RECHERCHEZ
Marcelle Myriam Lisbonne voit le jour à Nîmes le 9 août 1888. Son père, Isaac Gustave Lisbonne, issu d’une vieille famille juive comtadine de Carpentras exerce la profession de négociant et de représentant de commerce. Sa mère, Sarah, Syphora, Angèle Montel, née à Montpellier est sans profession et veille à la bonne gestion du foyer. Marcelle est l’avant-dernière d’une fratrie de six enfants, quatre garçons et deux filles. Seule Marcelle sera déportée. Domiciliée à Paris en 1921, dans le 10ième arrondissement, elle épouse le 10 février de la même année Gaston Elisée Naquet, directeur d’usine à Carpentras[1] et qui appartient également à une vieille famille juive installée dans cette ville depuis plusieurs siècles[2]. De cette union, naît à Nîmes le 1er janvier 1923 une fille, Denise. Elle a pour demi-sœur Nelly Naquet née en 1913 du premier mariage de Gaston Naquet, devenu veuf en 1918. Depuis leur mariage et jusqu’à leur arrestation en mai 1943, les époux Naquet vivent à Carpentras. Ils font partie des 150 israélites (dont 125 sont français) que compte cette ville et des 60 établis depuis de nombreuses années à Carpentras qui exercent la profession de commerçant ou d’industriel[3]. Bien intégrés dans la société carpentrassienne, ils sont considérés comme « entièrement assimilés à nos coutumes et jouissent de la considération publique »[4]. Gaston travaille avec son frère Adrien Naquet, le président des établissements Naquet, une importante entreprise carpentrassienne de conserveries. Cette dernière subira en 1942 les lois sur l’aryanisation des entreprises juives de Vichy et se verra attribuer un administrateur provisoire. Située dans la zone libre placée sous l’autorité du gouvernement de Vichy jusqu’au 11 novembre 1942, la ville de Carpentras passe à compter de cette date sous occupation italienne[5]. Malgré une attitude des italiens peu encline à livrer les juifs aux Allemands et à appliquer la législation antisémite de Vichy, Carpentras ne sera pas pour Marcelle et Gaston, médaillé de la Croix de guerre, ce « havre protecteur[6] » auquel ils croyaient peut-être. Avant même l’occupation de toute la zone italienne par les Allemands début septembre 1943, Marcelle et son mari sont arrêtés à leur domicile le 14 mai 1943 peu après le frère de ce dernier, Adrien Naquet. Il est environ 19h, alors qu’ils viennent tout juste de rentrer chez eux, quatre agents en civil de la Gestapo d’Avignon, coupent les fils de leur téléphone, pénètrent dans leur villa révolver au poing et les emmènent. La Gestapo reviendra le lendemain matin perquisitionner la villa[7]. Leur fille Denise, qui s’est mariée en 1941, n’habite plus avec ses parents, elle échappera ainsi à la déportation. Après une brève étape en Avignon et un passage par Marseille[8], Marcelle est transférée avec Gaston au camp de Drancy le 19 mai 1944, elle y reçoit le matricule d’internement 1595. Ils y restent jusqu’au 31 juillet, date à laquelle ils sont déportés à Auschwitz par le convoi n° 58[9]. Agés respectivement de 58 ans et de 63 ans, Marcelle et Gaston sont gazés dès leur arrivée le 5 août 1943. Marcelle Lisbonne sera reconnue déportée politique à titre posthume en 1955.
Éric BERNARD
[1] Sous-préfecture du Vaucluse, ex capitale du Comtat Venaissin, ancien état pontifical rattaché à la France en septembre 1791.
[2] Dénommés les « Juifs du pape ».
[3] D’après l’enquête menée par la sous-préfecture de Carpentras dans le cadre du recensement des juifs du Vaucluse prescrit par la loi du 2 juin 1941 et dont les résultats sont présentés par le sous-préfet de Carpentras au préfet du Vaucluse dans un courrier daté du 12 juillet 1941. Courrier consultable aux archives départementales du Vaucluse et retranscrit dans la revue « L’Echo des Carrières n°64 2011.
[4] Ibid.
[5] Elle prendra fin le 8 septembre 1943, date de l’armistice avec les Alliés, les Allemands remplaceront alors les Italiens. Commence alors pour les juifs de la zone italienne la déportation.
[6] Voir l’ouvrage de Diane Grillère. L’autre occupation, l’Italie fasciste en France 1940-1943.Paris :éd. Nouveau monde, 2023. 626 p.
[7] D’après le témoignage de Jean Bonnet, voisin immédiat qui a assisté à l’arrestation du couple Naquet.
[8] Sans doute la prison Saint-Pierre qui regroupait toutes les personnes juives arrêtées dans la région et destinées à un transfert à Drancy.
[9] Convoi d’environ 1000 personnes. À l’arrivée du convoi à Auschwitz 218 hommes et 55 femmes sont sélectionnés pour des travaux forcés. Les autres 727 déportés sont gazés dès leur arrivée au camp. En 1945, on ne dénombrait que 16 hommes et 28 femmes rescapés de ce convoi.
Sources :
- Archives départementales du Gard, registres des naissances, année 1888 et année 1923.
- Archives de Paris, registre des mariages, année 1921.
- Service historique de la défense, département des fonds d’archives, division des archives des victimes des conflits contemporains, site de Caen. Dossier de de Marcelle Myriam Lisbonne cote AC 21 P 519 814
- Mémorial de la Shoah de Paris.
