WAYSENSON Joseph

WAYSENSON Joseph

  • Tallin

  • Né le 11 novembre 1895 à Ostrow (Pologne)

  • Décédé le 20 mai 1944 à Tallin (Estonie)

Sa mère, Sarah, est née Orscher, son père se prénomme Léon. Joseph exerce le métier de cordonnier-bottier à Lublin.

Il a 33 ans quand, son épouse Jenta, née Rosenblum, âgée alors de 29 ans, accouche de son premier enfant, Léon, né le 3 juillet 1928, dans cette même ville. Joseph sera décrit plus tard par sa femme comme un homme de stature moyenne (1m69), aux yeux bruns, avec une calvitie sur le haut du crâne et une blessure à la tête, côté gauche.

Très entreprenant et fuyant la misère, Joseph part vers l’ouest avec son beau-frère, Joseph Harcsztark. Ils s’arrêtent d’abord à Anvers où ils trouvent du travail dans la cordonnerie ;  Joseph Waysenson devient même maître-cordonnier. Puis, il  s’installe à Luxembourg, dans le Grand-Duché, en novembre 1929,  bientôt rejoint par Jenta et le petit Léon. Les affaires prospèrent au point que l’entreprise, située au 5 rue de Munster dans le Grund de la ville de Luxembourg, embauche trois ouvriers. Trois autres enfants complètent la famille : Adolphe, né le 3 mars 1933, Hélène, née le 27 avril 1935 et Bernard, né le 19 mars 1936. La famille est très bien intégrée dans la communauté juive de la ville et mène une vie paisible. Joseph et Jenta demandent la naturalisation luxembourgeoise pour eux et pour Léon, les autres enfants étant luxembourgeois par leur naissance.

Les lois raciales imposées par l’occupant nazi en mai 1940 obligent Joseph à vendre son commerce pour une somme dérisoire. Puis, les Waysenson sont spoliés de leur logement du 72 rue de l’Aciérie, ainsi que de leurs biens. Trop tard pour rejoindre l’Amérique du Sud, comme l’aurait souhaité Joseph. En janvier 1941, la famille passe par Metz, puis arrive à Marseille, alors en zone non-occupée. Lors du contrôle en gare St Charles, tout le monde est arrêté. Le Camp des Mille étant saturé, les autorités logent Jenta et les enfants à l’Hôtel du Levant à Marseille et gardent Joseph en détention sur un bateau amarré quai de la Joliette, le Massilia. Très débrouillard, Joseph parvient, grâce aux réseaux de l’O.S.E., à adresser Hélène et Bernard dans le centre d’accueil de la Feuilleraie à Boulouris dans le Var ; ils sont ensuite conduits à la Villa Mariana à St Raphaël, où ils resteront jusqu’en juillet 1943 et y seront scolarisés.

Les parents accompagnés de Léon et Adolphe sont, quant à eux, convoyés vers le camp de Rivesaltes. Puis Léon et Adolphe, alors victime de jaunisse, rejoignent Hélène et Bernard à Saint Raphaël. Joseph et Jenta s’évadent du camp en juillet 1941. Ils sont repris en décembre de la même année et ré-internés au même endroit. Ils s’évadent une deuxième fois le 27 février 1942 et sont à nouveau interceptés. Ils sont d’abord assignés à résidence à St Saturnin d’Apt dans le Vaucluse en mai 1942, puis Joseph est placé dans le Groupe 803 de Travailleurs Étrangers à Beaucaire. Il quitte le GTE le 29 juin sans certificat de libération, et trouve du travail chez M. Gilles, cordonnier à Goudargues (Gard). Le 31 juillet 1942, les parents emménagent donc dans le village, dans l’ancienne gendarmerie. Joseph est néanmoins porté déserteur, l’administration considérant qu’il a quitté le GTE 803 sans autorisation.

Léon obtient son certificat d’études et rejoint ses parents à Goudargues, alors que les trois plus jeunes sont acheminés dans une maison d’enfants en Savoie pendant les vacances ; ils rejoindront la Maison d’Izieu dans l’Ain à la rentrée de septembre 1943. Grâce à l’insistance de Joseph pour les récupérer, ils partiront d’Izieu en novembre 1943, avant l’arrivée des  SS de Barbie et la déportation des 44 enfants et des sept encadrants, qui aura lieu en avril 1944.

Les enfants fréquentent l’école de Goudargues, la famille, à nouveau réunie, connaît un moment de répit… Le 9 mars 1944, un officier allemand défonce la porte d’entrée d’un coup de pied et s’adresse en français à Bernard : « toi, petit, va chercher ton papa ». Fusil pointé dans le dos, il conduit les soldats vers son père. Jenta prépare en hâte des affaires pour Joseph et la famille. Celle-ci, suivie des soldats allemands, accompagne Joseph vers un camion, chargé de postes de radios réquisitionnés. Il reste une place à côté de l’instituteur communiste du village déjà arrêté. Ils ne peuvent emmener que Joseph. Jenta et son mari ont le temps d’échanger leurs alliances. L’officier dit que les soldats viendront chercher le reste de la famille ; elle attendra longtemps dans l’angoisse le retour du camion.

