POMPILI Constantino

  • 42213 à Ravensbrück – 3968 à Buchenwald

  • Né le 18 mars 1900 à Miano (Abruzzes- Italie)

  • Décédé le 23 janvier 1974 à Miano

Constantino Pompili est le troisième enfant d’une fratrie de cinq ; son père Domenico Pompili, est un petit paysan et sa mère, Rita De Martino, est mère au foyer. L’exploitation des modestes parcelles agricoles de la famille, qui vit chichement, suffit à peine à la nourrir. Comme tous les enfants de milieux pauvres de cette région agricole, Constantino doit quitter l’école primaire très tôt pour entrer dans la vie active et contribuer ainsi aux ressources du foyer. Entre 1918 et 1919, il effectue son service militaire dans le 51e régiment d’Infanterie. Après sa démobilisation en 1919, à l’instar de nombreux italiens pauvres de sa génération, il émigre en Meurthe et Moselle en Lorraine[1], pour travailler dans les mines. En 1922, il revient dans son village natal, où il épouse, le 11 novembre de la même année, Maria Angela Grazietta, une jeune veuve de guerre, mère d’une petite fille. Fin novembre 1922, peu après leur mariage, Constantino doit quitter précipitamment l’Italie pour regagner la Lorraine afin d’échapper à certaines condamnations dont il est l’objet[2]. Il laisse ainsi son épouse, qui mettra au monde, le 16 juillet 1923, leur fils Berrado, qu’il ne connaîtra que 24 ans plus tard. Toujours sous la surveillance policière du consulat d’Italie, et afin de s’y soustraire, Constantino décide de quitter Nancy pour se rendre dans le Gard, plus précisément à Bouillargues, où il trouve un emploi d’ouvrier agricole. Son épouse Maria Angela refuse de l’y rejoindre. Il rencontre Emilia Benedetti d’origine toscane, de dix ans son aînée, avec qui il commence une vie commune. Couturière et récemment veuve, elle a déjà trois enfants (deux filles et un garçon). Entre 1927 et 1930, Constantino devient à nouveau père avec la naissance de trois filles : Yolanda en 1927, Gesmina en 1928 et Lucie en 1930. Moins d’un mois après la naissance de cette dernière, leur mère Emilia meurt le 12 novembre, des suites de son accouchement.Constantino place alors les deux aînées dans une pension religieuse[3] à Meynes et confie la petite Lucie à une nourrice ; elle sera plus tard adoptée par un coupledu nom de Simo. Compte tenu de ses nombreux engagements politiques et de son départ en 1936 pour l’Espagne, où il rejoint les brigades internationales,et faute de les avoir reconnues, Constantino ne reverra plus ses filles, qui seront déclarées juridiquement orphelines. Cependant il ne les oubliera jamais, en témoignent leurs photographies insérées dans son portefeuille et qui l’ont accompagné jusqu’à la fin de sa vie. Seul, Il s’installe à Nîmes 28 route d’Arles, exerce la profession de bûcheron et adhère au parti communiste français et à la CGT. En raison de ses activités politiques antifascistes passées et présentes, il est toujours surveillé de près par le consulat d’Italie, situé à Montpellier, qui le classe parmi les « subversifs » à suivre de près.Il est considéré comme « un ardent militant communiste antifasciste, exalté et capable de commettre des actes téméraires ». Il est également repéré par la police française, lors des manifestations du 12 février 1934[4], à Nîmes, auxquelles il participe. Quand éclate la guerre d’Espagne, en juillet 1936, Constantino décide de s’engager au sein des brigades internationales pour venir en aide aux combattants républicains espagnols. Le 10 octobre 1936, il intègre ainsi le Bataillon Garibaldi composé principalement par des italiens. Il participe à toutes les grandes batailles de la guerre d’Espagne : bataille de Madrid, Osca (Huesca), Boadilla del Monte, Cerro Rojo, Casa Campo, Pozuelo, Mirabueno, Majadahonda, Arganda, Guadalajara, Ebre. Il obtient successivement les grades de sergent, de lieutenant et de capitaine. Lors de la dernière grande offensive des républicains dans la basse vallée de l’Ebre[5], Constantino est blessé aux deux jambes et hospitalisé pendant un mois à l’hôpital de Vic (province de Barcelone) et doit arrêter de se battre. Avec la dissolution des brigades internationales, fin septembre 1938, et la victoire des nationalistes du général Franco,début 1939, Constantino rentre en France avec la Retirada[6]. Il se retrouve, probablement début février 1939, au camp d’Argelès[7] qui accueille dans des conditions très précaires les réfugiés républicains et volontaires des ex brigades internationales, non ressortissants de pays démocratiques[8]. Il est ensuite transféré, entre le 20 et le 22 avril 1939, au camp de Gurs[9] et interné dans l’un de ses quatre îlots (sous-camps). Au sein du camp, largement sous la mouvance des communistes, les ex volontaires des brigades internationales jouissent d’un certain prestige auprès des autres internés. Déterminés, combattifs et disciplinés, ils vont très vite devenir les animateurs du camp. Sur la base d’une organisation rigoureuse, ils mettent en place toute une série d’activités : travail