditions de logement et d’hygiène plus que rudimentaires, avec une nourriture réduite au strict minimum, des salaires bien inférieurs à ceux des ouvriers allemands pour des horaires de travail allant de 60 à 72 heures hebdomadaires voire plus. A cela il convient d’ajouter l’épreuve des bombardements et la suppression des permissions au cours de l’année 1943[7]. Sur dénonciation[8], Edmond Berteyac et 12 de ses compagnons de chambrée sont arrêtés le 26 janvier 1945 par la Gestapo et conduits immédiatement à la prison de Cottbus[9]. Le groupe est accusé d’appartenance à un groupe de résistance, d’actes de sabotage, d’audition de radio étrangère, de propagation de nouvelles antiallemandes et de réunions clandestines[10]. Interrogés et torturés à plusieurs reprises par la Gestapo de Sorau, les membres du groupe reconnaissent qu’ils ont « plus ou moins » participé à des actions indirectes tendant à ralentir la production allemande par la destruction de matériel et d’outillage[11]. Dans les premiers jours de février 1945, Edmond et ses camarades sont envoyés au camp disciplinaire de Gross-Beeren[12], situé à 20 km au sud de Berlin. Le 25 février 1945, il est transféré au camp de Mauthausen[13] où il reçoit le matricule 133495. Il fera partie des 7834[14] travailleurs français requis en Allemagne arrêtés à la suite d’actes de résistance et transférés en camp de concentration. Pendant plusieurs semaines, Edmond est affecté au Kommando d’Enns spécialisé dans la construction de bunkers. Après deux mois de souffrances endurées dans l’enfer de Mauthausen, le 24 avril 1945 il est évacué en camion par la Croix-Rouge internationale et dirigé vers la France via la Suisse. Sa libération anticipée précède de quelques jours la libération « véritable » du camp de Mauthausen par les Américains le 5 mai 1945. Son état de santé ne lui permet pas de rentrer en France dans les jours qui suivent et il aura probablement été hospitalisé dans un hôpital suisse avant son passage par le centre de rapatriement d’Annemasse où il arrive le 3 mai 1945.  Il y subit une série de formalités administratives, d’examens médicaux[15] et d’interrogatoires d’identité[16]. Le 6 mai Edmond peut enfin rentrer à Salazac où il retrouve sa mère qui, très impressionnée par son état de grande maigreur, s’évanouit en le voyant. Afin de reprendre des forces et de recevoir les soins appropriés à son état de santé très dégradé, Edmond est hospitalisé à Marseille jusqu’au 23 août 1945. Il retourne ensuite à Salazac où il doit amorcer un long travail de reconstitution physique et psychologique. Il s’agit de reprendre le cours de sa vie d’avant-guerre, de se réinscrire dans  une vie sociale et de retrouver une activité professionnelle.  Le 26 août 1947 il épouse à Pont-Saint-Esprit Marthe Thérèse Marseille originaire de Saint-Michel d’Euzet (Gard). De leur union, naît le 11 février 1951 à Marseille leur fils Bernard. Edmond entreprend une carrière professionnelle au sein d’EDF où il atteindra le grade d’ingénieur répartiteur d’énergie électrique. Il participera dans le domaine hydraulique au suivi de la construction du barrage de Serre-Ponçon. Issu d’un milieu familial plutôt conservateur et austère, Edmond est au contraire très ancré à gauche, ce qui se traduit par un certain nombre d’engagements, à commencer par ses responsabilités de cadre syndicaliste au sein de la CGT. Il occupera par ailleurs des fonctions d’administrateur de la Caisse Mutuelle Complémentaire d’Action Sociale d’EDF de Marseille. « Bon vivant », très sociable il aime être entouré de ses amis et pratiquer un certain nombre d’activités de loisirs dont la pèche sous-marine. Dans les années 50, Edmond obtient le statut de déporté politique. Les mois passés à Mauthausen le hanteront toute sa vie, les cauchemars récurrents qui peuplent certaines de ses nuits en témoignent. Dans un souci de mémoire et de transmission, il n’hésite pas à emmener à deux reprises son fils visiter le site de Mauthausen. Edmond Berteyac décède à Marseille le 22 juillet 1994.

Eric BERNARD


ric BERNARD[1] L’Inspection des Forges a pour rôle le contrôle de la qualité des fabrications effectuées dans l’industrie privée et la qualité des métaux, alliages, bois, produits et fournitures diverses à usage des établissements de l’artillerie (arsenaux, manufactures d’armes principalement).

