RECHERCHEZ
Zulma Rosalie Dumortier naît à Gand, ville flamande de Belgique, le 25 février 1905. Son père se prénomme Franciscus Joannes et sa mère, Maria Constantia De Cock. Le 24 mai 1924, elle épouse Augustin Julien Constant Habaru, né en 1898 à Arlon en Wallonie. Journaliste d’une grande rigueur morale, très tôt engagé dans le communisme, il écrit de nombreux reportages sur la condition ouvrière en France. C’est aussi un poète, un homme cultivé, polyglotte, au caractère vif. Quand il rejoint la revue Monde, créée par Henri Barbusse en 1928 comme rédacteur en chef, il initie une réflexion critique dans le milieu littéraire de gauche.
Assez vite, Augustin engage à ses côtés un écrivain nîmois, communiste, Marc Bernard, lui aussi tourné vers les récits d’inspiration prolétarienne, qui souhaite promouvoir une littérature populaire ouvrière. La collaboration des deux hommes à la Revue Monde durera jusqu’à l’arrêt de sa parution en 1935, mais leur amitié durera jusqu’à la mort d’Augustin.
Le charme, l’élégance, la vitalité de Zulma, que ses proches appellent « Snoes » – petit nom donné par Augustin, qui veut dire « chérie » en néerlandais -, séduisent Marc Bernard alors âgé de 30 ans, au point qu’il l’emmène vivre à Nîmes. Pendant ce temps, Augustin Habaru resté à St Germain des Prés, accepte de publier dans Monde, tous les articles que Marc Bernard lui envoie, ce qui fait subsister le couple nîmois.
Au cours de l’année 1930, Marc et Zulma reviennent à Paris. Dans un livre publié en 1934, sous le titre d’Anny[1] , Marc Bernard raconte sa liaison avec Zulma dont naît, le 4 août 1932, à Paris 16ème une fille, prénommée Annie-Lucette. Les amants n’assument pas vraiment la situation ; Annie est déclarée à l’État Civil comme la fille d’Augustin. Quand Marc part écrire à Majorque, Zulma rejoint Augustin, 7 rue Campagne Première à Montparnasse (Paris 14ème).
Au mois d’août 1940, après la débâcle, Augustin, Zulma et Annie rejoignent la zone sud et s’installent à Nîmes y retrouvant l’ami Marc Bernard qui vient d’épouser Else Reichmann, une jeune juive autrichienne qui deviendra le point d’ancrage de sa vie[2].
Zulma trouve un travail dans la photographie et vit au 20 rue du Général Perrier à Nîmes ; Augustin, lui, intègre en 1940-1941 l’hebdomadaire syndicaliste pétainiste au Travail, à Chambéry. Il se sert bientôt de cette couverture pour renseigner un réseau d’information belge placé sous la direction de Georges Oreel, le Réseau Coty (futur Réseau Reims). Continuant officiellement ses reportages sur l’industrie, il rassemble pour le réseau de nombreux éléments sur l’économie de guerre. Cela l’oblige sans cesse à changer le lieu et d’identité, mais il garde un point d’ancrage à Nîmes où il revient régulièrement retrouver Annie qu’il a élevée jusqu’alors comme un père, mais qu’il a confié à Marc Bernard et son épouse, pour des raisons de sécurité.
De son côté, Zulma rejoint les Forces Françaises Combattantes. Elle œuvre dans le même réseau qu’Augustin, le Réseau Reims [3]: elle sur Nîmes et sa région, lui dans l’ensemble de la zone Sud. Sous le pseudo de Ramsès, elle achemine des plis et des photos d’installations allemandes à destination du Dr Georges Salan (frère du futur général) qui dirige alors les Corps Francs du Mouvement Combat dans le Gard.
Le 25 août 1943, Zulma est arrêtée à Nîmes par la Gestapo, emprisonnée à Marseille, puis à Fresnes.
Ni Marc Bernard, ni Jean Paulhan appelé à la rescousse, ne parviennent à empêcher la suite. Elle est déportée à Ravensbrück (matricule 35366) le 18 avril 1944, puis envoyée le 22 à Flossenbürg (matricule 50780), plus précisément à Holleischen, lieu de production de munitions. Le camp est libéré en avril 1945 et Zulma rapatriée le 20 mai à Paris.
Augustin, après avoir fait une dernière apparition chez les Bernard en janvier 1944, est arrêté par les Allemands près de Chambéry le 30 mai 1944. Oreel, le chef de réseau, est abattu lors de son interpellation et Augustin fusillé 15 jours plus tard, en même temps que 10 autres membres à Arbin en Savoie. Augustin a 46 ans.
Zulma, reverra plusieurs fois Marc Bernard à Paris, jusqu’en 1976. Atteinte d’un diabète grave, elle meurt en juillet 1979. Elle a été reconnue déportée résistante en février 1949.
