RECHERCHEZ
Les parents d’Hilda Szafran : Szmul Samuel Szafran et Sara/Sura Riwka Notkevich (1890-1942) [1] se marient au début des années 1920. Ils vivent à Varsovie (Pologne) quand naissent leurs deux enfants. L’aîné : Mojzesz/Mozes Symcha, le 20 mars 1923 et Hilda, la cadette, le 26 septembre 1926.
Après le décès de son mari, la mère d’Hilda décide, vers 1939, de quitter la Pologne pour émigrer en Belgique. Elle souhaite rejoindre sa soeur Chuma Notkevich, veuve Man, qui vit alors à Borgerhout, dans la banlieue d’Anvers, avec deux de ses filles : Liba et Fradla.
Mais Hilda, son frère Symcha et sa mère ne restent en Belgique probablement que quelques mois : l’invasion allemande les contraint à fuir en compagnie de sa tante et de ses cousines. Les deux familles trouvent finalement refuge à Nîmes vers la mi-1940 [2]. Dans un premier temps, elles partagent un logement au 10 rue Pavée, puis s’installent ensemble au 43 rue Notre-Dame. C’est l’adresse à laquelle elles sont recensées en 1941 et où il sera facile de les retrouver lorsque commenceront les premières rafles visant les juifs étrangers, à l’été 1942.
A Nîmes, Symcha âgé de 17 ans s’engage dans les éclaireurs israélites de France sous le prénom de Jimmy. La vie semble renaître malgré les difficultés de ravitaillement mais hélas les rafles débutent à Paris le 14 mai 1941 puis le 16 juillet 1942 ; 13152 juifs dont 4115 enfants sont arrêtés par 4500 policiers et gendarmes. En zone libre c’est l’administration française qui se charge directement de l’organisation des rafles. Le 25 août 1942, à la veille du déclenchement des grandes rafles [3] dans les villes du sud de la France, le frère d’Hilda, Symcha, est prévenu par Pierre Simon, son chef de troupe au sein des Éclaireurs israélites de France. Il peut se cacher, alors que le reste de la famille ne pense pas être en danger, persuadé que l’on n’arrête pas les femmes et les enfants [4], malgré les informations apportées par les pasteurs locaux et Pierre Simon [5]. Symcha entrera ensuite dans la Résistance et rejoindra le maquis Aigoual-Cévennes de fin mai 1943 à la Libération, sous le nom de « Martin Pierre, le Belge ».
Hilda, sa mère Sara Szafran, sa tante Chuma Man et ses deux cousines Liba et Fradla Man sont raflées le 26 août 1942. Elles sont transportées au Camp des Milles près d’Aix en Provence puis à Drancy en direction d’Auschwitz le 7 septembre 42 dans le convoi n°29 [6] avec 100 enfants sur les mille déportés du train. 59 hommes sont sélectionnés pour des travaux forcés et tatoués des numéros 63164 à 63222, 52 femmes sont tatouées des numéros 19243 à 19294. Les 889 autres déportés sont gazés dès leur arrivée au camp. Selon l’historien Serge Klarsfeld, on dénombrait 34 rescapés de ce convoi en 1945, tous des hommes.
Eva et Elie Guiraud qui ont recueilli Symcha ont été reconnus comme « Justes parmi les Nations ». A ce titre, l’Etat d’Israël leur a remis une médaille gravée à leur nom et leur patronyme est inscrit sur le mur d’honneur du Jardin des « Justes parmi les Nations » de Yad Vashem, à Jérusalem [7].
Le nom d’Hilda Szafran figure sur le Mur des Noms du Mémorial de la Shoah, dalle 93, colonne 31, rangée 3.
Jean-Paul Boré, Georges Muller et Gérard Krebs
Sources :
-Mémorial de la Shoah Paris
-Site Yad Vashem
-Témoignage de M. Jablonsky, confirmé par S. Klarsfeld et publié en partie dans le Figaro du 12 mai 2009, rapporté par Stéphane Amélineau, professeur documentaliste au Collège-Lycée St Joseph de Château-Thierry in « Enquêtes et enseignements d’un professeur documentaliste ». Titre de sa contribution : Sur les traces du convoi 51 du 6 mars 1943 : Drancy-Sobibor-Majdanek. Accessible sur Internet.
– Archives Départementales du Gard : dossiers 1W138 et 1W139
– site de généalogie Geni (dont photo)
– Musée de la Résistance en ligne
Notes
[1] Selon les sources, son patronyme est orthographié aussi Notkowicz, Notkewitz ou Notkiewicz.
