RECHERCHEZ
Bernard Edmond Henri Sevestre alias Beneigh, est le fils de Roger Sevestre né à Paris, plombier puis métreur, sa mère Agnès Benech née dans l’Eure et Loire est sans profession. En 1925, la famille s’agrandit avec l’arrivée d’un second fils, André. Bernard Sevestre poursuit sa scolarité dans plusieurs établissements. Durant l’année scolaire 1939-1940, il est élève au pensionnat Saint Jean-Baptiste de la Salle à Rouen, l’année scolaire suivante il est pensionnaire au lycée Godefroy de Bouillon à Clermont-Ferrand. Il obtient en juin 1940 la première partie du baccalauréat « Lettres » et en juin 1941 la seconde partie « Philo ». Passionné par les Bataillons d’Afrique, en octobre de la même année il entre en classe préparatoire au concours de l’Ecole Coloniale[1] du Grand lycée de garçons de Toulouse[2] (aujourd’hui lycée Pierre-de-Fermat) ainsi qu’en première année de licence en droit. En novembre 1942, recruté avec d’autres élèves du lycée par Marcel de Roquemaurel[3], il rejoint le groupe « Campagne » mis en place par Jean Capel[4] et Victor Rigal[5] en octobre 1942. Ces derniers projettent de constituer un « maquis-école » grâce au recrutement de jeunes destinés à recevoir une instruction militaire et capables ensuite d’encadrer les premiers maquis armés qui commencent à se développer. Bernard Sevestre participe ainsi aux premiers entraînements clandestins qui se déroulent à Toulouse, chez les uns, chez les autres, jusqu’au mois de juin 1943. Le groupe s’installe ensuite en Aveyron dans un lieu-dit Lestibie, près de Villefranche de Rouergue, et devient le maquis Bir-Hakeim[6]. Maquis qui ne se cachera guère et se révèlera par la suite indépendant, intrépide et très offensif. Avant de rejoindre le groupe « Campagne » officiellement le 15 novembre, Bernard essaie de mettre en place à Saignes dans le Cantal un groupe de jeunes résistants, mais en vain. Par trois fois, en mars et en mai 1943, il tente de passer la frontière franco-espagnole, d’abord par Pau et Perpignan et ensuite par Saint-Bertrand de Comminges. Il échoue à chaque fois. Tous les matins, Bernard et ses camarades lèvent les couleurs, font de la gymnastique avant l’instruction militaire. Le soir, chants au programme dont les paroles guerrières de certains ont été écrites par Bernard. Son camarade Jean Brusson, membre du maquis Bir-Hakeim, le décrit d’ailleurs comme étant « le plus belliqueux de la bande » qu’il « fallait souvent retenir » et qui voulait « tuer tous les salauds »[7]. Chargé de l’administration du maquis et de l’instruction militaire des nouvelles recrues toujours plus nombreuses (en raison de l’instauration du STO), Bernard Sevestre accède successivement aux grades de sous-lieutenant en décembre 1943 et de lieutenant en janvier 1944. Très bon dessinateur, il tient un journal de bord[8] dans lequel il y raconte la vie quotidienne du maquis. Récits qu’il illustre de croquis et de caricatures. Devenu trop voyant, le maquis-école se transporte dans l’Hérault à Douch, près de Lamalou-les-Bains. Le 10 septembre 1943 à l’aube, environ 130 soldats allemands attaquent le maquis. Les 60 maquisards doivent alors se replier. Deux mourront au cours de ce repli et quatre seront faits prisonniers et fusillés en novembre 1942. Au cours des combats, Bernard Sevestre est blessé par un tir à l’épaule mais parvient à s’échapper. Il est alors hébergé et soigné par les parents de Jean Brusson près de Toulouse. Lors de sa convalescence, Mme Brusson lui offre un carnet de dessins qui remplace le premier carnet abandonné lors des combats de Douch. Bernard