[2] Le 16 février 1943 est votée la loi instituant le Service du Travail Obligatoire (STO) qui permet d’astreindre les classes d’âge, nées en 1920-21-22 au travail forcé en Allemagne (ou en France) pour une durée de deux ans.

[3] Voir ouvrage Fabrice Sugier et Monique Vézilier

[4] « A bas Laval », « A bas Chiappe » (préfet du Gard) « A bas Hitler », « Vive Staline », « Vive De Gaulle »

[5] Voir article Mireille Justamond, « Génération STO. Avoir 20 ans en 1942 dans le Gard », dans Rhodanie n°145.

[6] Ancien comté de Prusse, situé dans la province de Brandebourg, appartenait au troisième Reich jusqu’en 1945. Aujourd’hui une grande partie de ce district est polonaise (district de Zary).

[7]Association pour la mémoire de la déportation du travail : https://www.requis-deportes-sto.fr/index.php/histoire/19431945/conditions-de-vie

[8] Le dénonciateur serait un certain Lebel, officier d’aviation prisonnier de guerre devenu travailleur libre. Soupçonné d’être agent de la Gestapo, il se serait intégré dans le groupe jusqu’à devenir un ami proche de l’un de ses membres. Voir attestations de Pascal Ispirato et d’Edmond Berteyac des 20 et 21 décembre 1951 insérées dans le dossier individuel de Georges Pasini, SHD Caen AC 21P 655789.

[9] Ville située dans l’Etat de Brandebourg, au nord de Dresde.

[10] Actes de résistance civile le plus souvent évoqués dans les archives des camps et les archives policières et judiciaires allemandes, et les archives de la main-d’œuvre française en Allemagne.

[11]Attestations des 20 et 21 décembre 1951 d’Edmond Berteyac et de Pascal Ispirato.

[12] « Camp d’éducation ouvrière » créé en septembre 1942 pour les opposants au nazisme et les travailleurs forcés. Par ses conditions de vie, il s’apparente à un véritable camp de concentration.

[13] On dénombrera à Mauthausen 253 travailleurs français, 93 sont décédés, 6 portés disparus. Parmi les 111 Requis et STO de moins de 25 ans 51 sont décédés.

[14] Nombre avancé par le Livre Mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en 2008.

[15] Compte tenu du nombre quotidien élevé de déportés à examiner, il s’agissait d’examens rapides et limités à l’essentiel.

[16] visant à démasquer les faux déportés (collaborateurs, criminels de guerre) qui pourraient s’être infiltrés parmi les déportés.

Sources :

  • Site de généalogie MyHeritage : arbre généalogique d’Edmond Berteyac établi par Jacqueline Berteyac : https://www.myheritage.fr (dernière consultation le 13 février 2025)
  • Archives départementales du Gard, DG-8 R 881 (dossiers recensement STO)
  • Archives du Centre international sur les persécutions nazies d’Arolsen :

https://collections.arolsen-archives.org/en/search/topic/1-1-26-3_01012603-015-248?s=Berteyac (dernière consultation le 13 février 2025)

  • Association pour la mémoire de la déportation du travail : https://www.requis-deportes-sto.fr/index.php/histoire/19431945/conditions-de-vie (dernière consultation les 13 février 2025)
  • Service Historique de la Défense, département des fonds d’archives, division des archives des victimes des conflits contemporains, site de Caen. Dossier de Georges Pasini, SHD Caen AC 21P 655789.
  • Site internet de l’amicale des déportés, familles et amis de Mauthausen, fiche de Edmond Berteyac : https://monument-mauthausen.org/133495.html (Dernière consultation le 13 février 2025).
  • SUGIER, Fabrice, VEZILIER Le Gard dans la guerre 1939-1945. Clermont-Ferrand : édition De Borée, mai 2017, 452 p.
  • JUSTAMOND, Mireille. « Génération STO. Avoir 20 ans en 1942 dans le Gard », dans Rhodanie n°145.
  • Témoignage de Bernard Berteyac, fils d’Edmond Berteyac
  • Témoignage de Jacqueline Berteyac, nièce d’Edmond Berteyac
Vous avez un complément d’informations ? N’hésitez pas nous le faire savoir.

BERTEYAC Edmond

  • 133495 Mauthausen

  • Né le 12 décembre 1922 à Nancy

  • Décédé à Marseille le 22 juillet 1994.

