SALAMON Hélène née EIZEMBERG

  • 2626 Bergen Belsen

  • Née le 20 octobre 1904 à Chodorkoff (ex Russie) –

  • Décédée le 5 décembre 1987 à Marseille

Héna (dite Hélène) Eizemberg est née le 20 octobre 1904 à Chodorkoff, petite ville russe devenue polonaise en 1918, aujourd’hui Khodorkiv en Ukraine. Son père est commerçant de tissu en gros et rabbin et sa mère, femme au foyer. Elle a cinq sœurs et un frère. En 1919, la famille s’installe à Varsovie. En 1921, Hélène, alors couturière, rencontre un jeune Russe, Nathan Salamon, à l’Université populaire libre. Ils militent dans une cellule clandestine anarchiste et sont arrêtés. Hélène est emprisonnée quatre mois et placée ensuite en liberté conditionnelle. Accusés de propagande communiste, ils risquent de quatre à six ans de prison. Ils s’enfuient à Dantzig puis à Berlin pour rejoindre Léa à Paris en 1924. Installés à Montpellier, ils se marient et en 1931, Georges naît. Le couple est naturalisé français en 1932. Leur fille Maguy naît en 1937 à Marseille où Nathan est médecin généraliste. Hélène abandonne son métier de couturière pour devenir sage-femme.

En 1940, ses parents (père, mère et sœurs sauf Léa) sont enfermés dans le ghetto de Varsovie avant d’être gazée à Treblinka. Le 22 juin 1940, le médecin-lieutenant Salamon est fait prisonnier. Craignant l’occupation de Marseille par l’armée allemande en octobre 1942, elle confie son fils à un prêtre des Basses-Alpes et sa fille à une riche veuve marseillaise sans enfant. Elle s’engage dans la Résistance en contactant un ami de la famille, le docteur Georges Salan (matricule 33616 à Neuengamme), chef de l’AS et des MUR du Gard. Agent de liaison, « Yvonne » transporte des messages et des faux papiers mais elle est arrêtée au cours d’une mission le 10 février 1944 par la Milice à la gare de Nîmes. Enfermée dans une cave humide pendant huit jours sans nourriture et sans couverture, elle comprend qu’elle est enceinte ce qui lui donne encore plus de courage lors des interrogatoires. Le 20 février, elle est transférée avec le docteur Salan (dont elle ignorait jusqu’alors l’arrestation) à Vichy via Lyon. Dans les locaux de la Milice, elle est de nouveau interrogée, torturée et affamée pendant 10 jours. Ils sont livrés ensuite à la Gestapo de Vichy. A la maison d’arrêt de Moulins, leur destin se sépare. Ses codétenues lui recommandent de révéler sa véritable identité car les femmes de prisonnier de guerre sont protégées par les Conventions de Genève. Elle suit ce conseil lors de son arrivée au camp de Drancy le 20 avril. Le 3 mai, elle est emportée dans un camion bâché en direction la gare de l’Est à Paris où elle est déportée au camp de Bergen-Belsen avec d’autres familles de prisonniers de guerre juifs qui bénéficient d’un traitement particulier. Le voyage dure deux jours dans un wagon de 3ème classe. Enceinte de quatre mois, elle est installée dans le camp de l’étoile où ces familles sont gardées comme otages. Sa grossesse passe inaperçue, son ventre gonflé peut être un des symptômes de la famine et d’autres prisonnières ont cette apparence. Sa profession de sage-femme lui permet d’être affectée comme infirmière au Revier. Le 20 octobre 1944, elle y accouche seule d’une petite fille pesant environ 1,5 kg qu’elle prénomme Yvonne. Cette nuit-là, une autre femme de prisonnier de guerre, Marcelle Christophe avec l’accord de sa fille Francine, âgée de 11 ans, offre un morceau de chocolat conservé précieusement dans le baluchon qu’elle avait pu emporter, pour aider Hélène Salamon à avoir l’énergie d’accoucher. Malgré sa sous-alimentation, elle parvient à avoir du lait pour faire téter son nouveau-né qu’elle emmaillote dans des langes de fortune et qu’elle cache sous sa blouse. La petite Yvonne passe ainsi six mois sans pleurer et sans gémir, blottie contre la poitrine de sa mère. En février 1945, le commandant du camp, Joseph Kramer, reçoit l’ordre de transférer les otages juifs au ghetto de Theresienstadt. En raison de l’épidémie de typhus, le projet est différé. Elle quitte le camp le 10 avril en camion jusqu’à la gare de Belsen où les SS l’enferment dans un wagon à bestiaux au milieu d’autres prisonniers agonisants ou malades. Pendant 14 jours et sans aucune tinette, elle survit. Les armées britanniques et soviétiques étant proches, le train tourne en rond. Lors des arrêts en gare, les cadavres sont évacués, elle peut descendre du train, se nourrir de quelques brins d’herbe et boire l’eau des fossés. Le 23 avril, les SS prennent la fuite et les Soviétiques libèrent les survivants à Tröbitz. Les valides sont placés en quarantaine chez l’habitant. Elle est rapatriée le 8 juin en France par l’armée américaine via le Lutetia à Paris. Elle retrouve son domicile de Saint-Just à Marseille. Son mari rentre en juillet et découvre que sa femme a eu en son absence la petite Francine qu’il reconnaît. Le 18 avril 1947, le couple a un quatrième enfant, Roger. Hélène reçoit la médaille militaire et la croix de guerre. Elle est promue au grade de chevalier de la Légion d’honneur en 1973. Elle est décédée le 5 décembre 1987 à Marseille, à l’âge de 83 ans.

