RECHERCHEZ
Léonce naît à Toul (Meurthe et Moselle) le 16 avril 1886 du couple formé par son père Émile (1851-1930) et sa mère, Éva, née Nathan. La famille s’installe très vite à Paris, 23 rue de l’Arcade. Léonce est le cadet de trois enfants. Son frère aîné, André, poursuivra l’ascension de la famille Bernheim qui a fait fortune au cours des deux générations précédentes dans l’immobilier et la banque. Sa sœur, Madeleine, née en 1887 épousera en 1907, Edmond Fleg, une figure du sionisme.
Léonce fait des études classiques au collège Rollin à Paris. Admis à l’École Centrale, il en sort ingénieur en 1909, puis entre dans une entreprise de travaux publics où le hasard le conduit à s’intéresser aux questions juridiques. Il termine alors son Droit commencé à l’École Centrale puis s’inscrit en 1912 au barreau de Paris. Exempté du service militaire pour raisons de santé (déviation de la colonne vertébrale), il s’engage néanmoins en août 1914 et occupe diverses fonctions. En 1918, il commande une unité anti-aérienne et obtient le grade de lieutenant ainsi que la Croix de guerre. À son retour, il devient avocat à la Cour d’appel, reprend son cabinet d’avocat de l’avenue Malakoff et plaide dans de nombreuses affaires civiles, commerciales, correctionnelles et criminelles. Sa grande compétence et sa probité absolue lui valent l’estime de tous ; il sera maintenu par le Conseil de l’Ordre jusqu’en 1942.
Le 13 février 1920, à Paris il épouse Renée-Marcelle Schwob d’Héricourt (1896-1943), héritière d’industriels du textile dont il aura deux enfants, Philippe Émile, né le 21 janvier 1921 et Antoine, né le 4 septembre 1924. La famille est domiciliée 82 boulevard Flandrin, dans le 16e arrondissement.
Admirateur et ami de Léon Blum, il adhère à la SFIO et Marcel Déat, alors socialiste, le pousse à prendre sa place comme conseiller municipal de Reims. Au milieu des années 20, il s’inscrit au barreau de la ville où il défend notamment les syndicalistes en butte à la répression. Aux municipales de 1929 figurant sur la liste élue du Cartel des radicaux et socialistes, Léonce devient conseiller municipal de Reims, ce, malgré une campagne virulente. On l’accuse aussi bien d’être marxiste que millionnaire ou banquier juif corrompu. Dès 1933, les relations entre radicaux et socialistes se tendent et en 1935, Léonce n’est pas réélu à Reims. Mais entre-temps, il est devenu conseiller général de la Marne et maire de la commune de Pourcy jusqu’en 1941, il sera alors démis de ses fonctions par Vichy.
Dans les années 1920, en lien avec son beau-frère, Edmond Fleg, Léonce s’intéresse au sionisme. Il voit comme un devoir d’aider les juifs, victimes d’antisémitisme dans d’autres pays, à gagner la Palestine. En 1927, l’Union Sioniste Française est fondée dont il siège au comité directeur. Avec d’autres sociétés sionistes, toutes favorables à la direction mondiale de Chaïm Weizmann, elle se fond dans le bloc sioniste général. En février 1927, devenu membre, aux côtés d’André Spire du conseil central de la Fondation Sioniste de France, Léonce Bernheim récolte des fonds pour la Palestine. En septembre 1927, il représente la France au XVème congrès de l’Union Sioniste de Bâle, se décrivant comme un « juif français assimilé » dont le modèle semble fondé sur une équivalence entre le message universel du judaïsme et celui de la Révolution française, donc sur la parfaite compatibilité entre l’appartenance française et l’appartenance juive. La montée du conflit judéo-arabe, de l’antisémitisme et du bellicisme en Europe aura raison du « franco-sionisme ». Il devient aussi Vice-Président du Comité de défense des Juifs persécutés en Allemagne constitué en avril 1933, le fils du capitaine Dreyfus en est le président. L’engagement sioniste de Léonce perdure jusqu’en 1937, ses efforts visant surtout à valoriser la Diaspora. En 1943, Il contribuera à la création du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) à Grenoble, tenant à rassembler la documentation qui témoigne de la persécution contre les Juifs depuis 1940.
Avec la guerre, Léonce, âgé de 54 ans, se remet au service de sa patrie. À l’été 1940, il est affecté à l’Ardoise (Gard), près de Villeneuve-lès-Avignon, comme secrétaire général d’une usine d’électrométallurgie. Cela lui permet de rejoindre sa famille réfugiée à côté de Villeneuve : villa «Lou Rigaou», aux Angles (Gard) où se trouve aussi son oncle paternel Julien avec son épouse Melina. Il se déclare comme juif à la Mairie des Angles le 26 juillet 1941. Bien qu’autorisé à revenir exercer à Paris en 1942, il s’installe avec sa femme à Grenoble (boulevard Edouard Rey), alors en zone italienne, où il a des relations suivies avec les responsables marnais de la SFIO clandestine, Guyot, Lesage et Ognois. Avec son frère André, il participe aussi à la Résistance juive, sous couvert de sa fonction de Directeur de l’Organisation Reconstruction Travail, œuvre sociale consacrée à l’enseignement professionnel et aux maisons d’enfants en collaboration avec l’OSE. Arrêtés par la Gestapo le 8 décembre 1943, à Grenoble, Léonce et sa femme partent de Drancy, le 17 décembre 1943 par le convoi 67. À Auschwitz, ils meurent à leur arrivée, le 20 décembre 1943. Léonce a 57 ans, sa femme, 47.