     

Edmond Marcel Berteyac naît à Nancy le 12 décembre 1922. Son père Henri Berteyac, natif de Salazac (Gard), est sous-officier et sa mère Lina Fontanille, également native de Salazac, est couturière, métier qu’elle n’exercera plus après son mariage. Le couple a déjà un fils, Robert, né à Orange le 20 janvier 1920. Edmond Berteyac et son frère reçoivent une éducation très stricte, marquée par une discipline quasi militaire insufflée par le père et des règles morales chrétiennes appliquées par une mère très pieuse. Après le Vaucluse, la Meurthe et Moselle, et l’Algérie (Blida) la famille Berteyac se retrouve à Paris où le père a été muté. Edmond y passe une partie de son enfance et son adolescence, d’abord dans le 16e arrondissement et ensuite dans le 20e.  Après son certificat d’études primaires, Edmond Berteyac entreprend des études de technicien dans une école de métrie à Paris. Le 3 août 1939, son père, alors lieutenant à l’Inspection des forges[1], décède d’un cancer à l’hôpital militaire du Val de Grâce. Très perturbé par ce décès, Edmond se retrouve seul avec sa mère, Robert ayant déjà quitté le foyer familial pour entreprendre sa formation de gendarme. Un mois plus tard la guerre éclate et Lina hésite à quitter Paris pour rejoindre à Salazac sa mère,  veuve depuis peu également. Plus rien ne la retient à Paris où elle n’a pas de famille, si ce n’est  la scolarité d’Edmond, en attente de passer son examen de fin d’études dont la tenue n’est pas certaine. Dans les lettres qu’elle adresse à sa mère, Lina ne cache pas sa difficulté à « maîtriser » son fils Edmond. Ce dernier est un adolescent plein de fougue, qui ne demande qu’à jouir pleinement des distractions que réclame sa jeunesse. Comme tout adolescent, Edmond est en quête d’émancipation et de liberté. Mais sa mère ne voit pas les choses ainsi. Animée par des principes éducatifs très rigides, elle juge son fils sévèrement dans ses lettres. Elle le qualifie de « paresseux », lui reproche « d’être sans volonté » et « d’être peu intéressé par ses études ».  En 1940, Edmond et sa mère quittent finalement Paris pour revenir à Salazac où sa grand-mère maternelle tient le café du Midi. Edmond se rend régulièrement à Marseille chez sa tante maternelle Irma dont il se sentira très proche tout au long de sa vie. Il noue avec elle des relations affectives très fortes et c’est presque une seconde mère pour lui. Loin d’être austère comme sa sœur Lina, Irma qui n’a pas eu d’enfant, considère ses neveux Edmond et Robert comme ses propres fils. Jeune adulte, Edmond trouve un emploi de dessinateur industriel à Salindres, emploi qu’il va occuper jusqu’à son départ pour le STO[2] en Allemagne. Edmond n’y échappe pas et se voit contraint de répondre à la convocation qui lui est adressée. Les sanctions prévues en cas de non présentation sont sévères (de trois à cinq ans de prison, de 200 à 100 000 francs d’amende), aussi Edmond ne prend pas le risque de s’y soustraire. A cela s’ajoutent la rapidité de la mise en œuvre de la loi et l’absence de solutions pour y échapper. Il se rend alors à l’école pratique de Nîmes[3] pour procéder aux formalités de sa réquisition. Dessinateur industriel travaillant en usine, Edmond appartient à la catégorie des travailleurs qualifiés très prisés par l’industrie allemande. Il part le 13 mars 1943 pour l’Allemagne avec le premier convoi des requis du STO du Gard.  Bien que le préfet ait par précaution fait interdire l’accès de la gare et de ses environs immédiats aux familles et au public, c’est dans un climat houleux de protestation que s’opère ce premier départ qui rassemble 700 jeunes. Des slogans hostiles au gouvernement et à l’occupant sont inscrits à la craie sur les wagons[4] et « l’Internationale » et la « Marseillaise » sont entonnées à plusieurs reprises. Le train part finalement après une heure et demie de troubles. Dans le Gard pour le mois de mars 1943, ce sont 1465 jeunes requis qui partent pour l’Allemagne[5].  