RECHERCHEZ
Lebj Hirsz dit Henry Szatkownik naît le 6 octobre 1911 à Varsovie (Pologne) où résident ses parents : Mordka/Mortche Szatkownik (1878-1943) et Ruchla/Hurtla Podruzna (1879- ?) (1). Ceux-ci ont trois autres enfants : Nuchim dit Bernard (1907-1942), Tysla/Zysla dite Georgette (1909- ?) et Hena, dite Hélène (1920-1942). Au printemps 1923, laissant sa femme et ses enfants en Pologne, son père Mordka émigre à Paris où il s’installe comme cartonnier, 106 rue St Maur, dans le 11e arrondissement. Le reste de la famille, dont Henry, le rejoint l’année suivante. Tous sont de nationalité polonaise.
Dans les années 1930, Henry travaille comme ouvrier cartonnier avec son père. Ils ont notamment comme client Yehuda Galant, qui dirige une entreprise de maroquinerie. Cette relation d’affaires donne l’occasion à Henry de fréquenter l’aînée des filles Galant, Betty, née le 4 avril 1920 à Leipzig (Allemagne).
Fiancés, les jeunes gens n’ont pas le temps de se marier car, en mai 1940, Henry s’engage volontairement dans la Légion Etrangère. Incorporé dans le bataillon d’instruction des pionniers étrangers, il est libéré quelques mois plus tard, le 9 septembre. En octobre 1941, il quitte la capitale pour la zone libre, franchissant clandestinement la ligne de démarcation aux environs de Monceau-les-Mines (Saône-et-Loire). Il s’installe quelques temps à Villeurbanne (Rhône), 6 cours Tolstoï, avant de rejoindre au mois de décembre les Galant, réfugiés à Nîmes, 19 bis rue de la Servie. Cette famille généreuse accueillera également sa sœur Tysla, épouse Ehrlich et sa petite-cousine Sarah Szatkownik.
La 19 février 1942, Henry est arrêté en tant qu’étranger en situation irrégulière et envoyé au camp de Gurs (Pyrénées-Atlantiques) sur réquisition du Préfet du Gard. Il est interné deux jours plus tard à la baraque 15 de l’ilôt H. Sa fiancée Betty Galant parvient à lui rendre plusieurs visites et intervient en sa faveur auprès des autorités du camp. Il est libéré le 8 juillet 1942, au motif qu’il s’était engagé dans l’armée française au moment de la guerre. Le mariage d’Henry et Betty peut enfin se célébrer à Nîmes le 8 septembre 1942.
Cependant la joie de ce mariage est assombrie par l’arrivée des Allemands en zone libre. En mars 1943, les Galant sont avertis de l’imminence de rafles. Le couple Szatkownik et toute la famille Galant quittent précipitamment Nîmes pour Nice (Alpes-Maritimes) sous occupation italienne, beaucoup plus tolérante. Mais ils y sont tous arrêtés par les Italiens dès le 4 avril et assignés à résidence à Saint-Martin-Vésubie, au nord du département.
Installés à « l’Hôtel de la Gare », les Szatkownik et les Galant mènent une vie relativement plaisante. La principale contrainte est de se présenter deux fois par jour auprès des carabiniers. Le 13 juillet, Henry et Betty deviennent les heureux parents d’un petit Daniel. Mais deux mois plus tard, des contacts avec la Résistance les avertissent de quitter de toute urgence Saint-Martin-Vésubie pour Cuneo (Italie) car la zone d’occupation italienne est sur le point de passer sous contrôle allemand. Les instructions précisent qu’après la longue traversée des Alpes à pied, un train les attendra pour les emmener à Rome où ils devraient pouvoir se fondre dans la population en attendant les Alliés.
En tout un millier de personnes, réparties en plusieurs groupes, entament ce voyage éprouvant passant par le col de Fenestre (Alpes-Maritimes). Le couple Szatkownik avec son bébé et la quasi-totalité des Galant font partie du premier groupe. Hélas, peu avant Cuneo, dans le village italien de Borgo San Dalmazo, au lieu de partisans locaux, c’est la 12e Compagnie de Panzer Division qui les attend. Tout le monde est pris par les Allemands, sauf quelques rescapés qui arrivent à prévenir les groupes suivants.
Les quelques 300 prisonniers sont internés à la caserne du village, avant d’être envoyés à Drancy. Ils y entrent le 23 novembre 1943 ; Henry y reçoit le matricule 8517 (2), Betty le 8518 et Daniel le 8519. Avec tous les Galant, ils sont déportés à Auschwitz par le convoi 64 du 7 décembre. Ils arrivent à destination trois jours plus tard. Betty et Daniel, âgé de 5 mois, sont gazés tout de suite.
