RECHERCHEZ
Fils d’Abraham Perahia et de Léa, née Broude, Emmanuel Abraham naît à Salonique le 10 décembre 1899. Fabricant de malles, il arrive en France en 1931, avec sa femme, Diamante, née Strugano et quatre de leurs enfants, tous nés à Salonique : Albert le 5 mai 1921, Daniel le 30 avril 1925, Élie en 1928 et Salomon, en 1929. À Marseille, où, comme beaucoup de grecs ils séjournent dans un premier temps, naissent deux autres garçons, David en 1932 et Joseph en 1934.
En 1937 on les retrouve à Nîmes, domiciliés 38 rue Robert. Ils font partie de la communauté judéo-espagnole installée autour des Halles de Nîmes. Emmanuel est marchand ambulant de bonneterie ; lui et ses amis, souvent des émigrés turcs ou grecs se retrouvent pour des jeux de société ou à la synagogue pour les fêtes. Ils sont peu informés, ne lisent pas le français, mais sont bien intégrés. Les enfants vont à l’école et en 1943, ne portent pas l’étoile jaune. Pourtant le recensement des personnes juives instauré par Vichy s’est constitué. Une première descente de la police française en février 43, n’a pas de suite ; ne pouvant trouver une cache pour huit, la vie continue au domicile, « plutôt tranquille » dira Salomon.
Le 17 mars 44, les deux aînés, Albert et Daniel, maçons, sont convoqués pour le STO ; à la visite médicale on constate qu’ils sont juifs et on les envoie à la caserne route d’Uzès. Leur père, lui, est arrêté par la Gestapo le 18 mars 1944 chez lui alors que les quatre enfants restants sont à l’école. Tout d’abord, la Gestapo laisse Diamante chez elle, disant ne vouloir que les hommes. Salomon, qui a 15 ans, ans aperçoit son père avant que celui-ci ne rejoigne Albert et Daniel qui se trouvent déjà à la caserne. Suivent des moments de caches temporaires pour ceux qui restent : réfugiés chez Aaron Eskenazy, ils partent la veille de son arrestation (Aaron : matricule 20778, Drancy). La mère, qui ne parle que le ladino se réfugie chez une amie non-juive, après avoir obtenu l’aide d’une assistante sociale pour ses enfants (sans doute Madeleine Barot), mais sur dénonciation, elle est rapidement arrêtée par la Gestapo.
Emmanuel et ses deux fils, passent par les Baumettes, puis arrivent à Drancy (matricules respectifs : 20716, 20717, 20718). Daniel et son père sont envoyés, le 15 mai 44, par le convoi 73[i], vers le Fort de Kaunas (Lituanie). Ce convoi ne comporte que des hommes, 878, qui vont travailler jusqu’à épuisement. Emmanuel a 45 ans, Daniel 19, quand ils meurent là-bas. Il semble qu’Albert, parti de Lituanie ait été envoyé à Buchenwald où il serait mort. Après-guerre, un jugement fixera les trois décès au 20 mai 1944.
Salomon, Élie, David et Joseph survivront à l’Holocauste. Salomon insistera, dans son témoignage sur le rôle de l’assistante sociale du Secours National qui, sollicitée par sa mère, transformera le nom des quatre garçons en Pera, et pour Salomon et David, changera les prénoms sur les bons de transport qu’elle leur remettra, puis conduira elle-même les trois plus jeunes dans un centre de réfugiés espagnols à Alboussière, en Ardèche. Élie se cachera dans une famille paysanne à Caveirac. Ils se retrouveront à la fin de la guerre et attendront en vain le retour de leurs parents et frères. L’Oeuvre de Secours aux Enfants leur portera alors assistance.
Leur nom figure sur le mur du mémorial de la Shoah : dalle 31 – colonne 11 – rangée 1
Marie Balta – André Francisco
[i] Le convoi no 73 du 15 mai 1944 parti de la gare de Bobigny à destination, fait unique dans l’histoire de la Shoah en France, des Pays baltes. Les 878 déportés du convoi furent emmenés au Neuvième Fort, un camp d’extermination, de Kaunas en Lituanie, et à la prison Patarei de Reval (Tallinn) en Estonie. Seulement 22 déportés étaient encore en vie en 1945. Ce fut le seul convoi de déportation originaire de Drancy à avoir cette destination, même si la cause de ce choix demeure inconnue. En effet, ceux-ci étaient généralement dirigés vers le camp d’Auschwitz, de Majdanek, de Sobibor ou de Buchenwald. En outre, à la différence des autres, le Convoi 73 était composé uniquement d’hommes, peut-être pour participer à la construction d’ouvrages bétonnés pour l’organisation Todt. « Travailleurs » pour tenter d’éviter la déportation vers les camps d’extermination, une partie des victimes était volontaire. Toutefois, une hypothèse récente suggère qu’il s’agissait en fait de déporter ces hommes pour leur faire effacer les traces d’exactions déjà commises dans les pays baltes.
Sources :
Les judéo-espagnols à Nîmes pendant la seconde guerre mondiale. X. Rothéa,
Témoignage de Salomon Perahia in Nuestros Dezaparesidos.
