MENDEZ Raoul

  • Auschwitz

  • Né le 10 septembre 1878 à Nîmes

  • Décédé le 5 juin 1944 à Auschwitz

Raoul Isaac Mendez naît le 10 septembre 1878 à Nîmes, au sein d’une famille juive. Il est le dernier né d’une fratrie de cinq enfants. Son père, Aaron Achille Mendez est rabbin après avoir été professeur, sa mère, Hermine Esther Gomez-Vaez est sans profession. Originaires de Bayonne, ils sont venus s’installer à Nîmes entre 1868 et 1870 peu après la naissance de leur fille aînée. Raoul baigne dans un milieu familial plutôt instruit et appartient à cette première génération bénéficiaire de l’instruction obligatoire. Après une scolarité qui l’a amené jusqu’au certificat d’études primaires[1]. Raoul exerce la profession de tailleur d’habits tout comme son frère Raphaël et son grand-père paternel, qui fut également professeur de langue hébraïque. Parallèlement à son activité de tailleur d’habits, il sera dans les années 1920 agent d’une société d’épargne « La Séquanaise ». Le 15 novembre 1899 il est incorporé au 19ème bataillon d’artillerie pour effectuer son service militaire mais est réformé le jour-même pour « fracture ancienne de la cuisse avec col difforme[2] ».  Il épouse à Marseille le 30 juin 1902 Hélène Esther Cohen qui exercera dans les années vingt la profession d’agent d’assurances. De cette union naît le 15 juin 1905 un fils prénommé Marcel David[3]. Engagé politiquement, Raoul Mendez entre en 1905 à la Maison du Peuple[4] et se présente aux élections municipales de mai 1908 sur la liste des candidats de « discipline républicaine[5] ». Il est élu et devient à 32 ans le benjamin du conseil municipal[6]. Sur sa lancée, il se présente aux élections cantonales de 1910 dans le troisième canton de Nîmes, sur la liste des socialistes unifiés. Dépeint comme un « militant courageux, « plein d’ardeur et de conviction[7] » Raoul Mendez n’a aucune chance d’être élu face au candidat catholique et royaliste, conseiller sortant largement favori.  Cette candidature « de pur dévouement »[8] se soldera par un échec cuisant. En février de la même année il participe au septième congrès national du parti socialiste qui se tient à Nîmes, et deviendra en 1913 membre du bureau national. En mai 1912, il est de nouveau élu aux élections municipales sur la liste du parti socialiste. Pour des irrégularités procédurales le Conseil d’Etat annule le 27 juin 1913 l’élection de 28 conseillers municipaux,[9] dont celle de Raoul Mendez, et des élections complémentaires sont alors organisées en septembre. Ce dernier se représente mais cette fois-ci sur la liste du Comité d’Union et de Défense Républicaine et Socialiste et non plus sur la liste de la S.F.I.O[10]. Il n’est pas réélu. Ses activités professionnelles et politiques vont connaître une pause avec l’arrivée du premier conflit mondial. Raoul Mendez est successivement incorporé de fin février 1915 au début du mois de janvier 1916  en Lorraine dans les 61ème et 55ème régiments d’infanterie au titre de service auxiliaire[11]. Avec la prolongation de la guerre, les incorporations dans le service armé vont sensiblement augmenter, Raoul se voit alors versé dans le service armé[12] et amené à changer souvent d’affectation. Il est ainsi incorporé de janvier 1916 à janvier 1919 au 55ème régiment d’artillerie, ensuite au 115ème régiment d’artillerie lourde, tous les deux participent à la bataille de Verdun, et enfin au 138ème régiment d’artillerie lourde stationné en Champagne.  Démobilisé fin janvier 1919, il retourne dans ses foyers à Nîmes et reprend ses activités professionnelles et politiques. Objet de surveillance de la part de la Direction de la Sûreté Générale, celle-ci  le dépeint[13] comme quelqu’un qui « affecte des allures de bon garçon, de modeste prolétaire mais en réalité ambitieux ». Elle souligne également « son zèle et ses assiduités aux réunions communistes » qui ne lui permettent pas cependant de « jouir de beaucoup d’autorité auprès de ses coreligionnaires politiques ». A l’issue du Congrès de Tours de décembre 1920, Raoul Mendez quitte la S.F.I.O. pour rejoindre la toute nouvelle Section Française de l’Internationale Communiste[14]. Jusqu’au congrès communiste de Nîmes des 26 et 27 novembre 1921, il assure les fonctions de secrétaire de la section locale du parti communiste et celles de secrétaire du comité fédéral du Gard. Devenu veuf en 1934, Raoul Mendez se remarie à Nîmes le 21 mars 1938 avec Emilie Beckert de 13 ans sa cadette, de confession catholique. Lors de la seconde guerre mondiale, conformément à la loi du 2 juin 1941, Raoul Mendez se voit dans l’obligation de se faire recenser comme juif auprès de la préfecture du Gard. Sur dénonciation, le couple Mendez est arrêté à son domicile par des agents de la Gestapo après avoir procédé à un contrôle d’identité. Dans l’impossibilité de prouver sa non judéité, Madame Mendez est également transférée avec son époux à la prison de Marseille[15] où ils restent jusqu’au 2 mars 1944, date à laquelle ils partent pour le camp d’internement de Drancy. Après avoir prouvé son appartenance à la religion catholique, Madame Mendez est libérée tandis que son mari reste interné avec le matricule 16707. Il en repart le 30 mai 1944 avec le convoi n° 75[16] qui emporte environ 1000 personnes à destination d’Auschwitz. Le 5 juin 1944, jour de son arrivée, il est gazé avec 626 autres déportés. Il avait 65 ans.