Edmond fait ainsi partie des 600 000 français qui auront été réquisitionnés de force durant l’Occupation. Après une étape à Marseille, il arrive dans le district de Sorau-Lausitz[6] où il est affecté à l’usine de montage d’avions Focke-Wulf. Loin de connaître des « conditions de vie confortables», il est probable qu’à l’instar de la très grande majorité des déportés du travail, Edmond et ses compagnons aient vécu dans des conditions de logement et d’hygiène plus que rudimentaires, avec une nourriture réduite au strict minimum, des salaires bien inférieurs à ceux des ouvriers allemands pour des horaires de travail allant de 60 à 72 heures hebdomadaires voire plus. A cela il convient d’ajouter l’épreuve des bombardements et la suppression des permissions au cours de l’année 1943[7]. Sur dénonciation[8], Edmond Berteyac et 12 de ses compagnons de chambrée sont arrêtés le 26 janvier 1945 par la Gestapo et conduits immédiatement à la prison de Cottbus[9]. Le groupe est accusé d’appartenance à un groupe de résistance, d’actes de sabotage, d’audition de radio étrangère, de propagation de nouvelles antiallemandes et de réunions clandestines[10]. Interrogés et torturés à plusieurs reprises par la Gestapo de Sorau, les membres du groupe reconnaissent qu’ils ont « plus ou moins » participé à des actions indirectes tendant à ralentir la production allemande par la destruction de matériel et d’outillage[11]. Dans les premiers jours de février 1945, Edmond et ses camarades sont envoyés au camp disciplinaire de Gross-Beeren[12], situé à 20 km au sud de Berlin. Le 25 février 1945, il est transféré au camp de Mauthausen[13] où il reçoit le matricule 133495. Il fera partie des 7834[14] travailleurs français requis en Allemagne arrêtés à la suite d’actes de résistance et transférés en camp de concentration. Pendant plusieurs semaines, Edmond est affecté au Kommando d’Enns spécialisé dans la construction de bunkers. Après deux mois de souffrances endurées dans l’enfer de Mauthausen, le 24 avril 1945 il est évacué en camion par la Croix-Rouge internationale et dirigé vers la France via la Suisse. Sa libération anticipée précède de quelques jours la libération « véritable » du camp de Mauthausen par les Américains le 5 mai 1945. Son état de santé ne lui permet pas de rentrer en France dans les jours qui suivent et il aura probablement été hospitalisé dans un hôpital suisse avant son passage par le centre de rapatriement d’Annemasse où il arrive le 3 mai 1945.  Il y subit une série de formalités administratives, d’examens médicaux[15] et d’interrogatoires d’identité[16]. Le 6 mai Edmond peut enfin rentrer à Salazac où il retrouve sa mère qui, très impressionnée par son état de grande maigreur, s’évanouit en le voyant. Afin de reprendre des forces et de recevoir les soins appropriés à son état de santé très dégradé, Edmond est hospitalisé à Marseille jusqu’au 23 août 1945. Il retourne ensuite à Salazac où il doit amorcer un long travail de reconstitution physique et psychologique. Il s’agit de reprendre le cours de sa vie d’avant-guerre, de se réinscrire dans  une vie sociale et de retrouver une activité professionnelle.  Le 26 août 1947 il épouse à Pont-Saint-Esprit Marthe Thérèse Marseille originaire de Saint-Michel d’Euzet (Gard). De leur union, naît le 11 février 1951 à Marseille leur fils Bernard. Edmond entreprend une carrière professionnelle au sein d’EDF où il atteindra le grade d’ingénieur répartiteur d’énergie électrique. Il participera dans le domaine hydraulique au suivi de la construction du barrage de Serre-Ponçon. Issu d’un milieu familial plutôt conservateur et austère, Edmond est au contraire très ancré à gauche, ce qui se traduit par un certain nombre d’engagements, à commencer par ses responsabilités de cadre syndicaliste au sein de la CGT. Il occupera par ailleurs des fonctions d’administrateur de la Caisse Mutuelle Complémentaire d’Action Sociale d’EDF de Marseille. « Bon vivant », très sociable il aime être entouré de ses amis et pratiquer un certain nombre d’activités de loisirs dont la pèche sous-marine. Dans les années 50, Edmond obtient le statut de déporté politique. Les mois passés à Mauthausen le hanteront toute sa vie, les cauchemars récurrents qui peuplent certaines de ses nuits en témoignent. Dans un souci de mémoire et de transmission, il n’hésite pas à emmener à deux reprises son fils visiter le site de Mauthausen. Edmond Berteyac décède à Marseille le 22 juillet 1994.