Mémorial des déportés judéo-espagnols de France
Archives de Caen
Mémorial de la Shoah
« Convoi 73 » Wikipedia
RECHERCHEZ
Fils d’Abraham Perahia et de Léa, née Broude, Emmanuel Abraham naît à Salonique le 10 décembre 1899. Fabricant de malles, il arrive en France en 1931, avec sa femme, Diamante, née Strugano et quatre de leurs enfants, tous nés à Salonique : Albert le 5 mai 1921, Daniel le 30 avril 1925, Élie en 1928 et Salomon, en 1929. À Marseille, où, comme beaucoup de grecs ils séjournent dans un premier temps, naissent deux autres garçons, David en 1932 et Joseph en 1934.
En 1937 on les retrouve à Nîmes, domiciliés 38 rue Robert. Ils font partie de la communauté judéo-espagnole installée autour des Halles de Nîmes. Emmanuel est marchand ambulant de bonneterie ; lui et ses amis, souvent des émigrés turcs ou grecs se retrouvent pour des jeux de société ou à la synagogue pour les fêtes. Ils sont peu informés, ne lisent pas le français, mais sont bien intégrés. Les enfants vont à l’école et en 1943, ne portent pas l’étoile jaune. Pourtant le recensement des personnes juives instauré par Vichy s’est constitué. Une première descente de la police française en février 43, n’a pas de suite ; ne pouvant trouver une cache pour huit, la vie continue au domicile, « plutôt tranquille » dira Salomon.
Le 17 mars 44, les deux aînés, Albert et Daniel, maçons, sont convoqués pour le STO ; à la visite médicale on constate qu’ils sont juifs et on les envoie à la caserne route d’Uzès. Leur père, lui, est arrêté par la Gestapo le 18 mars 1944 chez lui alors que les quatre enfants restants sont à l’école. Tout d’abord, la Gestapo laisse Diamante chez elle, disant ne vouloir que les hommes. Salomon, qui a 15 ans, ans aperçoit son père avant que celui-ci ne rejoigne Albert et Daniel qui se trouvent déjà à la caserne. Suivent des moments de caches temporaires pour ceux qui restent : réfugiés chez Aaron Eskenazy, ils partent la veille de son arrestation (Aaron : matricule 20778, Drancy). La mère, qui ne parle que le ladino se réfugie chez une amie non-juive, après avoir obtenu l’aide d’une assistante sociale pour ses enfants (sans doute Madeleine Barot), mais sur dénonciation, elle est rapidement arrêtée par la Gestapo.
Emmanuel et ses deux fils, passent par les Baumettes, puis arrivent à Drancy (matricules respectifs : 20716, 20717, 20718). Daniel et son père sont envoyés, le 15 mai 44, par le convoi 73[i], vers le Fort de Kaunas (Lituanie). Ce convoi ne comporte que des hommes, 878, qui vont travailler jusqu’à épuisement. Emmanuel a 45 ans, Daniel 19, quand ils meurent là-bas. Il semble qu’Albert, parti de Lituanie ait été envoyé à Buchenwald où il serait mort. Après-guerre, un jugement fixera les trois décès au 20 mai 1944.
Salomon, Élie, David et Joseph survivront à l’Holocauste. Salomon insistera, dans son témoignage sur le rôle de l’assistante sociale du Secours National qui, sollicitée par sa mère, transformera le nom des quatre garçons en Pera, et pour Salomon et David, changera les prénoms sur les bons de transport qu’elle leur remettra, puis conduira elle-même les trois plus jeunes dans un centre de réfugiés espagnols à Alboussière, en Ardèche. Élie se cachera dans une famille paysanne à Caveirac. Ils se retrouveront à la fin de la guerre et attendront en vain le retour de leurs parents et frères. L’Oeuvre de Secours aux Enfants leur portera alors assistance.
Leur nom figure sur le mur du mémorial de la Shoah : dalle 31 – colonne 11 – rangée 1
Marie Balta – André Francisco
[i] Le convoi no 73 du 15 mai 1944 parti de la gare de Bobigny à destination, fait unique dans l’histoire de la Shoah en France, des Pays baltes. Les 878 déportés du convoi furent emmenés au Neuvième Fort, un camp d’extermination, de Kaunas en Lituanie, et à la prison Patarei de Reval (Tallinn) en Estonie. Seulement 22 déportés étaient encore en vie en 1945. Ce fut le seul convoi de déportation originaire de Drancy à avoir cette destination, même si la cause de ce choix demeure inconnue. En effet, ceux-ci étaient généralement dirigés vers le camp d’Auschwitz, de Majdanek, de Sobibor ou de Buchenwald. En outre, à la différence des autres, le Convoi 73 était composé uniquement d’hommes, peut-être pour participer à la construction d’ouvrages bétonnés pour l’organisation Todt. « Travailleurs » pour tenter d’éviter la déportation vers les camps d’extermination, une partie des victimes était volontaire. Toutefois, une hypothèse récente suggère qu’il s’agissait en fait de déporter ces hommes pour leur faire effacer les traces d’exactions déjà commises dans les pays baltes.
Sources :
Les judéo-espagnols à Nîmes pendant la seconde guerre mondiale. X. Rothéa,
Témoignage de Salomon Perahia in Nuestros Dezaparesidos.
Mémorial des déportés judéo-espagnols de France
Archives de Caen
Mémorial de la Shoah
« Convoi 73 » Wikipedia