Sevestre y retranscrit de mémoire tous les moments du maquis à Lestibie et à Douch. Pour des raisons de santé, en novembre et décembre 1943, il est détaché à la direction du maquis Bir-Hakeim à Montpellier. Il rejoint ensuite le maquis basé dans le Gard, à Méjanne le Clap jusqu’à la fin janvier 1944. Il participe à de nombreuses actions de sabotage et à de nombreuses attaques contre l’occupant. On le retrouve ensuite à Labastide-de-Virac où s’est installé le maquis Bir-Hakeim qui, téméraire, continue à provoquer les Allemands et mène plusieurs actions de réquisition dans les commerces de la région. A deux reprises, les 26 février et 3 mars 1944, la division SS Brandebourg attaque le maquis, mais les maquisards prévenus infligent de lourdes pertes aux allemands dans un premier temps, et s’enfuient lors du deuxième assaut[9]. Bernard Sevestre est blessé par un éclat d’obus à la main gauche durant le premier assaut. Lors d’un déplacement, il est arrêté le 16 mars 1944 par la gendarmerie de Bessèges dans le Gard. Il est transféré à la maison d’arrêt d’Alès du 16 au 18 mars, à la maison d’arrêt de Nîmes du 18 au 23 mars, et livré ce jour à la Gestapo qui l’interne à la prison militaire allemande de Nîmes jusqu’au 7 avril 1944. Date à laquelle il est envoyé à la prison des Baumettes à Marseille où il reste jusqu’au 25 mai pour être ensuite transféré à la prison militaire allemande de Montpellier. Lors de ces différents emprisonnements, il subit sévices et tortures (privation prolongée de nourriture, coups de poing, de pied, avec cravache et matraque sur tout le corps) et sa condamnation à mort est annoncée aux environs du 20 juin. Il n’en sera rien. Le 15 août 1944 il est transféré de Montpellier au quartier allemand de la maison centrale de Nîmes. Il en repart le lendemain, enchaîné par des menottes avec un autre détenu et en tenue rayée de bagnard. Il est conduit à pied à la gare de marchandise de Nîmes et mis dans un train militaire à destination de l’Allemagne. Dans son wagon à bestiaux, destiné à recevoir 40 hommes debout ou huit chevaux, sont déjà présents des prisonniers civils gardés par un groupe de combat d’infanterie allemande, une vingtaine de personnes juives étrangères et 40 à 50 civils méridionaux. Après plusieurs arrêts interminables, le train rejoint à Remoulins le « Train Fantôme[10] » immobilisé depuis le 13 août. Il repart le 18 août au matin en direction d’Avignon, à la hauteur d’Aramon[11], il est mitraillé par l’aviation alliée. Dans la confusion générale, Bernard Sevestre et d’autres détenus en profitent pour s’évader. Il échappe ainsi à la déportation et rejoint, avec le grade de lieutenant et de chef de section, le 20 août 1944 le « Corps Franc des Ardennes »[12], maquis O.R .A. [13]du Gard et unité des Forces françaises de l’intérieur (FFI. Très actif dans l’est de ce département, il devient à partir du 29 août 1944 une unité de la Première armée Française, commandée par le général de Lattre de Tassigny, sous le nom de 2e Corps d’Armée (CA). Véritable meneur d’hommes, il est dépeint comme un « Magnifique officier, extraordinaire d’allant, de courage et d’audace au combat »[14]. Bernard Sevestre participe à la campagne de France. Il combat « splendidement »[15] dans les Vosges (où il est à nouveau blessé), en Alsace, en Allemagne et en Autriche jusqu’à la capitulation allemande du 8 mai 1945. Par décret du 26 octobre 1945, il intègre l’armée avec le grade de lieutenant.
Le 30 avril 1946, Bernard Sevestre épouse Colette Varennes originaire de Saignes dans le cantal. De cette union, naîtront deux garçons.