Léon ayant trouvé du travail dans la distillerie du village, les quatre enfants et leur mère vivront à Goudargues jusqu’à la Libération. À partir de 1945, Jenta fait des demandes pour que Joseph, considéré d’abord comme « non rentré », puis disparu, soit finalement déclaré décédé, ce qui est fait en octobre 1949. Petit à petit, ils apprennent que de Goudargues, Joseph a été transféré à la Citadelle de Pont-Saint Esprit, puis à la prison de Nîmes, enfin à celle des Baumettes, à Marseille, d’où il est parti pour Drancy, le 19 avril 1944 (matricule 20724). Il a été déporté le 15 mai 1944 par le convoi 73 dirigé vers les Pays Baltes. La moitié du convoi est restée à Kaunas en Lituanie ; l’autre moitié, dont faisait partie Joseph, a continué vers Tallin, en Estonie, pour arriver dans un aérodrome désaffecté, transformé en camp de concentration. Les ouvriers partaient chaque matin en camion pour travailler dans les bois, la moitié seulement rentrait le soir, les autres étaient fusillés sur place. Joseph a probablement été fusillé comme beaucoup et enterré soit dans une forêt, soit dans une fosse commune à Tallin. Le jour de sa mort est fixé judiciairement au 20 mai 1944.

Naturalisé à Luxembourg en 1938 et arrivé en France en janvier 1941, Joseph a conservé pour l’Etat français un statut d’étranger. N’ayant pas la nationalité française à la date du 2 septembre 1939, il ne recevra donc pas les titres de Déporté Politique ni de Mort pour la France demandés par la famille.

En octobre 1947, la famille déménagera au 25 rue Lanterne à Avignon. Léon sera maroquinier, puis marchand forain, Adolphe deviendra médecin, sera  Vice-président de l’Association pour la Mémoire des Enfants Juifs Déportés du Vaucluse,  Hélène s’installera à Paris où elle se mariera, sera mannequin puis Vice-présidente de la Maison d’Izieu ; Bernard exercera comme chirurgien-dentiste à Albi, puis à Toulouse, sera aussi enseignant à la Faculté. Jenta décèdera chez son fils Léon à Avignon.

Bernard Waysenson et Marie Balta

Sources :

Dossier Caen n° 21P549455
Témoignage de Bernard Waysenson auprès de l’AFMD du Gard le 26 septembre 2024.
Archives familiales : Témoignage d’Adolphe, Hélène et Bernard Waysenson réalisé ensemble le 3 mars 2021 à Domazan (Gard).

Vous avez un complément d’informations ? N’hésitez pas nous le faire savoir.
WAYSENSON Joseph

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  • Tallin

  • Né le 11 novembre 1895 à Ostrow (Pologne)

  • Décédé le 20 mai 1944 à Tallin (Estonie)

Sa mère, Sarah, est née Orscher, son père se prénomme Léon. Joseph exerce le métier de cordonnier-bottier à Lublin.

Il a 33 ans quand, son épouse Jenta, née Rosenblum, âgée alors de 29 ans, accouche de son premier enfant, Léon, né le 3 juillet 1928, dans cette même ville. Joseph sera décrit plus tard par sa femme comme un homme de stature moyenne (1m69), aux yeux bruns, avec une calvitie sur le haut du crâne et une blessure à la tête, côté gauche.

Très entreprenant et fuyant la misère, Joseph part vers l’ouest avec son beau-frère, Joseph Harcsztark. Ils s’arrêtent d’abord à Anvers où ils trouvent du travail dans la cordonnerie ;  Joseph Waysenson devient même maître-cordonnier. Puis, il  s’installe à Luxembourg, dans le Grand-Duché, en novembre 1929,  bientôt rejoint par Jenta et le petit Léon. Les affaires prospèrent au point que l’entreprise, située au 5 rue de Munster dans le Grund de la ville de Luxembourg, embauche trois ouvriers. Trois autres enfants complètent la famille : Adolphe, né le 3 mars 1933, Hélène, née le 27 avril 1935 et Bernard, né le 19 mars 1936. La famille est très bien intégrée dans la communauté juive de la ville et mène une vie paisible. Joseph et Jenta demandent la naturalisation luxembourgeoise pour eux et pour Léon, les autres enfants étant luxembourgeois par leur naissance.

Les lois raciales imposées par l’occupant nazi en mai 1940 obligent Joseph à vendre son commerce pour une somme dérisoire. Puis, les Waysenson sont spoliés de leur logement du 72 rue de l’Aciérie, ainsi que de leurs biens. Trop tard pour rejoindre l’Amérique du Sud, comme l’aurait souhaité Joseph. En janvier 1941, la famille passe par Metz, puis arrive à Marseille, alors en zone non-occupée. Lors du contrôle en gare St Charles, tout le monde est arrêté. Le Camp des Mille étant saturé, les autorités logent Jenta et les enfants à l’Hôtel du Levant à Marseille et gardent Joseph en détention sur un bateau amarré quai de la Joliette, le Massilia. Très débrouillard, Joseph parvient, grâce aux réseaux de l’O.S.E., à adresser Hélène et Bernard dans le centre d’accueil de la Feuilleraie à Boulouris dans le Var ; ils sont ensuite conduits à la Villa Mariana à St Raphaël, où ils resteront jusqu’en juillet 1943 et y seront scolarisés.