Henry, affecté à Monowitz (Auschwitz III), reçoit le matricule 167657. Au bout de deux mois, il est envoyé à l’infirmerie du camp, où il reste du 29 janvier au 16 mai 1944. Après l’évacuation de Monowitz, le 18 janvier suivant, il subit une longue « marche de la mort » qui l’amène à Theresienstadt. Il en est libéré le 13 mai 1945 par les troupes russes avant d’être rapatrié le 13 juin, via Lyon (Rhône).
Rentré à Paris, il retrouve le domicile familial du 106 rue Saint-Maur, qu’il partage avec sa mère Ruchla qui a échappé à la déportation et son cousin Paul Szatkownik, libéré des camps comme lui. Dans les années qui suivent, Henry reprend son activité de cartonnier, vivant alors 11 rue Marie et Louise (Paris 10e). Il s’éteint le 28 novembre 1990 à Aix-les-Bains (Savoie).
Outre sa femme et son fils, une grande partie de sa famille a été victime des nazis. Son frère Nuchim, arrêté à Paris lors de la rafle « du billet vert » a été déporté le 28 juin 1942 (convoi 5 depuis Beaune-la-Rolande). Sa sœur Hélène prise pendant la rafle du « Vel’ d’Hiv’ », a été déportée le 24 août 1942 (convoi 23 depuis Drancy). Et son père Mordka, interné à Gurs fin 1942, a été déporté le 3 mars 1943 (convoi 51 depuis Drancy). Aucun n’en est revenu.
Le nom d’Henry Szatkownik figure sur le mur des noms du Mémorial de la Shoah dalle 45, colonne 15, rangée 3.
Rédacteur : Gérard Krebs
Sources :
Dossier Caen N° 21 P 679376 (dont photo)
Archives départementales des Pyrénées Atlantiques, Camp de Gurs, cote 72W69 et 72W313, octobre 2024
Mémorial de la Shoah
Archives Départementales du Gard, Fichier des juifs français et étrangers, cote 1W139
« Lest we forget / The Memoirs of David H. Galant » Livre autopublié en 2012 par Risa Galant
Notes :
(1) Parmi les documents consultés, son patronyme est retranscrit de multiples façons, notamment : Podroznaja, Podruznik, Podrschent…
(2) Carnet de fouille N° 11, on lui saisit 910 lires italiennes.
RECHERCHEZ
Lebj Hirsz dit Henry Szatkownik naît le 6 octobre 1911 à Varsovie (Pologne) où résident ses parents : Mordka/Mortche Szatkownik (1878-1943) et Ruchla/Hurtla Podruzna (1879- ?) (1). Ceux-ci ont trois autres enfants : Nuchim dit Bernard (1907-1942), Tysla/Zysla dite Georgette (1909- ?) et Hena, dite Hélène (1920-1942). Au printemps 1923, laissant sa femme et ses enfants en Pologne, son père Mordka émigre à Paris où il s’installe comme cartonnier, 106 rue St Maur, dans le 11e arrondissement. Le reste de la famille, dont Henry, le rejoint l’année suivante. Tous sont de nationalité polonaise.
Dans les années 1930, Henry travaille comme ouvrier cartonnier avec son père. Ils ont notamment comme client Yehuda Galant, qui dirige une entreprise de maroquinerie. Cette relation d’affaires donne l’occasion à Henry de fréquenter l’aînée des filles Galant, Betty, née le 4 avril 1920 à Leipzig (Allemagne).
Fiancés, les jeunes gens n’ont pas le temps de se marier car, en mai 1940, Henry s’engage volontairement dans la Légion Etrangère. Incorporé dans le bataillon d’instruction des pionniers étrangers, il est libéré quelques mois plus tard, le 9 septembre. En octobre 1941, il quitte la capitale pour la zone libre, franchissant clandestinement la ligne de démarcation aux environs de Monceau-les-Mines (Saône-et-Loire). Il s’installe quelques temps à Villeurbanne (Rhône), 6 cours Tolstoï, avant de rejoindre au mois de décembre les Galant, réfugiés à Nîmes, 19 bis rue de la Servie. Cette famille généreuse accueillera également sa sœur Tysla, épouse Ehrlich et sa petite-cousine Sarah Szatkownik.
La 19 février 1942, Henry est arrêté en tant qu’étranger en situation irrégulière et envoyé au camp de Gurs (Pyrénées-Atlantiques) sur réquisition du Préfet du Gard. Il est interné deux jours plus tard à la baraque 15 de l’ilôt H. Sa fiancée Betty Galant parvient à lui rendre plusieurs visites et intervient en sa faveur auprès des autorités du camp. Il est libéré le 8 juillet 1942, au motif qu’il s’était engagé dans l’armée française au moment de la guerre. Le mariage d’Henry et Betty peut enfin se célébrer à Nîmes le 8 septembre 1942.