manuel, sport, musique et activités intellectuelles. Il est fort probable que Constantino Pompili ait eu sa part dans cette organisation. Pour des raisons non connues, il quitte le camp fin 1939[10]et s’installe à Calvisson dans le Gard. Fidèle à ses convictions et engagements politiques, Constantino n’hésite pas à rejoindre la Résistance lors de la seconde guerre mondiale. Il semble qu’il ait pratiqué d’abord une forme de résistance civile au sein de son village. Ce n’est qu’en 1943, le 10 octobre, qu’il opte pour la résistance armée et rejoint, sous le pseudonyme de Léon, la Première Compagnie de Provence F.T.P.F[11] (appelé dans un premier temps « camp Faïta »), créé dans les Maures en février-mars 1943. C’est l’un des plus importants maquis de Provence. En raison de son activité intense de sabotages et d’attaques de convois allemands, ce maquis est l’objet d’une répression féroce de la part des forces allemandes. Il doit constamment se déplacer, d’abord vers le Var intérieur, pour ensuite se replier dans les Basses Alpes[12], en février 1944, département qui paraît plus sûr et où le ravitaillement est plus facile.[13]Le 6 avril 1944, la Compagnie cantonnée dans une ferme[14]à Lambruisse (B.A.) est attaquée par les Allemands (8e compagnie Brandebourg), dont les moyens en armes sont nettement supérieurs à ceux des maquisards, qui vont toutefois tenir six heures. Avec ses camarades, Constantino essaie de fuir mais en vain. Il est arrêté, mis devant un peloton d’exécution pour être fusillé mais il est finalement épargné, échappant ainsi de peu à la mort. Il est conduit à la prison de Digne, où il subira trois jours d’interrogatoires musclés, avant d’être interné le 10 avril 1944 à la prison des Baumettes à Marseille. Il en repart, le 14 mai 1944, pour le camp de Compiègne-Royallieu où il reçoit le matricule 36348. Cinq semaines plus tard, le 18 juin[15]au petit matin, il part pour Dachau avec les 1200 ex internés de la centrale d’Eysses. Après trois jours d’un voyage effroyable, entassés à 110 ou 120 dans des wagons à bestiaux, où la soif a rendu fous certains déportés, le convoi arrive à Dachau le 20 juin dans l’après-midi. Après 14 heures d’attente sur la place d’appel, il se soumet aux formalités administratives d’usage lors de l’arrivée du déporté au camp. Viennent ensuite les séances de déshabillage et de désinfection à un rythme effréné et sous les coups de matraque des kapos. Il regagne enfin son bloc de quarantaine où il restera environ trois semaines, au terme desquelles il est affecté au début du mois de juillet au Kommando extérieur d’Allach[16] avec le matricule 74240. Réduit à l’état d’esclave, il travaille plus de 12 heures d’affilée par jour, affamé et astreint à des travaux extrêmement pénibles, avec la menace constante d’être accusé de sabotage et puni férocement si la pièce produite était inutilisable. Chaque samedi, il doit se soumettre au contrôle des poux, avec le risque qu’on lui découvre ne serait-ce qu’un pou, et qu’on lui retire ensuite tous ses vêtements. Il voit la fin de son calvaire avec la libération du Kommando par les troupes américaines, le 30 avril 1945, mais son évacuation n’interviendra que fin mai 1945. Son état de santé étant déplorable, il doit séjourner au centre d’accueil des prisonniers et déportés de l’île de Reichnau en Suisse, sur le lac de Constance, pour reprendre des forces. Il rejoint par train sanitaire le centre de rapatriement de Mulhouse, le 30 mai 1945. Malgré son séjour sur l’île Reichnau, son état de santé lors de son rapatriement est jugé moyen, il souffre de bronchite chronique et est atteint de la gale.Ce n’est que le 2 juin 1945 qu’il retrouve Calvisson où l’attend une ancienne « compagne ». Après un temps de réadaptation, il retrouve une vie sociale au sein de la commune et une activité professionnelle, à savoir celle de tailleur de pierre, qu’il exercera jusqu’à sa retraite. En juillet 1945, il reçoit le grade fictif d’adjudant à titre d’étranger et, en décembre 1946, il est décoré de la Croix de guerre avec étoile de bronze. Considéré d’abord comme déporté politique, il obtient le statut de déporté résistant le 27 décembre 1951. Il reprend son militantisme au sein du parti communiste. En 1964, Constantino prend sa retraite et décide de retourner définitivement dans son village natal où, après plus de 40 ans de séparation, il reprend une vie commune avec son épouse Maria Grazietta, alors âgée de 60 ans.  Il continue ses activités au sein du parti communiste italien et se rapproche de Luigi Longo, qui en est le secrétaire général. Constantino Pompili décède le 23 janvier 1974 à Miano. Il laisse le souvenir d’une personne très appréciée par ceux qui l’ont côtoyé, tant pour ses qualités humaines que pour ses engagements politiques. Il est souvent décrit comme quelqu’un de « bon vivant et qui aimait faire la fête », d’élégant qui « portait bien le chapeau ». Charmeur, il ne laissait pas indifférente la gent féminine et ses « conquêtes » amoureuses auraient été nombreuses.