Eric BERNARD


ric BERNARD[1] L’Inspection des Forges a pour rôle le contrôle de la qualité des fabrications effectuées dans l’industrie privée et la qualité des métaux, alliages, bois, produits et fournitures diverses à usage des établissements de l’artillerie (arsenaux, manufactures d’armes principalement).

[2] Le 16 février 1943 est votée la loi instituant le Service du Travail Obligatoire (STO) qui permet d’astreindre les classes d’âge, nées en 1920-21-22 au travail forcé en Allemagne (ou en France) pour une durée de deux ans.

[3] Voir ouvrage Fabrice Sugier et Monique Vézilier

[4] « A bas Laval », « A bas Chiappe » (préfet du Gard) « A bas Hitler », « Vive Staline », « Vive De Gaulle »

[5] Voir article Mireille Justamond, « Génération STO. Avoir 20 ans en 1942 dans le Gard », dans Rhodanie n°145.

[6] Ancien comté de Prusse, situé dans la province de Brandebourg, appartenait au troisième Reich jusqu’en 1945. Aujourd’hui une grande partie de ce district est polonaise (district de Zary).

[7]Association pour la mémoire de la déportation du travail : https://www.requis-deportes-sto.fr/index.php/histoire/19431945/conditions-de-vie

[8] Le dénonciateur serait un certain Lebel, officier d’aviation prisonnier de guerre devenu travailleur libre. Soupçonné d’être agent de la Gestapo, il se serait intégré dans le groupe jusqu’à devenir un ami proche de l’un de ses membres. Voir attestations de Pascal Ispirato et d’Edmond Berteyac des 20 et 21 décembre 1951 insérées dans le dossier individuel de Georges Pasini, SHD Caen AC 21P 655789.

[9] Ville située dans l’Etat de Brandebourg, au nord de Dresde.

[10] Actes de résistance civile le plus souvent évoqués dans les archives des camps et les archives policières et judiciaires allemandes, et les archives de la main-d’œuvre française en Allemagne.

[11]Attestations des 20 et 21 décembre 1951 d’Edmond Berteyac et de Pascal Ispirato.

[12] « Camp d’éducation ouvrière » créé en septembre 1942 pour les opposants au nazisme et les travailleurs forcés. Par ses conditions de vie, il s’apparente à un véritable camp de concentration.

[13] On dénombrera à Mauthausen 253 travailleurs français, 93 sont décédés, 6 portés disparus. Parmi les 111 Requis et STO de moins de 25 ans 51 sont décédés.

[14] Nombre avancé par le Livre Mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation en 2008.

[15] Compte tenu du nombre quotidien élevé de déportés à examiner, il s’agissait d’examens rapides et limités à l’essentiel.

[16] visant à démasquer les faux déportés (collaborateurs, criminels de guerre) qui pourraient s’être infiltrés parmi les déportés.

Sources :

  • Site de généalogie MyHeritage : arbre généalogique d’Edmond Berteyac établi par Jacqueline Berteyac : https://www.myheritage.fr (dernière consultation le 13 février 2025)
  • Archives départementales du Gard, DG-8 R 881 (dossiers recensement STO)
  • Archives du Centre international sur les persécutions nazies d’Arolsen :

https://collections.arolsen-archives.org/en/search/topic/1-1-26-3_01012603-015-248?s=Berteyac (dernière consultation le 13 février 2025)

  • Association pour la mémoire de la déportation du travail : https://www.requis-deportes-sto.fr/index.php/histoire/19431945/conditions-de-vie (dernière consultation les 13 février 2025)
  • Service Historique de la Défense, département des fonds d’archives, division des archives des victimes des conflits contemporains, site de Caen. Dossier de Georges Pasini, SHD Caen AC 21P 655789.
  • Site internet de l’amicale des déportés, familles et amis de Mauthausen, fiche de Edmond Berteyac : https://monument-mauthausen.org/133495.html (Dernière consultation le 13 février 2025).
  • SUGIER, Fabrice, VEZILIER Le Gard dans la guerre 1939-1945. Clermont-Ferrand : édition De Borée, mai 2017, 452 p.
  • JUSTAMOND, Mireille. « Génération STO. Avoir 20 ans en 1942 dans le Gard », dans Rhodanie n°145.
  • Témoignage de Bernard Berteyac, fils d’Edmond Berteyac
  • Témoignage de Jacqueline Berteyac, nièce d’Edmond Berteyac
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