Eric BERNARD


[1] Si l’on se réfère à sa fiche matriculaire sur laquelle il est précisé que son d’instruction est de niveau 3.

[2] Voir sa fiche matriculaire

[3] Il sera cheminot, syndicaliste, communiste et résistant.

[4] Inaugurée en novembre  1902 lors de la venue de Jean Jaurès à Nîmes. Directement liée au parti socialiste, elle constitue un lieu important de politisation de la classe ouvrière mais aussi un lieu de sociabilité porteur d’initiatives culturelles et de loisirs.

[5] Bloc républicain de gauche

[6] Voir le journal « Le Petit Provençal » du 10 mai 1908.

[7] Voir le journal « Le Petit Provençal du 17 juillet 1910.

[8] Voir le journal « La Dépêche du 16 juillet 1910.

[9] Sur 36. Tous les annulés appartiennent au parti socialiste unifié.

[10] Section Française de l’Internationale Ouvrière

[11] Le service auxiliaire représentait les hommes en moins bonne santé qui ne pouvaient faire un service actif dans l’armée mais qui étaient quand même soumis au service militaire. Ils pouvaient être employés dans les administrations, les hôpitaux, à la réparation du matériel, à la construction des bâtiments militaires, dans l’exploitation des voies ferrées ou des lignes télégraphiques, etc.

[12] Troupes combattantes.

[13] Dans une note du 20 octobre 1921 adressée au commissaire spécial de police de Nîmes.

[14] Futur parti communiste français

[15] Probablement à la prison Saint-Pierre qui recevait les juifs et les résistants arrêtés.

[16] 239 hommes et 134 femmes seront sélectionnés, 627 personnes seront assassinées par gazage. Seulement 35 hommes et 64 femmes survivront en 1945.

Sources :

  • Service historique de la défense, département des fonds d’archives, division des archives des victimes des conflits contemporains, site de Caen. Dossier de Raoul Mendez, cote AC 21 P 515 259
  • Archives départementales du Gard, cote 5 E 3817 registres des naissances Nîmes année 1878 Archives départementales du Gard, cote 5 E 9008 registre des mariages Nîmes, année 1938.
  • Archives départementales du Gard, registre matriculaire, classe 1898. Cote 1R 857, fiche matriculaire de Raoul Isaac Mendez, n° 652.
  • Archives départementales du Gard, cote 1 W 139, fichier des juifs français et étrangers 1941.
  • Archives départementales du Gard, cote 3 M 813-816, élections municipales de mai 1908 et élections complémentaires des conseillers municipaux, maires et adjoints, arrondissement de Nîmes.
  • Archives départementales du Gard, cote 3 M 832-834, élections municipales de mai 1912, et élections complémentaires des conseillers municipaux, maires et adjoints, arrondissement de Nîmes.
  • Archives départementales du Gard, cotes 1 M 687 et 3 M 542-545, élections cantonales des 24 et 31 juillet 1910.
  • Archives municipales de Marseille, cote 201 E 6235 f°199, registre des mariages 1902.
  • Archives départementales des Pyrénées Atlantiques, registre des naissances Bayonne 1840, 1842 et registre des mariages Bayonne 1867.
  • Archives nationales, site de Pierrefitte, fichier central de la Sûreté nationale dit « Fonds Moscou », cote 19940462/281, dossier de Raoul Mendez n° 27954.
  • Site internet du Mémorial de la Shoah de Paris : https://ressources.memorialdelashoah.org/. (Dernière consultation le 8 avril 2024).
  • Site de généalogie Généanet.
  • Site de généalogie MyHeritage.
  • DURAND, Joachim. Les militants socialistes gardois de la période 1878-1928. Nîmes 1986. 54p

Disponible en ligne sur le site Gallica de la BnF : https://gallica.bnf.fr/ (Dernière consultation le 8 avril 2024)