Eric BERNARD


[1] Initiée dans les années 1880, la Lorraine est une des principales destinations des migrants italiens en Europe.

[2]À savoir une peine d’emprisonnement de 11 jours pour blessure avec une arme, de trois jours pour port de couteau et à une peine de cinq ans d’emprisonnement avec sursis.

[3] Probablement l’orphelinat qui appartenait à l’ordre des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul.

[4]Les villes de province, grandes, moyennes et petites, ont connu de très importantes manifestations le 12 février 1934, en réplique aux manifestations antiparlementairesdes mouvements d’extrême droite qui se sont déroulées à Paris le 6 février. A l’initiative des communistes et socialistes, ces manifestations se voulaient être une mobilisation dans l’unité d’action contre la menace fasciste.

[5]S’est déroulée entre le 25 juillet et le 16 novembre 1938. Ce fut la dernière grande offensive des républicains, mais elle se solda par un échec tactique et stratégique, qui précipita la fin de la guerre.

[6] Exode des réfugiés de la guerre civile espagnole.

[7] Camp de regroupement construit à la hâte à partir de février 1939 sur les plages de la commune d’Argelès-sur-Mer dans les Pyrénées Orientales.

[8] Comme la France ou l’Angleterre.

[9] Situé dans le Béarn. Sous administration militaire, il reçoit début avril les réfugiés républicains, Basques et internationaux provenant du camp d’Argelès dont 900 italiens parmi lesquels 400 communistes.

[10] S’est-il enfui ?

[11] Francs-Tireurs et Partisans Français, homologué au titre de la Résistance Intérieure Française (R.I.F.), officiellement fondé par la direction du parti communiste en 1942. La Résistance communiste connaît un essor spectaculaire à partir de 1943.

[12] Aujourd’hui Alpes de Haute Provence

[13]Voir l’article le Maquis Vallier du 7 mai 2002 mis en ligne sur le site de l’association Les Amis de la Fondation de la Résistance.

[14] La ferme Laval

[15]Ce convoi compte 2139 hommes dont plus de la moitié des déportés proviennent de la Centrale d’Eysses, à Villeneuve-sur-Lot, seulement 1541 hommes sont revenus de déportation.

[16] Créé en 1943 à 6 kilomètres de Munich et à 8 kilomètres de Dachau, sa population devait atteindre en mars 1945 14 000 déportés alors qu’il était prévu pour en recevoir 3 500.  Les déportés travaillaient au profit des usines d’aviation et de la firme BMW, situées à côté du camp annexe d’Allach.