Après un court détachement à la deuxième compagnie C.M.P.G.E.[16] caserne Carnot de Versailles, il rejoint le 20e BCP[17] avant d’être muté à la 1ere ½ BCP puis au 2e BCP de Vincennes à compter du 3 janvier 1947. Il est ensuite affecté au 1e BILA[18] à Gafsa et à Tataouine en Tunisie, avec le grade de capitaine. Après l’indépendance de cette dernière en mars 1956, on retrouve Bernard Sevestre en Algérie comme chef de bataillon et responsable du 2e Bureau de l’état-major du secteur de Batna. A l’issue de l’indépendance de l’Algérie, il rentre en métropole et prend sa retraite militaire bien qu’admissible à l’Ecole supérieure de guerre. Passionné d’histoire militaire et féru en uniformologie, il adhère très vite à la Sabretache[19], société de collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire. Durant dix ans, il en sera le président, très apprécié pour son érudition et ses qualités relationnelles. Il publie régulièrement des articles dans « Le Carnet[20] » et d’autres revues, articles qu’il illustre quelquefois de ses dessins. On ne compte plus les conférences et colloques durant lesquels il transmet son savoir. Qualifié de « sacré personnage » par ses amis, il n’hésite pas à partager avec eux sa passion pour l’histoire et a toujours une anecdote à raconter. Parallèlement à ses activités au sein de la Sabretache, il est durant quelques années président d’honneur de la société historique de Rueil-Malmaison[21].
Décoré de la médaille des évadés[22], de la médaille de la Résistance et Croix de guerre avec étoile d’argent,[23] chevalier de la légion d’honneur[24] puis officier de la légion d’honneur[25], Bernard Sevestre obtient en septembre 1989 le statut de déporté résistant. Fervent catholique, il est par ailleurs chevalier de l’Ordre de Malte.
Bernard Sevestre décède à Paris le 6 juin 2007.
Eric Bernard
[1] On y formait les futurs administrateurs des colonies.
[2] Cet établissement deviendra durant l’occupation une véritable pépinière de résistants.
[3] Marcel de Roquemaurel de l’Isle, (1924-1944), originaire d’Oloron-Sainte-Marie, près de Pau. En 1942, il est chef de classe en seconde année de classe préparatoire à L’Ecole navale du Grand lycée de garçons
de Toulouse. Avec son frère Christian, il rejoindra très vite le groupe « Campagne » fondé par Jean Capel.
[4] 1910-1944. salarié de la Caisse d’escompte du Midi à Toulouse. Bien que communiste, il intègre en avril 1942 la branche toulousaine du mouvement gaulliste Combat. Sous son pseudonyme « Campagne », il charge Marcel de Roquemaurel de recruter des élèves au sein des classes prépa du grand lycée de Toulouse, animés par une volonté de combattre l’occupant et motivés pour suivre une formation militaire clandestine.
[5] 1891-1944, responsable de l’Armée secrète toulousaine, mort à Melk, commando de Mauthausen.
[6] Bernard Sevestre en dessinera l’insigne : un losange contenant une croix de Lorraine avec une tête de mort, le tout souligné par la devise « Marche ou crève » empruntée à la Légion étrangère.
[7] Propos rapportés par le journaliste Olivier Bertrand dans son ouvrage « les imprudents » éditions de poche points juin 2020, p. 54 et 55.
[8] Qu’il abandonnera lors des combats de Douch.
[9] En représailles, la division SS fusillera les 15 habitants du hameau de Labastide-de-Virac
[10] L’un des derniers convois de déportés, qui a mis près de deux mois pour parvenir à Dachau. Parti de Toulouse le 2 juillet 1944, il arrivera à Dachau le 28 août 1944 malgré l’action de la Résistance et les bombardements de l’aviation alliée. Il comporta autour de 750 détenus et compta de tous les convois de déportés le plus grand nombre d’évasions (autour de 200).
[11] Commune du Gard située en bordure du Rhône, à 13 Km d’Avignon et à 31 Km de Nîmes.
[12] Créé par le chef de bataillon Georges Vigan-Braquet durant l’été 1943.