[2] Le site de l’AJPN indique [octobre 2025] : « Famille Szafran – Lors des grandes rafles du sud de la France, des membres de la famille Szafran, partis de Belgique et installés à Nimes depuis mai 1940, furent déportés et assassinés. Il y avait parmi eux : Abram Szafran, né en 1880 à Virock (Pologne), il perdra la vie le 30 mars 1943 à Lublin-Maïdanek (Pologne) ; Fajwisz Szafran, né en 1903 à Plock (Pologne) et décédé le 5 mai 1942 à Auschwitz ; Matys Szafran, né le 28 septembre 1898 à Plock (Pologne) et décédé le 14 août 1942 à Auschwitz ; Rosa Szafran, née Boronstain en 1881 à Nasielez (Pologne), perdra elle aussi la vie le 30 mars 1943 à Lublin-Maïdanek (Pologne) ; ainsi que Szejwa Szafran, née Tredler, en 1898 à Varsovie, assassinée, elle, le 23 septembre 1942 à Auschwitz. Seul rescapé, le jeune Symcha, qui fut protégé et caché par de nombreux Justes dans la région du Gard. » Toutefois, aux Archives Départementales du Gard, en dehors de Sara et ses deux enfants, une seule autre personne portant ce patronyme est recensée : Hinda Szafram (sic) née Mornas, le 12 décembre 1919 à Plock (Pologne), résidant 5 avenue du Mont du Plan. Cette dernière semble avoir échappé à la déportation, elle est décédée le 31 janvier 2019 à Bassens (Gironde).
[3] Lors de la conférence de Wannsee à Berlin en janvier 1942 les nazis exigent 11000 personnes. Bousquet va se charger de la besogne. Laval refuse les protestations des pasteurs en particulier celles de Marc Boegner, Président de la Fédération Protestante de France, et même les enfants de moins de 16 ans seront arrêtés et déportés.
[4] Témoignage de la famille Puech ayant recueilli Symcha http://www.ajpn.org/juste-Helene-Puech-2286.html
[5] http://www.ajpn.org/personne-Symcha-Szafran-860.html Symcha est alors pris en charge par la famille Boissier, viticulteurs à Caveirac qu’ils présentent comme un cousin. .
[6] https://www.ushmm.org/online/hsv/person_view.php?PersonId=5371160
[7] Le Midi-Libre du 13/06/2012
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Les parents d’Hilda Szafran : Szmul Samuel Szafran et Sara/Sura Riwka Notkevich (1890-1942) [1] se marient au début des années 1920. Ils vivent à Varsovie (Pologne) quand naissent leurs deux enfants. L’aîné : Mojzesz/Mozes Symcha, le 20 mars 1923 et Hilda, la cadette, le 26 septembre 1926.
Après le décès de son mari, la mère d’Hilda décide, vers 1939, de quitter la Pologne pour émigrer en Belgique. Elle souhaite rejoindre sa soeur Chuma Notkevich, veuve Man, qui vit alors à Borgerhout, dans la banlieue d’Anvers, avec deux de ses filles : Liba et Fradla.
Mais Hilda, son frère Symcha et sa mère ne restent en Belgique probablement que quelques mois : l’invasion allemande les contraint à fuir en compagnie de sa tante et de ses cousines. Les deux familles trouvent finalement refuge à Nîmes vers la mi-1940 [2]. Dans un premier temps, elles partagent un logement au 10 rue Pavée, puis s’installent ensemble au 43 rue Notre-Dame. C’est l’adresse à laquelle elles sont recensées en 1941 et où il sera facile de les retrouver lorsque commenceront les premières rafles visant les juifs étrangers, à l’été 1942.
A Nîmes, Symcha âgé de 17 ans s’engage dans les éclaireurs israélites de France sous le prénom de Jimmy. La vie semble renaître malgré les difficultés de ravitaillement mais hélas les rafles débutent à Paris le 14 mai 1941 puis le 16 juillet 1942 ; 13152 juifs dont 4115 enfants sont arrêtés par 4500 policiers et gendarmes. En zone libre c’est l’administration française qui se charge directement de l’organisation des rafles. Le 25 août 1942, à la veille du déclenchement des grandes rafles [3] dans les villes du sud de la France, le frère d’Hilda, Symcha, est prévenu par Pierre Simon, son chef de troupe au sein des Éclaireurs israélites de France. Il peut se cacher, alors que le reste de la famille ne pense pas être en danger, persuadé que l’on n’arrête pas les femmes et les enfants [4], malgré les informations apportées par les pasteurs locaux et Pierre Simon [5]. Symcha entrera ensuite dans la Résistance et rejoindra le maquis Aigoual-Cévennes de fin mai 1943 à la Libération, sous le nom de « Martin Pierre, le Belge ».