Marilyne Andréo

Sources :

2 159 W 403, AD BDR, Dossier de demande de la carte de CVR de Salamon Hélène.

21 P 669 179, DAVCC Caen, Dossier de déportée de Salamon née Eizemberg Héna.

21 P 669 183, DAVCC Caen, Dossier de déportée de Salamon Yvonne Josette.

EC (Marseille).

Site internet de l’Amicale des Anciens Déportés de Bergen-Belsen.

Francine Christophe, Une petite fille privilégiée, Paris, L’Harmattan, 1996.

Yvonne Salamon, Je suis née à Bergen-Belsen, Paris, Plon, 2020.

Georges Salan, Prisons de France et bagnes allemands, Nîmes, Imprimerie l’Ouvrière, 1946, p.18-20, p.36-51, p.59-60.

Aimé Vielzeuf, Demain du sang noir…, p.73.

Photographie issue du dossier de déportée de sa fille
21 P 669 183, DAVCC Caen, Dossier de déportée de Salamon Yvonne Josette.

Vous avez un complément d’informations ? N’hésitez pas nous le faire savoir.

SALAMON Hélène née EIZEMBERG

  • 2626 Bergen Belsen

  • Née le 20 octobre 1904 à Chodorkoff (ex Russie) –

  • Décédée le 5 décembre 1987 à Marseille

Héna (dite Hélène) Eizemberg est née le 20 octobre 1904 à Chodorkoff, petite ville russe devenue polonaise en 1918, aujourd’hui Khodorkiv en Ukraine. Son père est commerçant de tissu en gros et rabbin et sa mère, femme au foyer. Elle a cinq sœurs et un frère. En 1919, la famille s’installe à Varsovie. En 1921, Hélène, alors couturière, rencontre un jeune Russe, Nathan Salamon, à l’Université populaire libre. Ils militent dans une cellule clandestine anarchiste et sont arrêtés. Hélène est emprisonnée quatre mois et placée ensuite en liberté conditionnelle. Accusés de propagande communiste, ils risquent de quatre à six ans de prison. Ils s’enfuient à Dantzig puis à Berlin pour rejoindre Léa à Paris en 1924. Installés à Montpellier, ils se marient et en 1931, Georges naît. Le couple est naturalisé français en 1932. Leur fille Maguy naît en 1937 à Marseille où Nathan est médecin généraliste. Hélène abandonne son métier de couturière pour devenir sage-femme.