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MENDEZ Raoul

  • Auschwitz

  • Né le 10 septembre 1878 à Nîmes

  • Décédé le 5 juin 1944 à Auschwitz

Raoul Isaac Mendez naît le 10 septembre 1878 à Nîmes, au sein d’une famille juive. Il est le dernier né d’une fratrie de cinq enfants. Son père, Aaron Achille Mendez est rabbin après avoir été professeur, sa mère, Hermine Esther Gomez-Vaez est sans profession. Originaires de Bayonne, ils sont venus s’installer à Nîmes entre 1868 et 1870 peu après la naissance de leur fille aînée. Raoul baigne dans un milieu familial plutôt instruit et appartient à cette première génération bénéficiaire de l’instruction obligatoire. Après une scolarité qui l’a amené jusqu’au certificat d’études primaires[1]. Raoul exerce la profession de tailleur d’habits tout comme son frère Raphaël et son grand-père paternel, qui fut également professeur de langue hébraïque. Parallèlement à son activité de tailleur d’habits, il sera dans les années 1920 agent d’une société d’épargne « La Séquanaise ». Le 15 novembre 1899 il est incorporé au 19ème bataillon d’artillerie pour effectuer son service militaire mais est réformé le jour-même pour « fracture ancienne de la cuisse avec col difforme[2] ».  Il épouse à Marseille le 30 juin 1902 Hélène Esther Cohen qui exercera dans les années vingt la profession d’agent d’assurances. De cette union naît le 15 juin 1905 un fils prénommé Marcel David[3]. Engagé politiquement, Raoul Mendez entre en 1905 à la Maison du Peuple[4] et se présente aux élections municipales de mai 1908 sur la liste des candidats de « discipline républicaine[5] ». Il est élu et devient à 32 ans le benjamin du conseil municipal[6]. Sur sa lancée, il se présente aux élections cantonales de 1910 dans le troisième canton de Nîmes, sur la liste des socialistes unifiés. Dépeint comme un « militant courageux, « plein d’ardeur et de conviction[7] » Raoul Mendez n’a aucune chance d’être élu face au candidat catholique et royaliste, conseiller sortant largement favori.  Cette candidature « de pur dévouement »[8] se soldera par un échec cuisant. En février de la même année il participe au septième congrès national du parti socialiste qui se tient à Nîmes, et deviendra en 1913 membre du bureau national. En mai 1912, il est de nouveau élu aux élections municipales sur la liste du parti socialiste. Pour des irrégularités procédurales le Conseil d’Etat annule le 27 juin 1913 l’élection de 28 conseillers municipaux,[9] dont celle de Raoul Mendez, et des élections complémentaires sont alors organisées en septembre. Ce dernier se représente mais cette fois-ci sur la liste du Comité d’Union et de Défense Républicaine et Socialiste et non plus sur la liste de la S.F.I.O[10]. Il n’est pas réélu. Ses activités professionnelles et politiques vont connaître une pause avec l’arrivée du premier conflit mondial. Raoul Mendez est successivement incorporé de fin février 1915 au début du mois de janvier 1916  en Lorraine dans les 61ème et 55ème régiments d’infanterie au titre de service auxiliaire[11]. Avec la prolongation de la guerre, les incorporations dans le service armé vont sensiblement augmenter, Raoul se voit alors versé dans le service armé[12] et amené à changer souvent d’affectation. Il est ainsi incorporé de janvier 1916 à janvier 1919 au 55ème régiment d’artillerie, ensuite au 115ème régiment d’artillerie lourde, tous les deux participent à la bataille de Verdun, et enfin au 138ème régiment d’artillerie lourde stationné en Champagne.  Démobilisé fin janvier 1919, il retourne dans ses foyers à Nîmes et reprend ses activités professionnelles et politiques. Objet de surveillance de la part de la Direction de la Sûreté Générale, celle-ci  le dépeint[13] comme quelqu’un qui « affecte des allures de bon garçon, de modeste prolétaire mais en réalité ambitieux ». Elle souligne également « son zèle et ses assiduités aux réunions communistes » qui ne lui permettent pas cependant de « jouir de beaucoup d’autorité auprès de ses coreligionnaires politiques ». A l’issue du Congrès de Tours de décembre 1920, Raoul Mendez quitte la S.F.I.O. pour rejoindre la toute nouvelle Section Française de l’Internationale Communiste[14]. Jusqu’au congrès communiste de Nîmes des 26 et 27 novembre 1921, il assure les fonctions de secrétaire de la section locale du parti communiste et celles de secrétaire du comité fédéral du Gard. Devenu veuf en 1934, Raoul Mendez se remarie à Nîmes le 21 mars 1938 avec Emilie Beckert de 13 ans sa cadette, de confession catholique. Lors de la seconde guerre mondiale, conformément à la loi du 2 juin 1941, Raoul Mendez se voit dans l’obligation de se faire recenser comme juif auprès de la préfecture du Gard. Sur dénonciation, le couple Mendez est arrêté à son domicile par des agents de la Gestapo après avoir procédé à un contrôle d’identité. Dans l’impossibilité de prouver sa non judéité, Madame Mendez est également transférée avec son époux à la prison de Marseille[15] où ils restent jusqu’au 2 mars 1944, date à laquelle ils partent pour le camp d’internement de Drancy. Après avoir prouvé son appartenance à la religion catholique, Madame Mendez est libérée tandis que son mari reste interné avec le matricule 16707. Il en repart le 30 mai 1944 avec le convoi n° 75[16] qui emporte environ 1000 personnes à destination d’Auschwitz. Le 5 juin 1944, jour de son arrivée, il est gazé avec 626 autres déportés. Il avait 65 ans.