Hilda, sa mère Sara Szafran, sa tante Chuma Man et ses deux cousines Liba et Fradla Man sont raflées le 26 août 1942. Elles sont transportées au Camp des Milles près d’Aix en Provence puis à Drancy en direction d’Auschwitz le 7 septembre 42 dans le convoi n°29 [6] avec 100 enfants sur les mille déportés du train. 59 hommes sont sélectionnés pour des travaux forcés et tatoués des numéros 63164 à 63222, 52 femmes sont tatouées des numéros 19243 à 19294. Les 889 autres déportés sont gazés dès leur arrivée au camp. Selon l’historien Serge Klarsfeld, on dénombrait 34 rescapés de ce convoi en 1945, tous des hommes.
Eva et Elie Guiraud qui ont recueilli Symcha ont été reconnus comme « Justes parmi les Nations ». A ce titre, l’Etat d’Israël leur a remis une médaille gravée à leur nom et leur patronyme est inscrit sur le mur d’honneur du Jardin des « Justes parmi les Nations » de Yad Vashem, à Jérusalem [7].
Le nom d’Hilda Szafran figure sur le Mur des Noms du Mémorial de la Shoah, dalle 93, colonne 31, rangée 3.
Jean-Paul Boré, Georges Muller et Gérard Krebs
Sources :
-Mémorial de la Shoah Paris
-Site Yad Vashem
-Témoignage de M. Jablonsky, confirmé par S. Klarsfeld et publié en partie dans le Figaro du 12 mai 2009, rapporté par Stéphane Amélineau, professeur documentaliste au Collège-Lycée St Joseph de Château-Thierry in « Enquêtes et enseignements d’un professeur documentaliste ». Titre de sa contribution : Sur les traces du convoi 51 du 6 mars 1943 : Drancy-Sobibor-Majdanek. Accessible sur Internet.
– Archives Départementales du Gard : dossiers 1W138 et 1W139
– site de généalogie Geni (dont photo)
– Musée de la Résistance en ligne
Notes
[1] Selon les sources, son patronyme est orthographié aussi Notkowicz, Notkewitz ou Notkiewicz.
[2] Le site de l’AJPN indique [octobre 2025] : « Famille Szafran – Lors des grandes rafles du sud de la France, des membres de la famille Szafran, partis de Belgique et installés à Nimes depuis mai 1940, furent déportés et assassinés. Il y avait parmi eux : Abram Szafran, né en 1880 à Virock (Pologne), il perdra la vie le 30 mars 1943 à Lublin-Maïdanek (Pologne) ; Fajwisz Szafran, né en 1903 à Plock (Pologne) et décédé le 5 mai 1942 à Auschwitz ; Matys Szafran, né le 28 septembre 1898 à Plock (Pologne) et décédé le 14 août 1942 à Auschwitz ; Rosa Szafran, née Boronstain en 1881 à Nasielez (Pologne), perdra elle aussi la vie le 30 mars 1943 à Lublin-Maïdanek (Pologne) ; ainsi que Szejwa Szafran, née Tredler, en 1898 à Varsovie, assassinée, elle, le 23 septembre 1942 à Auschwitz. Seul rescapé, le jeune Symcha, qui fut protégé et caché par de nombreux Justes dans la région du Gard. » Toutefois, aux Archives Départementales du Gard, en dehors de Sara et ses deux enfants, une seule autre personne portant ce patronyme est recensée : Hinda Szafram (sic) née Mornas, le 12 décembre 1919 à Plock (Pologne), résidant 5 avenue du Mont du Plan. Cette dernière semble avoir échappé à la déportation, elle est décédée le 31 janvier 2019 à Bassens (Gironde).
[3] Lors de la conférence de Wannsee à Berlin en janvier 1942 les nazis exigent 11000 personnes. Bousquet va se charger de la besogne. Laval refuse les protestations des pasteurs en particulier celles de Marc Boegner, Président de la Fédération Protestante de France, et même les enfants de moins de 16 ans seront arrêtés et déportés.
[4] Témoignage de la famille Puech ayant recueilli Symcha http://www.ajpn.org/juste-Helene-Puech-2286.html
[5] http://www.ajpn.org/personne-Symcha-Szafran-860.html Symcha est alors pris en charge par la famille Boissier, viticulteurs à Caveirac qu’ils présentent comme un cousin. .
[6] https://www.ushmm.org/online/hsv/person_view.php?PersonId=5371160
[7] Le Midi-Libre du 13/06/2012