Sources :

  • Service historique de la défense, département des fonds d’archives, division des archives des victimes des conflits contemporains. Dossier individuel de Constantino POMPILI, AC 21 P 663 075.
  • Associazione Nazionale Partigiani d’Italia (ANPI) : https://www.anpi.it/biografia/costantino-pompili
  • SIDBRINT, Site institutionnel de l’Université de Barcelone :https://sidbrint.ub.edu/en
  • Fondation pour la Mémoire de la Déportation (FMD) : http://www.bddm.org
  • Article « Le Maquis Vallier » de Jean-Marie Guillon, consultable sur le site internet de l’Association des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Résistance : https://www.memoresist.org/rencontre/le-maquis-vallier-2/
  • Archives du Centre internationalsur les persécutions naziesd’Arolsen : https://collections.arolsen-archives.org
  • Arbre généalogique établi par Mireille Gravier, consultable sur le site de généalogie Généanet :https://www.geneanet.org/
  • Témoignage de Mireille Gravier, épouse de Jean-Paul Soujol, petit-fils de Constantino Pompili
  • Régine et Pierre Salignon, association Meynes Patrimoine
  • Notice biographique de Constantino Pompili rédigée par Mireille Gravier, consultable sur le site internet de l’Association italienne des combattants volontaires antifascistes d’Espagne : https://www.aicvas.org/
  • Amicale des Anciens Détenus Patriotes de la Centrale d’Eysses. L’insurrection d’Eysses (19-23 février 1944). Une prison dans la Résistance. Paris : éditions sociales, 2e édition, 1e trimestre 1974, 252 p.
  • LAFAURIE, Jean. Blazy-Eysses-Dachau. Canéjan : CopyMédia, 2023, 185 p.
  • Amicale du camp de Gurs : https://campgurs.com
  • Prost, Antoine. « Chapitre II. Les manifestations du 12 février 1934 en province », Autour du Front populaire. Aspects du mouvement social au XXe siècle, sous la direction de Prost Antoine. Le Seuil, 2006, pp. 43-70. Consultable sur le site de Cairn.info : https://www.cairn.info/autour-du-front-populaire–9782020800211-page-43.htm
Vous avez un complément d’informations ? N’hésitez pas nous le faire savoir.

POMPILI Constantino

  • 42213 à Ravensbrück – 3968 à Buchenwald

  • Né le 18 mars 1900 à Miano (Abruzzes- Italie)