Le 7 janvier 1981, Marc Bernard adopte Annie Lucette Habaru, sa propre fille. Il n’aura pas eu d’enfants avec Else, sa femme, morte en 1969. Marc Bernard décède à Nîmes en novembre 1983, à 83 ans.
Marie Balta, Éric Bernard, Gérard Krebs
Sources :
Dossier Caen, site Arolsen
Site de généalogie Myheritage : généalogie d’Augustin Habaru
Acte naissance Zulma Rosalie Dumortier. En marge : son mariage avec Augustin Habaru.
Tables décennales des naissances1923-1932, Archives de Paris : naissance d’Annie-Lucette Habaru. En marge, accolé, le nom de Marc Bernard qui signifie l’adoption.
Service Historique de la Défense de Vincennes : homologation des faits de résistance de Zulma Habaru. GR 16P 200501.
Amicale du Réseau Gallia. Histoire du Réseau Reims-Noël.
Deux versions du Maitron concernant Augustin Habaru, celle de Michel Aguettaz et celle de Nicole Racine.
Mémoire de DEA de Philippe Meysonnier 1994 : Réseau Gallia 1943-44.
Mémoire des Hommes : Habaru Zulma Rosalie FFC.
Journal Le Peuple du 10 novembre 1945 : Extraits de l’hommage à A Habaru, paru dans l’hebdomadaire Gavroche du 1er novembre 1945, texte de Marc Bernard.
Gallica : « Un héros belge de la Résistance française », par Maurice Scumann, hommage à Augustin Habaru, in Le Franc-tireur, organe des mouvements unis de la résistance. Du 15 décembre 1944.
Remerciements à Stéphane Bonnefoi pour les emprunts effectués à son livre : Marc Bernard, La volupté de l’effacement ». Ed. Le Murmure, ainsi que pour son émission intitulée : Marc Bernard et moi (qui comporte des interviews auprès de Annie-Lucette Teulière), France Culture, 4 février 2013.
Marc Bernard, le goût de la vie de Alain Artus. Ed. Nouvelles Presses du Languedoc.
[1] Dans l’ouvrage de Marc Bernard, Anny, (Gallimard 1934), Zulma est nommée Anny, et dans Tout est bien ainsi, il parle d’elle sous la lettre « J ».
[2] Marc Bernard obtient le prix Goncourt en 1942 pour « Pareil à des enfants », publié chez Gallimard et ne cessera d’écrire jusqu’à sa mort. On peut citer, entre autres parutions : « Mes exilés, Gallimard 1939, Oradour sur Glane, le village exterminé, Front National de Lutte 1944-, La mort de la bien-aimée, Gallimard 1972, Au-delà de l’absence, Gallimard 1976 et Tout est bien ainsi, Gallimard 1979. Claire Paulhan éditera les Correspondances de Marc Bernard avec son ami Jean Paulhan (1928-1968) en 2013.
[3] Le Réseau Reims, d’abord rattaché aux services de renseignements belges, puis à partir de juillet 1943, via le Réseau Gallia, au Bureau Central de Renseignements et d’Action, assure la liaison entre Résistance Métropolitaine, France Libre et Alliés. Le Réseau Reims devient Noël quand Georges Oreel, alias Noël, en prend le commandement, dirigeant les opérations en zone Sud.
RECHERCHEZ
Zulma Rosalie Dumortier naît à Gand, ville flamande de Belgique, le 25 février 1905. Son père se prénomme Franciscus Joannes et sa mère, Maria Constantia De Cock. Le 24 mai 1924, elle épouse Augustin Julien Constant Habaru, né en 1898 à Arlon en Wallonie. Journaliste d’une grande rigueur morale, très tôt engagé dans le communisme, il écrit de nombreux reportages sur la condition ouvrière en France. C’est aussi un poète, un homme cultivé, polyglotte, au caractère vif. Quand il rejoint la revue Monde, créée par Henri Barbusse en 1928 comme rédacteur en chef, il initie une réflexion critique dans le milieu littéraire de gauche.
Assez vite, Augustin engage à ses côtés un écrivain nîmois, communiste, Marc Bernard, lui aussi tourné vers les récits d’inspiration prolétarienne, qui souhaite promouvoir une littérature populaire ouvrière. La collaboration des deux hommes à la Revue Monde durera jusqu’à l’arrêt de sa parution en 1935, mais leur amitié durera jusqu’à la mort d’Augustin.
Le charme, l’élégance, la vitalité de Zulma, que ses proches appellent « Snoes » – petit nom donné par Augustin, qui veut dire « chérie » en néerlandais -, séduisent Marc Bernard alors âgé de 30 ans, au point qu’il l’emmène vivre à Nîmes. Pendant ce temps, Augustin Habaru resté à St Germain des Prés, accepte de publier dans Monde, tous les articles que Marc Bernard lui envoie, ce qui fait subsister le couple nîmois.