Eric BERNARD


[1] Si l’on se réfère à sa fiche matriculaire sur laquelle il est précisé que son d’instruction est de niveau 3.

[2] Voir sa fiche matriculaire

[3] Il sera cheminot, syndicaliste, communiste et résistant.

[4] Inaugurée en novembre  1902 lors de la venue de Jean Jaurès à Nîmes. Directement liée au parti socialiste, elle constitue un lieu important de politisation de la classe ouvrière mais aussi un lieu de sociabilité porteur d’initiatives culturelles et de loisirs.

[5] Bloc républicain de gauche

[6] Voir le journal « Le Petit Provençal » du 10 mai 1908.

[7] Voir le journal « Le Petit Provençal du 17 juillet 1910.

[8] Voir le journal « La Dépêche du 16 juillet 1910.

[9] Sur 36. Tous les annulés appartiennent au parti socialiste unifié.

[10] Section Française de l’Internationale Ouvrière

[11] Le service auxiliaire représentait les hommes en moins bonne santé qui ne pouvaient faire un service actif dans l’armée mais qui étaient quand même soumis au service militaire. Ils pouvaient être employés dans les administrations, les hôpitaux, à la réparation du matériel, à la construction des bâtiments militaires, dans l’exploitation des voies ferrées ou des lignes télégraphiques, etc.

[12] Troupes combattantes.

[13] Dans une note du 20 octobre 1921 adressée au commissaire spécial de police de Nîmes.

[14] Futur parti communiste français

[15] Probablement à la prison Saint-Pierre qui recevait les juifs et les résistants arrêtés.

[16] 239 hommes et 134 femmes seront sélectionnés, 627 personnes seront assassinées par gazage. Seulement 35 hommes et 64 femmes survivront en 1945.

Sources :

  • Service historique de la défense, département des fonds d’archives, division des archives des victimes des conflits contemporains, site de Caen. Dossier de Raoul Mendez, cote AC 21 P 515 259
  • Archives départementales du Gard, cote 5 E 3817 registres des naissances Nîmes année 1878 Archives départementales du Gard, cote 5 E 9008 registre des mariages Nîmes, année 1938.
  • Archives départementales du Gard, registre matriculaire, classe 1898. Cote 1R 857, fiche matriculaire de Raoul Isaac Mendez, n° 652.
  • Archives départementales du Gard, cote 1 W 139, fichier des juifs français et étrangers 1941.
  • Archives départementales du Gard, cote 3 M 813-816, élections municipales de mai 1908 et élections complémentaires des conseillers municipaux, maires et adjoints, arrondissement de Nîmes.
  • Archives départementales du Gard, cote 3 M 832-834, élections municipales de mai 1912, et élections complémentaires des conseillers municipaux, maires et adjoints, arrondissement de Nîmes.
  • Archives départementales du Gard, cotes 1 M 687 et 3 M 542-545, élections cantonales des 24 et 31 juillet 1910.
  • Archives municipales de Marseille, cote 201 E 6235 f°199, registre des mariages 1902.
  • Archives départementales des Pyrénées Atlantiques, registre des naissances Bayonne 1840, 1842 et registre des mariages Bayonne 1867.
  • Archives nationales, site de Pierrefitte, fichier central de la Sûreté nationale dit « Fonds Moscou », cote 19940462/281, dossier de Raoul Mendez n° 27954.
  • Site internet du Mémorial de la Shoah de Paris : https://ressources.memorialdelashoah.org/. (Dernière consultation le 8 avril 2024).
  • Site de généalogie Généanet.
  • Site de généalogie MyHeritage.
  • DURAND, Joachim. Les militants socialistes gardois de la période 1878-1928. Nîmes 1986. 54p

Disponible en ligne sur le site Gallica de la BnF : https://gallica.bnf.fr/ (Dernière consultation le 8 avril 2024)

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