  • Décédé le 23 janvier 1974 à Miano

Constantino Pompili est le troisième enfant d’une fratrie de cinq ; son père Domenico Pompili, est un petit paysan et sa mère, Rita De Martino, est mère au foyer. L’exploitation des modestes parcelles agricoles de la famille, qui vit chichement, suffit à peine à la nourrir. Comme tous les enfants de milieux pauvres de cette région agricole, Constantino doit quitter l’école primaire très tôt pour entrer dans la vie active et contribuer ainsi aux ressources du foyer. Entre 1918 et 1919, il effectue son service militaire dans le 51e régiment d’Infanterie. Après sa démobilisation en 1919, à l’instar de nombreux italiens pauvres de sa génération, il émigre en Meurthe et Moselle en Lorraine[1], pour travailler dans les mines. En 1922, il revient dans son village natal, où il épouse, le 11 novembre de la même année, Maria Angela Grazietta, une jeune veuve de guerre, mère d’une petite fille. Fin novembre 1922, peu après leur mariage, Constantino doit quitter précipitamment l’Italie pour regagner la Lorraine afin d’échapper à certaines condamnations dont il est l’objet[2]. Il laisse ainsi son épouse, qui mettra au monde, le 16 juillet 1923, leur fils Berrado, qu’il ne connaîtra que 24 ans plus tard. Toujours sous la surveillance policière du consulat d’Italie, et afin de s’y soustraire, Constantino décide de quitter Nancy pour se rendre dans le Gard, plus précisément à Bouillargues, où il trouve un emploi d’ouvrier agricole. Son épouse Maria Angela refuse de l’y rejoindre. Il rencontre Emilia Benedetti d’origine toscane, de dix ans son aînée, avec qui il commence une vie commune. Couturière et récemment veuve, elle a déjà trois enfants (deux filles et un garçon). Entre 1927 et 1930, Constantino devient à nouveau père avec la naissance de trois filles : Yolanda en 1927, Gesmina en 1928 et Lucie en 1930. Moins d’un mois après la naissance de cette dernière, leur mère Emilia meurt le 12 novembre, des suites de son accouchement.Constantino place alors les deux aînées dans une pension religieuse[3] à Meynes et confie la petite Lucie à une nourrice ; elle sera plus tard adoptée par un coupledu nom de Simo. Compte tenu de ses nombreux engagements politiques et de son départ en 1936 pour l’Espagne, où il rejoint les brigades internationales,et faute de les avoir reconnues, Constantino ne reverra plus ses filles, qui seront déclarées juridiquement orphelines. Cependant il ne les oubliera jamais, en témoignent leurs photographies insérées dans son portefeuille et qui l’ont accompagné jusqu’à la fin de sa vie. Seul, Il s’installe à Nîmes 28 route d’Arles, exerce la profession de bûcheron et adhère au parti communiste français et à la CGT. En raison de ses activités politiques antifascistes passées et présentes, il est toujours surveillé de près par le consulat d’Italie, situé à Montpellier, qui le classe parmi les « subversifs » à suivre de près.Il est considéré comme « un ardent militant communiste antifasciste, exalté et capable de commettre des actes téméraires ». Il est également repéré par la police française, lors des manifestations du 12 février 1934[4], à Nîmes, auxquelles il participe. Quand éclate la guerre d’Espagne, en juillet 1936, Constantino décide de s’engager au sein des brigades internationales pour venir en aide aux combattants républicains espagnols. Le 10 octobre 1936, il intègre ainsi le Bataillon Garibaldi composé principalement par des italiens. Il participe à toutes les grandes batailles de la guerre d’Espagne : bataille de Madrid, Osca (Huesca), Boadilla del Monte, Cerro Rojo, Casa Campo, Pozuelo, Mirabueno, Majadahonda, Arganda, Guadalajara, Ebre. Il obtient successivement les grades de sergent, de lieutenant et de capitaine. Lors de la dernière grande offensive des républicains dans la basse vallée de l’Ebre[5], Constantino est blessé aux deux jambes et hospitalisé pendant un mois à l’hôpital de Vic (province de Barcelone) et doit arrêter de se battre. Avec la dissolution des brigades internationales, fin septembre 1938, et la victoire des nationalistes du général Franco,début 1939, Constantino rentre en France avec la Retirada[6]. Il se retrouve, probablement début février 1939, au camp d’Argelès[7] qui accueille dans des conditions très précaires les réfugiés républicains et volontaires des ex brigades internationales, non ressortissants de pays démocratiques[8]. Il est ensuite transféré, entre le 20 et le 22 avril 1939, au camp de Gurs[9] et interné dans l’un de ses quatre îlots (sous-camps). Au sein du camp, largement sous la mouvance des communistes, les ex volontaires des brigades internationales jouissent d’un certain prestige auprès des autres internés. Déterminés, combattifs et disciplinés, ils vont très vite devenir les animateurs du camp. Sur la base d’une organisation rigoureuse, ils mettent en place toute une série d’activités : travail manuel, sport, musique et activités intellectuelles. Il est fort