RECHERCHEZ
Lucile Marie Malignon, née à Nîmes le 14 septembre 1898, est la fille de Timoléon Philogone Marius Malignon, employé des chemins de fer et de Marie Louise Roux, sans profession. Avec ses cinq frères et sœurs, elle est élevée dans cette modeste famille nîmoise, qui habite rue Robert, puis chemin du Mas de Rouvière. Elle apprend le métier de couturière et à 23 ans, épouse un camarade militant communiste : Julien Antoine Oulié, 20 ans, mécanicien en chaussures. Le mariage a lieu à Nîmes, le 27 septembre 1921 ; leur fille Huguette naît dans cette même ville cinq ans plus tard, en 1926.
En 1939, suite à l’interdiction du Parti Communiste Français, Lucile achète pour le parti, mais à son nom, un magasin, situé 12 rue Mareschal à Nîmes, qui sert de couverture à une coopérative ouvrière vendant des denrées alimentaires le jour et servant à la fabrication de tracts la nuit. Entrée en résistance, puis dans la Résistance, dès juillet 1941, elle organise des réunions, convainc, recrute, distribue tracts et journaux. Elle effectue ainsi le travail d’un agent de liaison sur une grande partie du Gard (Sommières, Lasalle, St Hippolyte du Fort, entre autres), ce qui lui vaudra d’être promue au grade fictif de Sergent en août 1948. Dans les témoignages qu’elle invoquera plus tard dans ses démarches de reconnaissance de déportée, elle est décrite comme très déterminée et même « débordante d’activité » dans ses actions au service de la construction du Front National dans le Gard.
Tout cela s’interrompt le 10 septembre 1941, lorsqu’elle elle se fait arrêter par la police française au 12 rue Mareschal. Écrouée à la Maison d’Arrêt de Nîmes, elle passe ensuite par la prison des Présentines à Marseille, puis, jugée par un tribunal militaire le 5 novembre 1941, elle est condamnée à 4 ans d’emprisonnement et 100 francs d’amende, pour « activité communiste ». Elle purge sa peine aux Baumettes quand elle est transférée le 9 février 1944, à la centrale de Rennes (n° d’écrou 11295). Elle y trouve une autre résistante Nîmoise : Andrée Julien. Jusqu’à leur libération, leur sort sera lié. Ensemble, elles sont acheminées au Centre d’Internement du Fort de Romainville. Puis, le 16 mai 1944, elles sont remises aux autorités allemandes et le 30 mai, avec 80 autres camarades, déportées par le convoi n° 362, de la gare de l’Est, jusqu’en Allemagne aux camps de Neue-Bremm puis Ravensbrück[i].
Toujours en compagnie d’Andrée Julien, Lucile est déplacée à l’été 1944 au camp de Leipzig-Shönefeld, pour être affectée à l’usine de la firme HASAG de Leipzig[ii], spécialisée dans la fabrique d’armes et de munitions ; ce conglomérat est alors le troisième utilisateur de travail forcé en Europe. Le kommando HASAG est évacué par les Allemands le 13 avril 1945, car l’avancée des Alliés se précise. Avec ses camarades, Lucile est contrainte, dans les conditions atroces qu’on connaît, à suivre cette marche interminable vers d’autres camps, dite Marche de la mort. Elle réussit à s’échapper de la colonne le 16 avril avec deux ou trois autres prisonnières, dont Andrée Julien. Après un long périple, elles sont récupérées par les Alliés le 17 mai. De leur côté, leurs camarades restées dans la colonne ont été libérées un mois plus tôt par les soviétiques. Le 30 mai, quand Lucile arrive à l’hôtel Lutétia à Paris, son état de santé est jugé mauvais : amaigrissement, vomissements, brûlures gastriques, sueurs…
À son retour à Nîmes, elle retrouve sa fille et son mari, Julien, qui avait été interné en France puis en Algérie avant d’être libéré en 1943. La famille s’installe au 106 rue Armand Barbès, puis, dans les années 1960 au 66 rue Richelieu. Et les époux reprennent leurs activités militantes communistes. Lucile garde contact avec les autres ex-prisonnières et de nombreuses associations de déportés et résistants jusqu’à sa mort survenue le 13 Novembre 1988 à la maison de Retraite de Boisset-Gaujac (Gard).
Marie Balta et Gérard Krebs.
Biographie en grande partie reprise de celle de Marine MARC (Université Paul-Valéry, Montpellier), petite-fille de Françoise Molinier à qui Lucile a légué son cahier de témoignage écrit à l’origine pour ses enfants et petits-enfants.
[i] « A leur arrivée à la gare de Sarrebruck, les déportées sont conduites au camp de Neue-Bremm, qui ne constitue qu’une étape relativement courte avant leur transfert vers le KL Ravensbrück.