[13] Organisation de Résistance de l’Armée, fondée en mars 1943 par un groupe d’officiers supérieurs et généraux. Elle est issue de l’Armée de l’Armistice constituée d’officiers et de sous-officiers qui n’ont pas répondu à l’appel du Général de Gaulle et qui sont demeurés sous l’obéissance du Maréchal Pétain. Tolérée en zone sud par les Allemands, elle est dissoute par eux le 24 novembre 1942.
[14] Attestation de citation établie le 17 juin 1945 par le général de Goisiard de Monsabert commandant le 2e C.A.
[15] Attestation de citation établie le 17 juin 1945 par le général de Goisiard de Monsabert commandant le 2e C.A.
[16] Centre militaire de préparation aux grandes écoles. Détachement qui prend rapidement fin à la suite de la démission de Bernard Sevestre.
[17] Bataillon de Chasseurs à Pied.
[18] 1e bataillon d’infanterie légère d’Afrique, appelé aussi « Bat’d’Af », créé en 1932, supprimé en 1940 et remis en place en 1948.
[19] Association loi 1901, reconnue d’utilité publique et située à Paris.
[20] Revue de la Sabretache.
[21] Association dont l’objet est de poursuivre l’étude de l’histoire de la ville de Rueil-Malmaison.
[22] Décret du 15 octobre 1945 publié au Journal Officiel du 19 octobre 1945
[23] Décret du 7 mai 1948 publié au Journal Officiel du 23 mai 1948
[24] Décret du 30 décembre 1948 publié au Journal Officiel du 15 avril 1949, en qualité de lieutenant, 2e bataillon de chasseurs à pied.
[25] Décret du 19 septembre 1961 publié au Journal Officiel du 23 septembre 1961, en qualité de chef de bataillon.
Sources :
- Service de l’état civil de la mairie de Paris, 13eme arrondissement.
- Service de l’état civil de la mairie de Paris, 14eme arrondissement.
- Service historique de la défense, département des fonds d’archives, division des archives des victimes des conflits contemporains, site de Caen. Dossier de Bernard Sevestre
- Service historique de la Défense, site de Vincennes Dossier de résistant de Bernard Sevestre, cote GR 16 P 546933.
RECHERCHEZ
Bernard Edmond Henri Sevestre alias Beneigh, est le fils de Roger Sevestre né à Paris, plombier puis métreur, sa mère Agnès Benech née dans l’Eure et Loire est sans profession. En 1925, la famille s’agrandit avec l’arrivée d’un second fils, André. Bernard Sevestre poursuit sa scolarité dans plusieurs établissements. Durant l’année scolaire 1939-1940, il est élève au pensionnat Saint Jean-Baptiste de la Salle à Rouen, l’année scolaire suivante il est pensionnaire au lycée Godefroy de Bouillon à Clermont-Ferrand. Il obtient en juin 1940 la première partie du baccalauréat « Lettres » et en juin 1941 la seconde partie « Philo ». Passionné par les Bataillons d’Afrique, en octobre de la même année il entre en classe préparatoire au concours de l’Ecole Coloniale[1] du Grand lycée de garçons de Toulouse[2] (aujourd’hui lycée Pierre-de-Fermat) ainsi qu’en première année de licence en droit. En novembre 1942, recruté avec d’autres élèves du lycée par Marcel de Roquemaurel[3], il rejoint le groupe « Campagne » mis en place par Jean Capel[4] et Victor Rigal[5] en octobre 1942. Ces derniers projettent de constituer un « maquis-école » grâce au recrutement de jeunes destinés à recevoir une instruction militaire et capables ensuite d’encadrer les premiers maquis armés qui commencent à se développer. Bernard Sevestre participe ainsi aux premiers entraînements clandestins qui se déroulent à Toulouse, chez les uns, chez les autres, jusqu’au mois de juin 1943. Le groupe s’installe ensuite en Aveyron dans un lieu-dit Lestibie, près de Villefranche de Rouergue, et devient le maquis Bir-Hakeim[6]. Maquis qui ne se cachera guère et se révèlera par la suite indépendant, intrépide et très offensif. Avant de rejoindre le groupe « Campagne » officiellement le 15 novembre, Bernard essaie de mettre en place à Saignes dans le