Leurs enfants ne seront pas déportés, Philippe devenu ingénieur émigrera en Argentine et Antoine, résistant, docteur en droit en 1946, rejoindra l’entreprise Bernheim, puis la Banque Lazard et deviendra PDG de Generali.
Marie BALTA
Sources
Livret militaire de Léonce Bernheim.
«D’une petite rafle provençale». Nelcya Delanoë. Ed. Seuil 2013, p 112 et suivantes.
Témoignage d’Edmond Fleg, beau-frère de Léonce, transmis par Me Blumel, avocat au barreau de Paris, juin 1946. Consulter sur avocatparis.org
«Léonce Bernheim, avocat, militant socialiste et sioniste» de Michel Dreyfus et Catherine Nicault. Dans Archives juives, revue d’histoire des juifs de France, n° 47-1, 1er semestre 2014.
«Heurs et malheurs de l‘entreprise immobilière Bernheim (1890-1945)» de Michel Dreyfus. Dans Archives juives, 2éme semestre 2015.
«L’émigration de France vers la Palestine (1880-1940)»de Catherine Nicault. Dans Archives Juives 2008/2 (Vol. 41) pages 10 à 33.
«L’acculturation des israélites français au sionisme après la Grande Guerre» de Catherine Nicault. Dans Archives Juives 2006/1 (Vol. 39), pages 9 à 28.
«Le sionisme à la mode française : au cœur du «réveil juif» des années vingt»de Catherine Nicault. Dans Archives juives, n°39/1, 1ersemestre 2006, pp.9-28.
L’Avenir illustré 30 septembre 1927 : Le xvème Congrès sioniste.
Léonce Bernheim sur Wikipedia
Site Gallica-BNF :
Avis d’office religieux célébré le 13 juin 1946 au temple israélite rue des Victoires à Paris, à la mémoire de L. et R. Bernheim. Le Figaro du 11 juin 1946.
RECHERCHEZ
Léonce naît à Toul (Meurthe et Moselle) le 16 avril 1886 du couple formé par son père Émile (1851-1930) et sa mère, Éva, née Nathan. La famille s’installe très vite à Paris, 23 rue de l’Arcade. Léonce est le cadet de trois enfants. Son frère aîné, André, poursuivra l’ascension de la famille Bernheim qui a fait fortune au cours des deux générations précédentes dans l’immobilier et la banque. Sa sœur, Madeleine, née en 1887 épousera en 1907, Edmond Fleg, une figure du sionisme.
Léonce fait des études classiques au collège Rollin à Paris. Admis à l’École Centrale, il en sort ingénieur en 1909, puis entre dans une entreprise de travaux publics où le hasard le conduit à s’intéresser aux questions juridiques. Il termine alors son Droit commencé à l’École Centrale puis s’inscrit en 1912 au barreau de Paris. Exempté du service militaire pour raisons de santé (déviation de la colonne vertébrale), il s’engage néanmoins en août 1914 et occupe diverses fonctions. En 1918, il commande une unité anti-aérienne et obtient le grade de lieutenant ainsi que la Croix de guerre. À son retour, il devient avocat à la Cour d’appel, reprend son cabinet d’avocat de l’avenue Malakoff et plaide dans de nombreuses affaires civiles, commerciales, correctionnelles et criminelles. Sa grande compétence et sa probité absolue lui valent l’estime de tous ; il sera maintenu par le Conseil de l’Ordre jusqu’en 1942.
Le 13 février 1920, à Paris il épouse Renée-Marcelle Schwob d’Héricourt (1896-1943), héritière d’industriels du textile dont il aura deux enfants, Philippe Émile, né le 21 janvier 1921 et Antoine, né le 4 septembre 1924. La famille est domiciliée 82 boulevard Flandrin, dans le 16e arrondissement.
Admirateur et ami de Léon Blum, il adhère à la SFIO et Marcel Déat, alors socialiste, le pousse à prendre sa place comme conseiller municipal de Reims. Au milieu des années 20, il s’inscrit au barreau de la ville où il défend notamment les syndicalistes en butte à la répression. Aux municipales de 1929 figurant sur la liste élue du Cartel des radicaux et socialistes, Léonce devient conseiller municipal de Reims, ce, malgré une campagne virulente. On l’accuse aussi bien d’être marxiste que millionnaire ou banquier juif corrompu. Dès 1933, les relations entre radicaux et socialistes se tendent et en 1935, Léonce n’est pas réélu à Reims. Mais entre-temps, il est devenu conseiller général de la Marne et maire de la commune de Pourcy jusqu’en 1941, il sera alors démis de ses fonctions par Vichy.