En 1940, ses parents (père, mère et sœurs sauf Léa) sont enfermés dans le ghetto de Varsovie avant d’être gazée à Treblinka. Le 22 juin 1940, le médecin-lieutenant Salamon est fait prisonnier. Craignant l’occupation de Marseille par l’armée allemande en octobre 1942, elle confie son fils à un prêtre des Basses-Alpes et sa fille à une riche veuve marseillaise sans enfant. Elle s’engage dans la Résistance en contactant un ami de la famille, le docteur Georges Salan (matricule 33616 à Neuengamme), chef de l’AS et des MUR du Gard. Agent de liaison, « Yvonne » transporte des messages et des faux papiers mais elle est arrêtée au cours d’une mission le 10 février 1944 par la Milice à la gare de Nîmes. Enfermée dans une cave humide pendant huit jours sans nourriture et sans couverture, elle comprend qu’elle est enceinte ce qui lui donne encore plus de courage lors des interrogatoires. Le 20 février, elle est transférée avec le docteur Salan (dont elle ignorait jusqu’alors l’arrestation) à Vichy via Lyon. Dans les locaux de la Milice, elle est de nouveau interrogée, torturée et affamée pendant 10 jours. Ils sont livrés ensuite à la Gestapo de Vichy. A la maison d’arrêt de Moulins, leur destin se sépare. Ses codétenues lui recommandent de révéler sa véritable identité car les femmes de prisonnier de guerre sont protégées par les Conventions de Genève. Elle suit ce conseil lors de son arrivée au camp de Drancy le 20 avril. Le 3 mai, elle est emportée dans un camion bâché en direction la gare de l’Est à Paris où elle est déportée au camp de Bergen-Belsen avec d’autres familles de prisonniers de guerre juifs qui bénéficient d’un traitement particulier. Le voyage dure deux jours dans un wagon de 3ème classe. Enceinte de quatre mois, elle est installée dans le camp de l’étoile où ces familles sont gardées comme otages. Sa grossesse passe inaperçue, son ventre gonflé peut être un des symptômes de la famine et d’autres prisonnières ont cette apparence. Sa profession de sage-femme lui permet d’être affectée comme infirmière au Revier. Le 20 octobre 1944, elle y accouche seule d’une petite fille pesant environ 1,5 kg qu’elle prénomme Yvonne. Cette nuit-là, une autre femme de prisonnier de guerre, Marcelle Christophe avec l’accord de sa fille Francine, âgée de 11 ans, offre un morceau de chocolat conservé précieusement dans le baluchon qu’elle avait pu emporter, pour aider Hélène Salamon à avoir l’énergie d’accoucher. Malgré sa sous-alimentation, elle parvient à avoir du lait pour faire téter son nouveau-né qu’elle emmaillote dans des langes de fortune et qu’elle cache sous sa blouse. La petite Yvonne passe ainsi six mois sans pleurer et sans gémir, blottie contre la poitrine de sa mère. En février 1945, le commandant du camp, Joseph Kramer, reçoit l’ordre de transférer les otages juifs au ghetto de Theresienstadt. En raison de l’épidémie de typhus, le projet est différé. Elle quitte le camp le 10 avril en camion jusqu’à la gare de Belsen où les SS l’enferment dans un wagon à bestiaux au milieu d’autres prisonniers agonisants ou malades. Pendant 14 jours et sans aucune tinette, elle survit. Les armées britanniques et soviétiques étant proches, le train tourne en rond. Lors des arrêts en gare, les cadavres sont évacués, elle peut descendre du train, se nourrir de quelques brins d’herbe et boire l’eau des fossés. Le 23 avril, les SS prennent la fuite et les Soviétiques libèrent les survivants à Tröbitz. Les valides sont placés en quarantaine chez l’habitant. Elle est rapatriée le 8 juin en France par l’armée américaine via le Lutetia à Paris. Elle retrouve son domicile de Saint-Just à Marseille. Son mari rentre en juillet et découvre que sa femme a eu en son absence la petite Francine qu’il reconnaît. Le 18 avril 1947, le couple a un quatrième enfant, Roger. Hélène reçoit la médaille militaire et la croix de guerre. Elle est promue au grade de chevalier de la Légion d’honneur en 1973. Elle est décédée le 5 décembre 1987 à Marseille, à l’âge de 83 ans.

Marilyne Andréo

Sources :

2 159 W 403, AD BDR, Dossier de demande de la carte de CVR de Salamon Hélène.

21 P 669 179, DAVCC Caen, Dossier de déportée de Salamon née Eizemberg Héna.

21 P 669 183, DAVCC Caen, Dossier de déportée de Salamon Yvonne Josette.

EC (Marseille).

Site internet de l’Amicale des Anciens Déportés de Bergen-Belsen.

Francine Christophe, Une petite fille privilégiée, Paris, L’Harmattan, 1996.

Yvonne Salamon, Je suis née à Bergen-Belsen, Paris, Plon, 2020.

Georges Salan, Prisons de France et bagnes allemands, Nîmes, Imprimerie l’Ouvrière, 1946, p.18-20, p.36-51, p.59-60.

Aimé Vielzeuf, Demain du sang noir…, p.73.

Photographie issue du dossier de déportée de sa fille
21 P 669 183, DAVCC Caen, Dossier de déportée de Salamon Yvonne Josette.

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