RECHERCHEZ
Jean Elie est né le 19 juillet 1892 rue de la Lampèze à Nîmes, d’Adolphe Thorigny, instituteur et Mathilde Formaud sans profession. Il épousera Angèle Philippine Marie Gayte le 9 septembre 1918, divorcera et épousera Angèle Pétronille Domanska (demeurant à Klodzko Pologne en 1957).
II demeure à Thouars où il est chef de district principal adjoint au directeur départemental du ravitaillement général des Deux-Sèvres en 1939.
Mobilisé en août 1939 au dépôt d’artillerie de Poitiers, il est détaché en qualité d’officier de liaison en décembre 1939 au centre d’organisation des troupes polonaises de Saint Loup sur Thouet (Deux-Sèvres). Construit par quatre Groupements de travailleurs étrangers (GTE) constitués de Républicains espagnols, ce camp militaire a été ouvert en novembre 1939 pour accueillir des unités combattantes polonaises. Il offre toutes les prestations logistiques nécessaires à la formation, l’entretien, l’armement, l’hygiène, et la vie de deux divisions[1].
En juin 1940, à l’arrivée des troupes allemandes, Thorigny reste à son poste et parvient à soustraire à l’occupant « 1 000 chevaux, 350 tonnes de charbon, 2 000 couvertures, 2 000 paires de chaussures, 2 000 habits civils » remis aux hôpitaux, écoles et mairies de l’arrondissement de Parthenay pour les réfugiés. Il a en outre facilité l’évasion de noirs africains du camp. Il sera condamné pour ces faits le 15 septembre 1940 par un tribunal militaire allemand pour sabotage administratif et vol d’essence à 5 mois de prison (octobre 1940-mars 1941) effectués à la prison de Niort puis celle de Tours.
En 1943 il est membre de l’Organisation civile et militaire (OCM et chef du 4ème bureau de l’Etat-major de l’Armée secrète départementale (transport, ravitaillement, hébergement, liaisons). Dans ce cadre il constitue des stocks clandestins, camoufle des réfractaires et maquisards, établi de fausses cartes d’identité.
Il est arrêté par la Gestapo le 10 juin 1944 à Niort, 40 rue Sarrazine (son domicile). Après un passage par la caserne Duguesclin il est transféré à Poitiers le 22 juin puis à Compiègne le 23 juin, interné numéro 42254. Il est déporté le 15 juillet 1944 vers Neuengamme où il arrive le 18.
Il fait partie des « déportés de marque », 366 personnalités otages qui se sont montrées d’une façon ou d’une autre hostiles aux Allemands. Elles ont été internées à Compiègne à l’écart des autres détenus dans la partie C du camp, (d’où leur surnom de Ducancé – c’est aussi le titre d’un journal interne de leur groupe puis de leur amicale après-guerre) avant, pour la plupart un départ vers Neuengamme. Les deux-tiers ont été arrêtés entre les 6 et 11 juin 1944 et la majorité sont d’un statut social élevé (avocat, médecin, administrateur civil…) Thorigny rentre parfaitement dans ces critères. A Neuengamme, ce groupe de détenus est parqué dans des bloks séparés des autres bloks du camp, conserve ses vêtements personnels, est exempté de travail et pourra organiser diverses activités.[2] Ces Prominenten disposent du droit de réunion et d’une bibliothèque leur permettant une activité culturelle intense. C’est dans ces conditions qu’en novembre 1944 il devient « chef de la corvée de cuisine » et donne en février 1945 des causeries sur la Pologne.
Ce régime particulier mettra en doute, après-guerre, le statut de déporté qu’ils revendiqueront et l’épouse de Thorigny devra multiplier les démarches pour l’obtenir.
Avec ses compagnons, Thorigny est évacué le 12 avril 1945 par des autocars de la Croix Rouge suédoise vers Postdam puis Flossenbürg et la Tchécoslovaquie. Ils sont à Thérésienstadt le 14 avril 1945 dont ils repartent le 26 avril pour Bohusowice sous surveillance des SS. C’est dans cette ville qu’ils apprennent la « cessation des hostilités » le 28 avril. Le 29, c’est en train qu’ils prennent la direction de Brézany où ils vont séjourner jusqu’à la mi-mail. Dirigés vers la zone d’occupation américaine ils seront à Pilsen les 15 et 16 mai et à Würtzburg le 17.
Le 18 mai, retour par avion (un Douglas 47 de l’Armée américaine) depuis Würtzburg vers Paris-le Bourget où l’avion atterrit à 13 heures. « Un piquet d’honneur nous présente les armes. C’est l’accueil de la mère-patrie. Ce geste simple nous émeut profondément » écrit son compagnon de déportation Roger Gadille dans son journal.
Apres un Passage à l’hôtel Lutétia, Thorigny prend le 18 mai au soir le train pour Niort où arrive le 19 mai, veille de Pentecôte, à 5h 30 du matin, accueilli par une fanfare, la Marseillaise, les édiles locales.
Il y reprendra ses responsabilités de contrôleur du ravitaillement.
Il décède le 15 mars 1953 à Niort.
Croix de Guerre en 1917. Légion d’honneur et Médaille de la résistance. Décoration polonaise.
Dominique Durand
[1]https://www.beskid.com/medrala4.html#:~:text=L’Armée polonaise dans les Deux-Sèvres&text=Le camp de l’Armée, -sur-Thouet ». Consulté en juin 2024
[2] Les Ducancé, Mémoire vivante, revue de la Fondation pour la mémoire de la déportation, numéro 68, mars 2011. Voir également la biographie de Roger Gadille
Sources :
RECHERCHEZ
Jean Elie est né le 19 juillet 1892 rue de la Lampèze à Nîmes, d’Adolphe Thorigny, instituteur et Mathilde Formaud sans profession. Il épousera Angèle Philippine Marie Gayte le 9 septembre 1918, divorcera et épousera Angèle Pétronille Domanska (demeurant à Klodzko Pologne en 1957).