probable que Constantino Pompili ait eu sa part dans cette organisation. Pour des raisons non connues, il quitte le camp fin 1939[10]et s’installe à Calvisson dans le Gard. Fidèle à ses convictions et engagements politiques, Constantino n’hésite pas à rejoindre la Résistance lors de la seconde guerre mondiale. Il semble qu’il ait pratiqué d’abord une forme de résistance civile au sein de son village. Ce n’est qu’en 1943, le 10 octobre, qu’il opte pour la résistance armée et rejoint, sous le pseudonyme de Léon, la Première Compagnie de Provence F.T.P.F[11] (appelé dans un premier temps « camp Faïta »), créé dans les Maures en février-mars 1943. C’est l’un des plus importants maquis de Provence. En raison de son activité intense de sabotages et d’attaques de convois allemands, ce maquis est l’objet d’une répression féroce de la part des forces allemandes. Il doit constamment se déplacer, d’abord vers le Var intérieur, pour ensuite se replier dans les Basses Alpes[12], en février 1944, département qui paraît plus sûr et où le ravitaillement est plus facile.[13]Le 6 avril 1944, la Compagnie cantonnée dans une ferme[14]à Lambruisse (B.A.) est attaquée par les Allemands (8e compagnie Brandebourg), dont les moyens en armes sont nettement supérieurs à ceux des maquisards, qui vont toutefois tenir six heures. Avec ses camarades, Constantino essaie de fuir mais en vain. Il est arrêté, mis devant un peloton d’exécution pour être fusillé mais il est finalement épargné, échappant ainsi de peu à la mort. Il est conduit à la prison de Digne, où il subira trois jours d’interrogatoires musclés, avant d’être interné le 10 avril 1944 à la prison des Baumettes à Marseille. Il en repart, le 14 mai 1944, pour le camp de Compiègne-Royallieu où il reçoit le matricule 36348. Cinq semaines plus tard, le 18 juin[15]au petit matin, il part pour Dachau avec les 1200 ex internés de la centrale d’Eysses. Après trois jours d’un voyage effroyable, entassés à 110 ou 120 dans des wagons à bestiaux, où la soif a rendu fous certains déportés, le convoi arrive à Dachau le 20 juin dans l’après-midi. Après 14 heures d’attente sur la place d’appel, il se soumet aux formalités administratives d’usage lors de l’arrivée du déporté au camp. Viennent ensuite les séances de déshabillage et de désinfection à un rythme effréné et sous les coups de matraque des kapos. Il regagne enfin son bloc de quarantaine où il restera environ trois semaines, au terme desquelles il est affecté au début du mois de juillet au Kommando extérieur d’Allach[16] avec le matricule 74240. Réduit à l’état d’esclave, il travaille plus de 12 heures d’affilée par jour, affamé et astreint à des travaux extrêmement pénibles, avec la menace constante d’être accusé de sabotage et puni férocement si la pièce produite était inutilisable. Chaque samedi, il doit se soumettre au contrôle des poux, avec le risque qu’on lui découvre ne serait-ce qu’un pou, et qu’on lui retire ensuite tous ses vêtements. Il voit la fin de son calvaire avec la libération du Kommando par les troupes américaines, le 30 avril 1945, mais son évacuation n’interviendra que fin mai 1945. Son état de santé étant déplorable, il doit séjourner au centre d’accueil des prisonniers et déportés de l’île de Reichnau en Suisse, sur le lac de Constance, pour reprendre des forces. Il rejoint par train sanitaire le centre de rapatriement de Mulhouse, le 30 mai 1945. Malgré son séjour sur l’île Reichnau, son état de santé lors de son rapatriement est jugé moyen, il souffre de bronchite chronique et est atteint de la gale.Ce n’est que le 2 juin 1945 qu’il retrouve Calvisson où l’attend une ancienne « compagne ». Après un temps de réadaptation, il retrouve une vie sociale au sein de la commune et une activité professionnelle, à savoir celle de tailleur de pierre, qu’il exercera jusqu’à sa retraite. En juillet 1945, il reçoit le grade fictif d’adjudant à titre d’étranger et, en décembre 1946, il est décoré de la Croix de guerre avec étoile de bronze. Considéré d’abord comme déporté politique, il obtient le statut de déporté résistant le 27 décembre 1951. Il reprend son militantisme au sein du parti communiste. En 1964, Constantino prend sa retraite et décide de retourner définitivement dans son village natal où, après plus de 40 ans de séparation, il reprend une vie commune avec son épouse Maria Grazietta, alors âgée de 60 ans.  Il continue ses activités au sein du parti communiste italien et se rapproche de Luigi Longo, qui en est le secrétaire général. Constantino Pompili décède le 23 janvier 1974 à Miano. Il laisse le souvenir d’une personne très appréciée par ceux qui l’ont côtoyé, tant pour ses qualités humaines que pour ses engagements politiques. Il est souvent décrit comme quelqu’un de « bon vivant et qui aimait faire la fête », d’élégant qui « portait bien le chapeau ». Charmeur, il ne laissait pas indifférente la gent féminine et ses « conquêtes » amoureuses auraient été nombreuses.