Cantal un groupe de jeunes résistants, mais en vain. Par trois fois, en mars et en mai 1943, il tente de passer la frontière franco-espagnole, d’abord par Pau et Perpignan et ensuite par Saint-Bertrand de Comminges. Il échoue à chaque fois. Tous les matins, Bernard et ses camarades lèvent les couleurs, font de la gymnastique avant l’instruction militaire. Le soir, chants au programme dont les paroles guerrières de certains ont été écrites par Bernard. Son camarade Jean Brusson, membre du maquis Bir-Hakeim, le décrit d’ailleurs comme étant « le plus belliqueux de la bande » qu’il « fallait souvent retenir » et qui voulait « tuer tous les salauds »[7]. Chargé de l’administration du maquis et de l’instruction militaire des nouvelles recrues toujours plus nombreuses (en raison de l’instauration du STO), Bernard Sevestre accède successivement aux grades de sous-lieutenant en décembre 1943 et de lieutenant en janvier 1944. Très bon dessinateur, il tient un journal de bord[8] dans lequel il y raconte la vie quotidienne du maquis. Récits qu’il illustre de croquis et de caricatures. Devenu trop voyant, le maquis-école se transporte dans l’Hérault à Douch, près de Lamalou-les-Bains. Le 10 septembre 1943 à l’aube, environ 130 soldats allemands attaquent le maquis. Les 60 maquisards doivent alors se replier. Deux mourront au cours de ce repli et quatre seront faits prisonniers et fusillés en novembre 1942. Au cours des combats, Bernard Sevestre est blessé par un tir à l’épaule mais parvient à s’échapper. Il est alors hébergé et soigné par les parents de Jean Brusson près de Toulouse. Lors de sa convalescence, Mme Brusson lui offre un carnet de dessins qui remplace le premier carnet abandonné lors des combats de Douch. Bernard Sevestre y retranscrit de mémoire tous les moments du maquis à Lestibie et à Douch. Pour des raisons de santé, en novembre et décembre 1943, il est détaché à la direction du maquis Bir-Hakeim à Montpellier. Il rejoint ensuite le maquis basé dans le Gard, à Méjanne le Clap jusqu’à la fin janvier 1944. Il participe à de nombreuses actions de sabotage et à de nombreuses attaques contre l’occupant. On le retrouve ensuite à Labastide-de-Virac où s’est installé le maquis Bir-Hakeim qui, téméraire, continue à provoquer les Allemands et mène plusieurs actions de réquisition dans les commerces de la région. A deux reprises, les 26 février et 3 mars 1944, la division SS Brandebourg attaque le maquis, mais les maquisards prévenus infligent de lourdes pertes aux allemands dans un premier temps, et s’enfuient lors du deuxième assaut[9]. Bernard Sevestre est blessé par un éclat d’obus à la main gauche durant le premier assaut. Lors d’un déplacement, il est arrêté le 16 mars 1944 par la gendarmerie de Bessèges dans le Gard. Il est transféré à la maison d’arrêt d’Alès du 16 au 18 mars, à la maison d’arrêt de Nîmes du 18 au 23 mars, et livré ce jour à la Gestapo qui l’interne à la prison militaire allemande de Nîmes jusqu’au 7 avril 1944. Date à laquelle il est envoyé à la prison des Baumettes à Marseille où il reste jusqu’au 25 mai pour être ensuite transféré à la prison militaire allemande de Montpellier. Lors de ces différents emprisonnements, il subit sévices et tortures (privation prolongée de nourriture, coups de poing, de pied, avec cravache et matraque sur tout le corps) et sa condamnation à mort est annoncée aux environs du 20 juin. Il n’en sera rien. Le 15 août 1944 il est transféré de Montpellier au quartier allemand de la maison centrale de Nîmes. Il en repart le lendemain, enchaîné par des menottes avec un autre détenu et en tenue rayée de bagnard. Il est conduit à pied à la gare de marchandise de Nîmes et mis dans un train militaire à destination de l’Allemagne. Dans son wagon à bestiaux, destiné à recevoir 40 hommes debout ou huit chevaux, sont