Ce transport a la particularité d’être composé de femmes arrêtées depuis longtemps, entre 1941 et 1943, accusées par les Allemands de menées communistes. Ce sont en effet des membres du Front National et des FTPF. Si toutes ne sont pas arrêtées dans les mêmes départements, elles se retrouvent au cours de leur période d’internement à la prison de Rennes, avant d’être transférées vers le Fort de Romainville le 17 mai 1944. Par ailleurs, toutes sont jugées en France et condamnées en général à une peine de travaux forcés. Les départements d’arrestation les plus représentés sont la Seine, le Nord et le Pas-de-Calais, le Rhône, le Gard et les Bouches-du-Rhône.
Quelques femmes, responsables de secteur, sont dans ce transport, comme par exemple celle chargée du recrutement au Front National des Bouches-du-Rhône. Mais, la majeure partie d’entre elles sont arrêtées au cours de distributions de tracts ou de presse clandestine… » Cf. http://memoiredeguerre.free.fr/convois/30-5-44.htm
[ii] Ouvert à partir du 1er septembre 1944, ce kommando était essentiellement composé de femmes. « Elles travaillaient en 2 équipes de 12 heures, une semaine de jour et une semaine de nuit, sauf le dimanche. De manière concertée, les détenues françaises freinèrent le travail et le sabotèrent le plus possible. Cette attitude de rébellion connaîtra son paroxysme lorsque l’ensemble des détenues françaises refuseront, malgré les représailles, les bons de cantine offert par la direction de l’usine et censés améliorer le quotidien. » Cf. https://asso-buchenwald-dora.com/le-kommando-de-leipzig-schonefeld029/
Et, sur le conglomérat HASAG : https://fr.wikipedia.org/wiki/HASAGhttps://fr.wikipedia.org/wiki/HASAG
Sources :
Dossier Caen n° 21P 654 148. Mention : Déporté Politique.
Archives Arolsen
Le Maitron
Mémoire Vivante n°6/7 de décembre 2010. Bulletin de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.
https://docplayer.fr/1936721-Oulie-lucile-1898-1988-1-le-temoin.html
Le cahier de témoignage de Lucile Oulié est consultable : Université Paul-Valéry, CRISES, bibliothèque Saint-Charles.
RECHERCHEZ
Lucile Marie Malignon, née à Nîmes le 14 septembre 1898, est la fille de Timoléon Philogone Marius Malignon, employé des chemins de fer et de Marie Louise Roux, sans profession. Avec ses cinq frères et sœurs, elle est élevée dans cette modeste famille nîmoise, qui habite rue Robert, puis chemin du Mas de Rouvière. Elle apprend le métier de couturière et à 23 ans, épouse un camarade militant communiste : Julien Antoine Oulié, 20 ans, mécanicien en chaussures. Le mariage a lieu à Nîmes, le 27 septembre 1921 ; leur fille Huguette naît dans cette même ville cinq ans plus tard, en 1926.
En 1939, suite à l’interdiction du Parti Communiste Français, Lucile achète pour le parti, mais à son nom, un magasin, situé 12 rue Mareschal à Nîmes, qui sert de couverture à une coopérative ouvrière vendant des denrées alimentaires le jour et servant à la fabrication de tracts la nuit. Entrée en résistance, puis dans la Résistance, dès juillet 1941, elle organise des réunions, convainc, recrute, distribue tracts et journaux. Elle effectue ainsi le travail d’un agent de liaison sur une grande partie du Gard (Sommières, Lasalle, St Hippolyte du Fort, entre autres), ce qui lui vaudra d’être promue au grade fictif de Sergent en août 1948. Dans les témoignages qu’elle invoquera plus tard dans ses démarches de reconnaissance de déportée, elle est décrite comme très déterminée et même « débordante d’activité » dans ses actions au service de la construction du Front National dans le Gard.
Tout cela s’interrompt le 10 septembre 1941, lorsqu’elle elle se fait arrêter par la police française au 12 rue Mareschal. Écrouée à la Maison d’Arrêt de Nîmes, elle passe ensuite par la prison des Présentines à Marseille, puis, jugée par un tribunal militaire le 5 novembre 1941, elle est condamnée à 4 ans d’emprisonnement et 100 francs d’amende, pour « activité communiste ». Elle purge sa peine aux Baumettes quand elle est transférée le 9 février 1944, à la centrale de Rennes (n° d’écrou 11295). Elle y trouve une autre résistante Nîmoise : Andrée Julien. Jusqu’à leur libération, leur sort sera lié. Ensemble, elles sont acheminées au Centre d’Internement du Fort de Romainville. Puis, le 16 mai 1944, elles sont remises aux autorités allemandes et le 30 mai, avec 80 autres camarades, déportées par le convoi n° 362, de la gare de l’Est, jusqu’en Allemagne aux camps de Neue-Bremm puis Ravensbrück[i].