II demeure à Thouars où il est chef de district principal adjoint au directeur départemental du ravitaillement général des Deux-Sèvres en 1939.
Mobilisé en août 1939 au dépôt d’artillerie de Poitiers, il est détaché en qualité d’officier de liaison en décembre 1939 au centre d’organisation des troupes polonaises de Saint Loup sur Thouet (Deux-Sèvres). Construit par quatre Groupements de travailleurs étrangers (GTE) constitués de Républicains espagnols, ce camp militaire a été ouvert en novembre 1939 pour accueillir des unités combattantes polonaises. Il offre toutes les prestations logistiques nécessaires à la formation, l’entretien, l’armement, l’hygiène, et la vie de deux divisions[1].
En juin 1940, à l’arrivée des troupes allemandes, Thorigny reste à son poste et parvient à soustraire à l’occupant « 1 000 chevaux, 350 tonnes de charbon, 2 000 couvertures, 2 000 paires de chaussures, 2 000 habits civils » remis aux hôpitaux, écoles et mairies de l’arrondissement de Parthenay pour les réfugiés. Il a en outre facilité l’évasion de noirs africains du camp. Il sera condamné pour ces faits le 15 septembre 1940 par un tribunal militaire allemand pour sabotage administratif et vol d’essence à 5 mois de prison (octobre 1940-mars 1941) effectués à la prison de Niort puis celle de Tours.
En 1943 il est membre de l’Organisation civile et militaire (OCM et chef du 4ème bureau de l’Etat-major de l’Armée secrète départementale (transport, ravitaillement, hébergement, liaisons). Dans ce cadre il constitue des stocks clandestins, camoufle des réfractaires et maquisards, établi de fausses cartes d’identité.
Il est arrêté par la Gestapo le 10 juin 1944 à Niort, 40 rue Sarrazine (son domicile). Après un passage par la caserne Duguesclin il est transféré à Poitiers le 22 juin puis à Compiègne le 23 juin, interné numéro 42254. Il est déporté le 15 juillet 1944 vers Neuengamme où il arrive le 18.
Il fait partie des « déportés de marque », 366 personnalités otages qui se sont montrées d’une façon ou d’une autre hostiles aux Allemands. Elles ont été internées à Compiègne à l’écart des autres détenus dans la partie C du camp, (d’où leur surnom de Ducancé – c’est aussi le titre d’un journal interne de leur groupe puis de leur amicale après-guerre) avant, pour la plupart un départ vers Neuengamme. Les deux-tiers ont été arrêtés entre les 6 et 11 juin 1944 et la majorité sont d’un statut social élevé (avocat, médecin, administrateur civil…) Thorigny rentre parfaitement dans ces critères. A Neuengamme, ce groupe de détenus est parqué dans des bloks séparés des autres bloks du camp, conserve ses vêtements personnels, est exempté de travail et pourra organiser diverses activités.[2] Ces Prominenten disposent du droit de réunion et d’une bibliothèque leur permettant une activité culturelle intense. C’est dans ces conditions qu’en novembre 1944 il devient « chef de la corvée de cuisine » et donne en février 1945 des causeries sur la Pologne.
Ce régime particulier mettra en doute, après-guerre, le statut de déporté qu’ils revendiqueront et l’épouse de Thorigny devra multiplier les démarches pour l’obtenir.
Avec ses compagnons, Thorigny est évacué le 12 avril 1945 par des autocars de la Croix Rouge suédoise vers Postdam puis Flossenbürg et la Tchécoslovaquie. Ils sont à Thérésienstadt le 14 avril 1945 dont ils repartent le 26 avril pour Bohusowice sous surveillance des SS. C’est dans cette ville qu’ils apprennent la « cessation des hostilités » le 28 avril. Le 29, c’est en train qu’ils prennent la direction de Brézany où ils vont séjourner jusqu’à la mi-mail. Dirigés vers la zone d’occupation américaine ils seront à Pilsen les 15 et 16 mai et à Würtzburg le 17.
Le 18 mai, retour par avion (un Douglas 47 de l’Armée américaine) depuis Würtzburg vers Paris-le Bourget où l’avion atterrit à 13 heures. « Un piquet d’honneur nous présente les armes. C’est l’accueil de la mère-patrie. Ce geste simple nous émeut profondément » écrit son compagnon de déportation Roger Gadille dans son journal.
Apres un Passage à l’hôtel Lutétia, Thorigny prend le 18 mai au soir le train pour Niort où arrive le 19 mai, veille de Pentecôte, à 5h 30 du matin, accueilli par une fanfare, la Marseillaise, les édiles locales.
Il y reprendra ses responsabilités de contrôleur du ravitaillement.
Il décède le 15 mars 1953 à Niort.
Croix de Guerre en 1917. Légion d’honneur et Médaille de la résistance. Décoration polonaise.
Dominique Durand
[1]https://www.beskid.com/medrala4.html#:~:text=L’Armée polonaise dans les Deux-Sèvres&text=Le camp de l’Armée, -sur-Thouet ». Consulté en juin 2024
[2] Les Ducancé, Mémoire vivante, revue de la Fondation pour la mémoire de la déportation, numéro 68, mars 2011. Voir également la biographie de Roger Gadille
Sources :