- Site internet de Yad Vashem, Institut international pour la mémoire de la Shoah : https://www.yadvashem.org/fr.html
- Site de généalogie Généanet
RECHERCHEZ
Marcelle Myriam Lisbonne voit le jour à Nîmes le 9 août 1888. Son père, Isaac Gustave Lisbonne, issu d’une vieille famille juive comtadine de Carpentras exerce la profession de négociant et de représentant de commerce. Sa mère, Sarah, Syphora, Angèle Montel, née à Montpellier est sans profession et veille à la bonne gestion du foyer. Marcelle est l’avant-dernière d’une fratrie de six enfants, quatre garçons et deux filles. Seule Marcelle sera déportée. Domiciliée à Paris en 1921, dans le 10ième arrondissement, elle épouse le 10 février de la même année Gaston Elisée Naquet, directeur d’usine à Carpentras[1] et qui appartient également à une vieille famille juive installée dans cette ville depuis plusieurs siècles[2]. De cette union, naît à Nîmes le 1er janvier 1923 une fille, Denise. Elle a pour demi-sœur Nelly Naquet née en 1913 du premier mariage de Gaston Naquet, devenu veuf en 1918. Depuis leur mariage et jusqu’à leur arrestation en mai 1943, les époux Naquet vivent à Carpentras. Ils font partie des 150 israélites (dont 125 sont français) que compte cette ville et des 60 établis depuis de nombreuses années à Carpentras qui exercent la profession de commerçant ou d’industriel[3]. Bien intégrés dans la société carpentrassienne, ils sont considérés comme « entièrement assimilés à nos coutumes et jouissent de la considération publique »[4]. Gaston travaille avec son frère Adrien Naquet, le président des établissements Naquet, une importante entreprise carpentrassienne de conserveries. Cette dernière subira en 1942 les lois sur l’aryanisation des entreprises juives de Vichy et se verra attribuer un administrateur provisoire. Située dans la zone libre placée sous l’autorité du gouvernement de Vichy jusqu’au 11 novembre 1942, la ville de Carpentras passe à compter de cette date sous occupation italienne[5]. Malgré une attitude des italiens peu encline à livrer les juifs aux Allemands et à appliquer la législation antisémite de Vichy, Carpentras ne sera pas pour Marcelle et Gaston, médaillé de la Croix de guerre, ce « havre protecteur[6] » auquel ils croyaient peut-être. Avant même l’occupation de toute la zone italienne par les Allemands début septembre 1943, Marcelle et son mari sont arrêtés à leur domicile le 14 mai 1943 peu après le frère de ce dernier, Adrien Naquet. Il est environ 19h, alors qu’ils viennent tout juste de rentrer chez eux, quatre agents en civil de la Gestapo d’Avignon, coupent les fils de leur téléphone, pénètrent dans leur villa révolver au poing et les emmènent. La Gestapo reviendra le lendemain matin perquisitionner la villa[7]. Leur fille Denise, qui s’est mariée en 1941, n’habite plus avec ses parents, elle échappera ainsi à la déportation. Après une brève étape en Avignon et un passage par Marseille[8], Marcelle est transférée avec Gaston au camp de Drancy le 19 mai 1944, elle y reçoit le matricule d’internement 1595. Ils y restent jusqu’au 31 juillet, date à laquelle ils sont déportés à Auschwitz par le convoi n° 58[9]. Agés respectivement de 58 ans et de 63 ans, Marcelle et Gaston sont gazés dès leur arrivée le 5 août 1943. Marcelle Lisbonne sera reconnue déportée politique à titre posthume en 1955.
Éric BERNARD
[1] Sous-préfecture du Vaucluse, ex capitale du Comtat Venaissin, ancien état pontifical rattaché à la France en septembre 1791.
[2] Dénommés les « Juifs du pape ».
[3] D’après l’enquête menée par la sous-préfecture de Carpentras dans le cadre du recensement des juifs du Vaucluse prescrit par la loi du 2 juin 1941 et dont les résultats sont présentés par le sous-préfet de Carpentras au préfet du Vaucluse dans un courrier daté du 12 juillet 1941. Courrier consultable aux archives départementales du Vaucluse et retranscrit dans la revue « L’Echo des Carrières n°64 2011.
[4] Ibid.
[5] Elle prendra fin le 8 septembre 1943, date de l’armistice avec les Alliés, les Allemands remplaceront alors les Italiens. Commence alors pour les juifs de la zone italienne la déportation.
[6] Voir l’ouvrage de Diane Grillère. L’autre occupation, l’Italie fasciste en France 1940-1943.Paris :éd. Nouveau monde, 2023. 626 p.
[7] D’après le témoignage de Jean Bonnet, voisin immédiat qui a assisté à l’arrestation du couple Naquet.
[8] Sans doute la prison Saint-Pierre qui regroupait toutes les personnes juives arrêtées dans la région et destinées à un transfert à Drancy.
[9] Convoi d’environ 1000 personnes. À l’arrivée du convoi à Auschwitz 218 hommes et 55 femmes sont sélectionnés pour des travaux forcés. Les autres 727 déportés sont gazés dès leur arrivée au camp. En 1945, on ne dénombrait que 16 hommes et 28 femmes rescapés de ce convoi.
Sources :
- Archives départementales du Gard, registres des naissances, année 1888 et année 1923.
- Archives de Paris, registre des mariages, année 1921.
- Service historique de la défense, département des fonds d’archives, division des archives des victimes des conflits contemporains, site de Caen. Dossier de de Marcelle Myriam Lisbonne cote AC 21 P 519 814
- Mémorial de la Shoah de Paris.
- Site internet de Yad Vashem, Institut international pour la mémoire de la Shoah : https://www.yadvashem.org/fr.html
- Site de généalogie Généanet