déjà présents des prisonniers civils gardés par un groupe de combat d’infanterie allemande, une vingtaine de personnes juives étrangères et 40 à 50 civils méridionaux. Après plusieurs arrêts interminables, le train rejoint à Remoulins le « Train Fantôme[10] » immobilisé depuis le 13 août. Il repart le 18 août au matin en direction d’Avignon, à la hauteur d’Aramon[11], il est mitraillé par l’aviation alliée. Dans la confusion générale, Bernard Sevestre et d’autres détenus en profitent pour s’évader. Il échappe ainsi à la déportation et rejoint, avec le grade de lieutenant et de chef de section, le 20 août 1944 le « Corps Franc des Ardennes »[12], maquis O.R .A. [13]du Gard et unité des Forces françaises de l’intérieur (FFI. Très actif dans l’est de ce département, il devient à partir du 29 août 1944 une unité de la Première armée Française, commandée par le général de Lattre de Tassigny, sous le nom de 2e Corps d’Armée (CA). Véritable meneur d’hommes, il est dépeint comme un « Magnifique officier, extraordinaire d’allant, de courage et d’audace au combat »[14]. Bernard Sevestre participe à la campagne de France. Il combat « splendidement »[15] dans les Vosges (où il est à nouveau blessé), en Alsace, en Allemagne et en Autriche jusqu’à la capitulation allemande du 8 mai 1945. Par décret du 26 octobre 1945, il intègre l’armée avec le grade de lieutenant.
Le 30 avril 1946, Bernard Sevestre épouse Colette Varennes originaire de Saignes dans le cantal. De cette union, naîtront deux garçons.
Après un court détachement à la deuxième compagnie C.M.P.G.E.[16] caserne Carnot de Versailles, il rejoint le 20e BCP[17] avant d’être muté à la 1ere ½ BCP puis au 2e BCP de Vincennes à compter du 3 janvier 1947. Il est ensuite affecté au 1e BILA[18] à Gafsa et à Tataouine en Tunisie, avec le grade de capitaine. Après l’indépendance de cette dernière en mars 1956, on retrouve Bernard Sevestre en Algérie comme chef de bataillon et responsable du 2e Bureau de l’état-major du secteur de Batna. A l’issue de l’indépendance de l’Algérie, il rentre en métropole et prend sa retraite militaire bien qu’admissible à l’Ecole supérieure de guerre. Passionné d’histoire militaire et féru en uniformologie, il adhère très vite à la Sabretache[19], société de collectionneurs de figurines et des amis de l’histoire militaire. Durant dix ans, il en sera le président, très apprécié pour son érudition et ses qualités relationnelles. Il publie régulièrement des articles dans « Le Carnet[20] » et d’autres revues, articles qu’il illustre quelquefois de ses dessins. On ne compte plus les conférences et colloques durant lesquels il transmet son savoir. Qualifié de « sacré personnage » par ses amis, il n’hésite pas à partager avec eux sa passion pour l’histoire et a toujours une anecdote à raconter. Parallèlement à ses activités au sein de la Sabretache, il est durant quelques années président d’honneur de la société historique de Rueil-Malmaison[21].
Décoré de la médaille des évadés[22], de la médaille de la Résistance et Croix de guerre avec étoile d’argent,[23] chevalier de la légion d’honneur[24] puis officier de la légion d’honneur[25], Bernard Sevestre obtient en septembre 1989 le statut de déporté résistant. Fervent catholique, il est par ailleurs chevalier de l’Ordre de Malte.
Bernard Sevestre décède à Paris le 6 juin 2007.
Eric Bernard
[1] On y formait les futurs administrateurs des colonies.
[2] Cet établissement deviendra durant l’occupation une véritable pépinière de résistants.
[3] Marcel de Roquemaurel de l’Isle, (1924-1944), originaire d’Oloron-Sainte-Marie, près de Pau. En 1942, il est chef de classe en seconde année de classe préparatoire à L’Ecole navale du Grand lycée de garçons
de Toulouse. Avec son frère Christian, il rejoindra très vite le groupe « Campagne » fondé par Jean Capel.