Toujours en compagnie d’Andrée Julien, Lucile est déplacée à l’été 1944 au camp de Leipzig-Shönefeld, pour être affectée à l’usine de la firme HASAG de Leipzig[ii], spécialisée dans la fabrique d’armes et de munitions ; ce conglomérat est alors le troisième utilisateur de travail forcé en Europe. Le kommando HASAG est évacué par les Allemands le 13 avril 1945, car l’avancée des Alliés se précise. Avec ses camarades, Lucile est contrainte, dans les conditions atroces qu’on connaît, à suivre cette marche interminable vers d’autres camps, dite Marche de la mort. Elle réussit à s’échapper de la colonne le 16 avril avec deux ou trois autres prisonnières, dont Andrée Julien. Après un long périple, elles sont récupérées par les Alliés le 17 mai. De leur côté, leurs camarades restées dans la colonne ont été libérées un mois plus tôt par les soviétiques. Le 30 mai, quand Lucile arrive à l’hôtel Lutétia à Paris, son état de santé est jugé mauvais : amaigrissement, vomissements, brûlures gastriques, sueurs…
À son retour à Nîmes, elle retrouve sa fille et son mari, Julien, qui avait été interné en France puis en Algérie avant d’être libéré en 1943. La famille s’installe au 106 rue Armand Barbès, puis, dans les années 1960 au 66 rue Richelieu. Et les époux reprennent leurs activités militantes communistes. Lucile garde contact avec les autres ex-prisonnières et de nombreuses associations de déportés et résistants jusqu’à sa mort survenue le 13 Novembre 1988 à la maison de Retraite de Boisset-Gaujac (Gard).
Marie Balta et Gérard Krebs.
Biographie en grande partie reprise de celle de Marine MARC (Université Paul-Valéry, Montpellier), petite-fille de Françoise Molinier à qui Lucile a légué son cahier de témoignage écrit à l’origine pour ses enfants et petits-enfants.
[i] « A leur arrivée à la gare de Sarrebruck, les déportées sont conduites au camp de Neue-Bremm, qui ne constitue qu’une étape relativement courte avant leur transfert vers le KL Ravensbrück.
Ce transport a la particularité d’être composé de femmes arrêtées depuis longtemps, entre 1941 et 1943, accusées par les Allemands de menées communistes. Ce sont en effet des membres du Front National et des FTPF. Si toutes ne sont pas arrêtées dans les mêmes départements, elles se retrouvent au cours de leur période d’internement à la prison de Rennes, avant d’être transférées vers le Fort de Romainville le 17 mai 1944. Par ailleurs, toutes sont jugées en France et condamnées en général à une peine de travaux forcés. Les départements d’arrestation les plus représentés sont la Seine, le Nord et le Pas-de-Calais, le Rhône, le Gard et les Bouches-du-Rhône.
Quelques femmes, responsables de secteur, sont dans ce transport, comme par exemple celle chargée du recrutement au Front National des Bouches-du-Rhône. Mais, la majeure partie d’entre elles sont arrêtées au cours de distributions de tracts ou de presse clandestine… » Cf. http://memoiredeguerre.free.fr/convois/30-5-44.htm
[ii] Ouvert à partir du 1er septembre 1944, ce kommando était essentiellement composé de femmes. « Elles travaillaient en 2 équipes de 12 heures, une semaine de jour et une semaine de nuit, sauf le dimanche. De manière concertée, les détenues françaises freinèrent le travail et le sabotèrent le plus possible. Cette attitude de rébellion connaîtra son paroxysme lorsque l’ensemble des détenues françaises refuseront, malgré les représailles, les bons de cantine offert par la direction de l’usine et censés améliorer le quotidien. » Cf. https://asso-buchenwald-dora.com/le-kommando-de-leipzig-schonefeld029/
Et, sur le conglomérat HASAG : https://fr.wikipedia.org/wiki/HASAGhttps://fr.wikipedia.org/wiki/HASAG
Sources :
Dossier Caen n° 21P 654 148. Mention : Déporté Politique.
Archives Arolsen
Le Maitron
Mémoire Vivante n°6/7 de décembre 2010. Bulletin de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.
https://docplayer.fr/1936721-Oulie-lucile-1898-1988-1-le-temoin.html
Le cahier de témoignage de Lucile Oulié est consultable : Université Paul-Valéry, CRISES, bibliothèque Saint-Charles.