Eric BERNARD


[1] Initiée dans les années 1880, la Lorraine est une des principales destinations des migrants italiens en Europe.

[2]À savoir une peine d’emprisonnement de 11 jours pour blessure avec une arme, de trois jours pour port de couteau et à une peine de cinq ans d’emprisonnement avec sursis.

[3] Probablement l’orphelinat qui appartenait à l’ordre des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul.

[4]Les villes de province, grandes, moyennes et petites, ont connu de très importantes manifestations le 12 février 1934, en réplique aux manifestations antiparlementairesdes mouvements d’extrême droite qui se sont déroulées à Paris le 6 février. A l’initiative des communistes et socialistes, ces manifestations se voulaient être une mobilisation dans l’unité d’action contre la menace fasciste.

[5]S’est déroulée entre le 25 juillet et le 16 novembre 1938. Ce fut la dernière grande offensive des républicains, mais elle se solda par un échec tactique et stratégique, qui précipita la fin de la guerre.

[6] Exode des réfugiés de la guerre civile espagnole.

[7] Camp de regroupement construit à la hâte à partir de février 1939 sur les plages de la commune d’Argelès-sur-Mer dans les Pyrénées Orientales.

[8] Comme la France ou l’Angleterre.

[9] Situé dans le Béarn. Sous administration militaire, il reçoit début avril les réfugiés républicains, Basques et internationaux provenant du camp d’Argelès dont 900 italiens parmi lesquels 400 communistes.

[10] S’est-il enfui ?

[11] Francs-Tireurs et Partisans Français, homologué au titre de la Résistance Intérieure Française (R.I.F.), officiellement fondé par la direction du parti communiste en 1942. La Résistance communiste connaît un essor spectaculaire à partir de 1943.

[12] Aujourd’hui Alpes de Haute Provence

[13]Voir l’article le Maquis Vallier du 7 mai 2002 mis en ligne sur le site de l’association Les Amis de la Fondation de la Résistance.

[14] La ferme Laval

[15]Ce convoi compte 2139 hommes dont plus de la moitié des déportés proviennent de la Centrale d’Eysses, à Villeneuve-sur-Lot, seulement 1541 hommes sont revenus de déportation.

[16] Créé en 1943 à 6 kilomètres de Munich et à 8 kilomètres de Dachau, sa population devait atteindre en mars 1945 14 000 déportés alors qu’il était prévu pour en recevoir 3 500.  Les déportés travaillaient au profit des usines d’aviation et de la firme BMW, situées à côté du camp annexe d’Allach.

Sources :

  • Service historique de la défense, département des fonds d’archives, division des archives des victimes des conflits contemporains. Dossier individuel de Constantino POMPILI, AC 21 P 663 075.
  • Associazione Nazionale Partigiani d’Italia (ANPI) : https://www.anpi.it/biografia/costantino-pompili
  • SIDBRINT, Site institutionnel de l’Université de Barcelone :https://sidbrint.ub.edu/en
  • Fondation pour la Mémoire de la Déportation (FMD) : http://www.bddm.org
  • Article « Le Maquis Vallier » de Jean-Marie Guillon, consultable sur le site internet de l’Association des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Résistance : https://www.memoresist.org/rencontre/le-maquis-vallier-2/
  • Archives du Centre internationalsur les persécutions naziesd’Arolsen : https://collections.arolsen-archives.org
  • Arbre généalogique établi par Mireille Gravier, consultable sur le site de généalogie Généanet :https://www.geneanet.org/
  • Témoignage de Mireille Gravier, épouse de Jean-Paul Soujol, petit-fils de Constantino Pompili
  • Régine et Pierre Salignon, association Meynes Patrimoine
  • Notice biographique de Constantino Pompili rédigée par Mireille Gravier, consultable sur le site internet de l’Association italienne des combattants volontaires antifascistes d’Espagne : https://www.aicvas.org/
  • Amicale des Anciens Détenus Patriotes de la Centrale d’Eysses. L’insurrection d’Eysses (19-23 février 1944). Une prison dans la Résistance. Paris : éditions sociales, 2e édition, 1e trimestre 1974, 252 p.
  • LAFAURIE, Jean. Blazy-Eysses-Dachau. Canéjan : CopyMédia, 2023, 185 p.
  • Amicale du camp de Gurs : https://campgurs.com
  • Prost, Antoine. « Chapitre II. Les manifestations du 12 février 1934 en province », Autour du Front populaire. Aspects du mouvement social au XXe siècle, sous la direction de Prost Antoine. Le Seuil, 2006, pp. 43-70. Consultable sur le site de Cairn.info : https://www.cairn.info/autour-du-front-populaire–9782020800211-page-43.htm
Vous avez un complément d’informations ? N’hésitez pas nous le faire savoir.