[4] 1910-1944. salarié de la Caisse d’escompte du Midi à Toulouse. Bien que communiste, il intègre en avril 1942 la branche toulousaine du mouvement gaulliste Combat. Sous son pseudonyme « Campagne », il charge Marcel de Roquemaurel de recruter des élèves au sein des classes prépa du grand lycée de Toulouse, animés par une volonté de combattre l’occupant et motivés pour suivre une formation militaire clandestine.
[5] 1891-1944, responsable de l’Armée secrète toulousaine, mort à Melk, commando de Mauthausen.
[6] Bernard Sevestre en dessinera l’insigne : un losange contenant une croix de Lorraine avec une tête de mort, le tout souligné par la devise « Marche ou crève » empruntée à la Légion étrangère.
[7] Propos rapportés par le journaliste Olivier Bertrand dans son ouvrage « les imprudents » éditions de poche points juin 2020, p. 54 et 55.
[8] Qu’il abandonnera lors des combats de Douch.
[9] En représailles, la division SS fusillera les 15 habitants du hameau de Labastide-de-Virac
[10] L’un des derniers convois de déportés, qui a mis près de deux mois pour parvenir à Dachau. Parti de Toulouse le 2 juillet 1944, il arrivera à Dachau le 28 août 1944 malgré l’action de la Résistance et les bombardements de l’aviation alliée. Il comporta autour de 750 détenus et compta de tous les convois de déportés le plus grand nombre d’évasions (autour de 200).
[11] Commune du Gard située en bordure du Rhône, à 13 Km d’Avignon et à 31 Km de Nîmes.
[12] Créé par le chef de bataillon Georges Vigan-Braquet durant l’été 1943.
[13] Organisation de Résistance de l’Armée, fondée en mars 1943 par un groupe d’officiers supérieurs et généraux. Elle est issue de l’Armée de l’Armistice constituée d’officiers et de sous-officiers qui n’ont pas répondu à l’appel du Général de Gaulle et qui sont demeurés sous l’obéissance du Maréchal Pétain. Tolérée en zone sud par les Allemands, elle est dissoute par eux le 24 novembre 1942.
[14] Attestation de citation établie le 17 juin 1945 par le général de Goisiard de Monsabert commandant le 2e C.A.
[15] Attestation de citation établie le 17 juin 1945 par le général de Goisiard de Monsabert commandant le 2e C.A.
[16] Centre militaire de préparation aux grandes écoles. Détachement qui prend rapidement fin à la suite de la démission de Bernard Sevestre.
[17] Bataillon de Chasseurs à Pied.
[18] 1e bataillon d’infanterie légère d’Afrique, appelé aussi « Bat’d’Af », créé en 1932, supprimé en 1940 et remis en place en 1948.
[19] Association loi 1901, reconnue d’utilité publique et située à Paris.
[20] Revue de la Sabretache.
[21] Association dont l’objet est de poursuivre l’étude de l’histoire de la ville de Rueil-Malmaison.
[22] Décret du 15 octobre 1945 publié au Journal Officiel du 19 octobre 1945
[23] Décret du 7 mai 1948 publié au Journal Officiel du 23 mai 1948
[24] Décret du 30 décembre 1948 publié au Journal Officiel du 15 avril 1949, en qualité de lieutenant, 2e bataillon de chasseurs à pied.
[25] Décret du 19 septembre 1961 publié au Journal Officiel du 23 septembre 1961, en qualité de chef de bataillon.
Sources :
- Service de l’état civil de la mairie de Paris, 13eme arrondissement.
- Service de l’état civil de la mairie de Paris, 14eme arrondissement.
- Service historique de la défense, département des fonds d’archives, division des archives des victimes des conflits contemporains, site de Caen. Dossier de Bernard Sevestre
- Service historique de la Défense, site de Vincennes Dossier de résistant de Bernard Sevestre, cote GR 16 P 546933.