Cependant la joie de ce mariage est assombrie par l’arrivée des Allemands en zone libre. En mars 1943, les Galant sont avertis de l’imminence de rafles. Le couple Szatkownik et toute la famille Galant quittent précipitamment Nîmes pour Nice (Alpes-Maritimes) sous occupation italienne, beaucoup plus tolérante. Mais ils y sont tous arrêtés par les Italiens dès le 4 avril et assignés à résidence à Saint-Martin-Vésubie, au nord du département.
Installés à « l’Hôtel de la Gare », les Szatkownik et les Galant mènent une vie relativement plaisante. La principale contrainte est de se présenter deux fois par jour auprès des carabiniers. Le 13 juillet, Henry et Betty deviennent les heureux parents d’un petit Daniel. Mais deux mois plus tard, des contacts avec la Résistance les avertissent de quitter de toute urgence Saint-Martin-Vésubie pour Cuneo (Italie) car la zone d’occupation italienne est sur le point de passer sous contrôle allemand. Les instructions précisent qu’après la longue traversée des Alpes à pied, un train les attendra pour les emmener à Rome où ils devraient pouvoir se fondre dans la population en attendant les Alliés.
En tout un millier de personnes, réparties en plusieurs groupes, entament ce voyage éprouvant passant par le col de Fenestre (Alpes-Maritimes). Le couple Szatkownik avec son bébé et la quasi-totalité des Galant font partie du premier groupe. Hélas, peu avant Cuneo, dans le village italien de Borgo San Dalmazo, au lieu de partisans locaux, c’est la 12e Compagnie de Panzer Division qui les attend. Tout le monde est pris par les Allemands, sauf quelques rescapés qui arrivent à prévenir les groupes suivants.
Les quelques 300 prisonniers sont internés à la caserne du village, avant d’être envoyés à Drancy. Ils y entrent le 23 novembre 1943 ; Henry y reçoit le matricule 8517 (2), Betty le 8518 et Daniel le 8519. Avec tous les Galant, ils sont déportés à Auschwitz par le convoi 64 du 7 décembre. Ils arrivent à destination trois jours plus tard. Betty et Daniel, âgé de 5 mois, sont gazés tout de suite.
Henry, affecté à Monowitz (Auschwitz III), reçoit le matricule 167657. Au bout de deux mois, il est envoyé à l’infirmerie du camp, où il reste du 29 janvier au 16 mai 1944. Après l’évacuation de Monowitz, le 18 janvier suivant, il subit une longue « marche de la mort » qui l’amène à Theresienstadt. Il en est libéré le 13 mai 1945 par les troupes russes avant d’être rapatrié le 13 juin, via Lyon (Rhône).
Rentré à Paris, il retrouve le domicile familial du 106 rue Saint-Maur, qu’il partage avec sa mère Ruchla qui a échappé à la déportation et son cousin Paul Szatkownik, libéré des camps comme lui. Dans les années qui suivent, Henry reprend son activité de cartonnier, vivant alors 11 rue Marie et Louise (Paris 10e). Il s’éteint le 28 novembre 1990 à Aix-les-Bains (Savoie).
Outre sa femme et son fils, une grande partie de sa famille a été victime des nazis. Son frère Nuchim, arrêté à Paris lors de la rafle « du billet vert » a été déporté le 28 juin 1942 (convoi 5 depuis Beaune-la-Rolande). Sa sœur Hélène prise pendant la rafle du « Vel’ d’Hiv’ », a été déportée le 24 août 1942 (convoi 23 depuis Drancy). Et son père Mordka, interné à Gurs fin 1942, a été déporté le 3 mars 1943 (convoi 51 depuis Drancy). Aucun n’en est revenu.
Le nom d’Henry Szatkownik figure sur le mur des noms du Mémorial de la Shoah dalle 45, colonne 15, rangée 3.
Rédacteur : Gérard Krebs
Sources :
Dossier Caen N° 21 P 679376 (dont photo)
Archives départementales des Pyrénées Atlantiques, Camp de Gurs, cote 72W69 et 72W313, octobre 2024
Mémorial de la Shoah
Archives Départementales du Gard, Fichier des juifs français et étrangers, cote 1W139
« Lest we forget / The Memoirs of David H. Galant » Livre autopublié en 2012 par Risa Galant
Notes :
(1) Parmi les documents consultés, son patronyme est retranscrit de multiples façons, notamment : Podroznaja, Podruznik, Podrschent…
(2) Carnet de fouille N° 11, on lui saisit 910 lires italiennes.