Dans les années 1920, en lien avec son beau-frère, Edmond Fleg, Léonce s’intéresse au sionisme. Il voit comme un devoir d’aider les juifs, victimes d’antisémitisme dans d’autres pays, à gagner la Palestine. En 1927, l’Union Sioniste Française est fondée dont il siège au comité directeur. Avec d’autres sociétés sionistes, toutes favorables à la direction mondiale de Chaïm Weizmann, elle se fond dans le bloc sioniste général. En février 1927, devenu membre, aux côtés d’André Spire du conseil central de la Fondation Sioniste de France, Léonce Bernheim récolte des fonds pour la Palestine. En septembre 1927, il représente la France au XVème congrès de l’Union Sioniste de Bâle, se décrivant comme un « juif français assimilé » dont le modèle semble fondé sur une équivalence entre le message universel du judaïsme et celui de la Révolution française, donc sur la parfaite compatibilité entre l’appartenance française et l’appartenance juive. La montée du conflit judéo-arabe, de l’antisémitisme et du bellicisme en Europe aura raison du « franco-sionisme ». Il devient aussi Vice-Président du Comité de défense des Juifs persécutés en Allemagne constitué en avril 1933, le fils du capitaine Dreyfus en est le président. L’engagement sioniste de Léonce perdure jusqu’en 1937, ses efforts visant surtout à valoriser la Diaspora. En 1943, Il contribuera à la création du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) à Grenoble, tenant à rassembler la documentation qui témoigne de la persécution contre les Juifs depuis 1940.
Avec la guerre, Léonce, âgé de 54 ans, se remet au service de sa patrie. À l’été 1940, il est affecté à l’Ardoise (Gard), près de Villeneuve-lès-Avignon, comme secrétaire général d’une usine d’électrométallurgie. Cela lui permet de rejoindre sa famille réfugiée à côté de Villeneuve : villa «Lou Rigaou», aux Angles (Gard) où se trouve aussi son oncle paternel Julien avec son épouse Melina. Il se déclare comme juif à la Mairie des Angles le 26 juillet 1941. Bien qu’autorisé à revenir exercer à Paris en 1942, il s’installe avec sa femme à Grenoble (boulevard Edouard Rey), alors en zone italienne, où il a des relations suivies avec les responsables marnais de la SFIO clandestine, Guyot, Lesage et Ognois. Avec son frère André, il participe aussi à la Résistance juive, sous couvert de sa fonction de Directeur de l’Organisation Reconstruction Travail, œuvre sociale consacrée à l’enseignement professionnel et aux maisons d’enfants en collaboration avec l’OSE. Arrêtés par la Gestapo le 8 décembre 1943, à Grenoble, Léonce et sa femme partent de Drancy, le 17 décembre 1943 par le convoi 67. À Auschwitz, ils meurent à leur arrivée, le 20 décembre 1943. Léonce a 57 ans, sa femme, 47.
Leurs enfants ne seront pas déportés, Philippe devenu ingénieur émigrera en Argentine et Antoine, résistant, docteur en droit en 1946, rejoindra l’entreprise Bernheim, puis la Banque Lazard et deviendra PDG de Generali.
Marie BALTA
Sources
Livret militaire de Léonce Bernheim.
«D’une petite rafle provençale». Nelcya Delanoë. Ed. Seuil 2013, p 112 et suivantes.
Témoignage d’Edmond Fleg, beau-frère de Léonce, transmis par Me Blumel, avocat au barreau de Paris, juin 1946. Consulter sur avocatparis.org
«Léonce Bernheim, avocat, militant socialiste et sioniste» de Michel Dreyfus et Catherine Nicault. Dans Archives juives, revue d’histoire des juifs de France, n° 47-1, 1er semestre 2014.
«Heurs et malheurs de l‘entreprise immobilière Bernheim (1890-1945)» de Michel Dreyfus. Dans Archives juives, 2éme semestre 2015.
«L’émigration de France vers la Palestine (1880-1940)»de Catherine Nicault. Dans Archives Juives 2008/2 (Vol. 41) pages 10 à 33.
«L’acculturation des israélites français au sionisme après la Grande Guerre» de Catherine Nicault. Dans Archives Juives 2006/1 (Vol. 39), pages 9 à 28.
«Le sionisme à la mode française : au cœur du «réveil juif» des années vingt»de Catherine Nicault. Dans Archives juives, n°39/1, 1ersemestre 2006, pp.9-28.
L’Avenir illustré 30 septembre 1927 : Le xvème Congrès sioniste.
Léonce Bernheim sur Wikipedia
Site Gallica-BNF :
Avis d’office religieux célébré le 13 juin 1946 au temple israélite rue des Victoires à Paris, à la mémoire de L. et R. Bernheim. Le Figaro du 11 juin 1946.