Les parents accompagnés de Léon et Adolphe sont, quant à eux, convoyés vers le camp de Rivesaltes. Puis Léon et Adolphe, alors victime de jaunisse, rejoignent Hélène et Bernard à Saint Raphaël. Joseph et Jenta s’évadent du camp en juillet 1941. Ils sont repris en décembre de la même année et ré-internés au même endroit. Ils s’évadent une deuxième fois le 27 février 1942 et sont à nouveau interceptés. Ils sont d’abord assignés à résidence à St Saturnin d’Apt dans le Vaucluse en mai 1942, puis Joseph est placé dans le Groupe 803 de Travailleurs Étrangers à Beaucaire. Il quitte le GTE le 29 juin sans certificat de libération, et trouve du travail chez M. Gilles, cordonnier à Goudargues (Gard). Le 31 juillet 1942, les parents emménagent donc dans le village, dans l’ancienne gendarmerie. Joseph est néanmoins porté déserteur, l’administration considérant qu’il a quitté le GTE 803 sans autorisation.

Léon obtient son certificat d’études et rejoint ses parents à Goudargues, alors que les trois plus jeunes sont acheminés dans une maison d’enfants en Savoie pendant les vacances ; ils rejoindront la Maison d’Izieu dans l’Ain à la rentrée de septembre 1943. Grâce à l’insistance de Joseph pour les récupérer, ils partiront d’Izieu en novembre 1943, avant l’arrivée des  SS de Barbie et la déportation des 44 enfants et des sept encadrants, qui aura lieu en avril 1944.

Les enfants fréquentent l’école de Goudargues, la famille, à nouveau réunie, connaît un moment de répit… Le 9 mars 1944, un officier allemand défonce la porte d’entrée d’un coup de pied et s’adresse en français à Bernard : « toi, petit, va chercher ton papa ». Fusil pointé dans le dos, il conduit les soldats vers son père. Jenta prépare en hâte des affaires pour Joseph et la famille. Celle-ci, suivie des soldats allemands, accompagne Joseph vers un camion, chargé de postes de radios réquisitionnés. Il reste une place à côté de l’instituteur communiste du village déjà arrêté. Ils ne peuvent emmener que Joseph. Jenta et son mari ont le temps d’échanger leurs alliances. L’officier dit que les soldats viendront chercher le reste de la famille ; elle attendra longtemps dans l’angoisse le retour du camion.

Léon ayant trouvé du travail dans la distillerie du village, les quatre enfants et leur mère vivront à Goudargues jusqu’à la Libération. À partir de 1945, Jenta fait des demandes pour que Joseph, considéré d’abord comme « non rentré », puis disparu, soit finalement déclaré décédé, ce qui est fait en octobre 1949. Petit à petit, ils apprennent que de Goudargues, Joseph a été transféré à la Citadelle de Pont-Saint Esprit, puis à la prison de Nîmes, enfin à celle des Baumettes, à Marseille, d’où il est parti pour Drancy, le 19 avril 1944 (matricule 20724). Il a été déporté le 15 mai 1944 par le convoi 73 dirigé vers les Pays Baltes. La moitié du convoi est restée à Kaunas en Lituanie ; l’autre moitié, dont faisait partie Joseph, a continué vers Tallin, en Estonie, pour arriver dans un aérodrome désaffecté, transformé en camp de concentration. Les ouvriers partaient chaque matin en camion pour travailler dans les bois, la moitié seulement rentrait le soir, les autres étaient fusillés sur place. Joseph a probablement été fusillé comme beaucoup et enterré soit dans une forêt, soit dans une fosse commune à Tallin. Le jour de sa mort est fixé judiciairement au 20 mai 1944.

Naturalisé à Luxembourg en 1938 et arrivé en France en janvier 1941, Joseph a conservé pour l’Etat français un statut d’étranger. N’ayant pas la nationalité française à la date du 2 septembre 1939, il ne recevra donc pas les titres de Déporté Politique ni de Mort pour la France demandés par la famille.

En octobre 1947, la famille déménagera au 25 rue Lanterne à Avignon. Léon sera maroquinier, puis marchand forain, Adolphe deviendra médecin, sera  Vice-président de l’Association pour la Mémoire des Enfants Juifs Déportés du Vaucluse,  Hélène s’installera à Paris où elle se mariera, sera mannequin puis Vice-présidente de la Maison d’Izieu ; Bernard exercera comme chirurgien-dentiste à Albi, puis à Toulouse, sera aussi enseignant à la Faculté. Jenta décèdera chez son fils Léon à Avignon.

Bernard Waysenson et Marie Balta

Sources :

Dossier Caen n° 21P549455
Témoignage de Bernard Waysenson auprès de l’AFMD du Gard le 26 septembre 2024.
Archives familiales : Témoignage d’Adolphe, Hélène et Bernard Waysenson réalisé ensemble le 3 mars 2021 à Domazan (Gard).

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