Au cours de l’année 1930, Marc et Zulma reviennent à Paris. Dans un livre publié en 1934, sous le titre d’Anny[1] , Marc Bernard raconte sa liaison avec Zulma dont naît, le 4 août 1932, à Paris 16ème une fille, prénommée Annie-Lucette. Les amants n’assument pas vraiment la situation ; Annie est déclarée à l’État Civil comme la fille d’Augustin. Quand Marc part écrire à Majorque, Zulma rejoint Augustin, 7 rue Campagne Première à Montparnasse (Paris 14ème).
Au mois d’août 1940, après la débâcle, Augustin, Zulma et Annie rejoignent la zone sud et s’installent à Nîmes y retrouvant l’ami Marc Bernard qui vient d’épouser Else Reichmann, une jeune juive autrichienne qui deviendra le point d’ancrage de sa vie[2].
Zulma trouve un travail dans la photographie et vit au 20 rue du Général Perrier à Nîmes ; Augustin, lui, intègre en 1940-1941 l’hebdomadaire syndicaliste pétainiste au Travail, à Chambéry. Il se sert bientôt de cette couverture pour renseigner un réseau d’information belge placé sous la direction de Georges Oreel, le Réseau Coty (futur Réseau Reims). Continuant officiellement ses reportages sur l’industrie, il rassemble pour le réseau de nombreux éléments sur l’économie de guerre. Cela l’oblige sans cesse à changer le lieu et d’identité, mais il garde un point d’ancrage à Nîmes où il revient régulièrement retrouver Annie qu’il a élevée jusqu’alors comme un père, mais qu’il a confié à Marc Bernard et son épouse, pour des raisons de sécurité.
De son côté, Zulma rejoint les Forces Françaises Combattantes. Elle œuvre dans le même réseau qu’Augustin, le Réseau Reims [3]: elle sur Nîmes et sa région, lui dans l’ensemble de la zone Sud. Sous le pseudo de Ramsès, elle achemine des plis et des photos d’installations allemandes à destination du Dr Georges Salan (frère du futur général) qui dirige alors les Corps Francs du Mouvement Combat dans le Gard.
Le 25 août 1943, Zulma est arrêtée à Nîmes par la Gestapo, emprisonnée à Marseille, puis à Fresnes.
Ni Marc Bernard, ni Jean Paulhan appelé à la rescousse, ne parviennent à empêcher la suite. Elle est déportée à Ravensbrück (matricule 35366) le 18 avril 1944, puis envoyée le 22 à Flossenbürg (matricule 50780), plus précisément à Holleischen, lieu de production de munitions. Le camp est libéré en avril 1945 et Zulma rapatriée le 20 mai à Paris.
Augustin, après avoir fait une dernière apparition chez les Bernard en janvier 1944, est arrêté par les Allemands près de Chambéry le 30 mai 1944. Oreel, le chef de réseau, est abattu lors de son interpellation et Augustin fusillé 15 jours plus tard, en même temps que 10 autres membres à Arbin en Savoie. Augustin a 46 ans.
Zulma, reverra plusieurs fois Marc Bernard à Paris, jusqu’en 1976. Atteinte d’un diabète grave, elle meurt en juillet 1979. Elle a été reconnue déportée résistante en février 1949.
Le 7 janvier 1981, Marc Bernard adopte Annie Lucette Habaru, sa propre fille. Il n’aura pas eu d’enfants avec Else, sa femme, morte en 1969. Marc Bernard décède à Nîmes en novembre 1983, à 83 ans.
Marie Balta, Éric Bernard, Gérard Krebs
Sources :
Dossier Caen, site Arolsen
Site de généalogie Myheritage : généalogie d’Augustin Habaru
Acte naissance Zulma Rosalie Dumortier. En marge : son mariage avec Augustin Habaru.
Tables décennales des naissances1923-1932, Archives de Paris : naissance d’Annie-Lucette Habaru. En marge, accolé, le nom de Marc Bernard qui signifie l’adoption.
Service Historique de la Défense de Vincennes : homologation des faits de résistance de Zulma Habaru. GR 16P 200501.
Amicale du Réseau Gallia. Histoire du Réseau Reims-Noël.
Deux versions du Maitron concernant Augustin Habaru, celle de Michel Aguettaz et celle de Nicole Racine.
Mémoire de DEA de Philippe Meysonnier 1994 : Réseau Gallia 1943-44.
Mémoire des Hommes : Habaru Zulma Rosalie FFC.
Journal Le Peuple du 10 novembre 1945 : Extraits de l’hommage à A Habaru, paru dans l’hebdomadaire Gavroche du 1er novembre 1945, texte de Marc Bernard.
Gallica : « Un héros belge de la Résistance française », par Maurice Scumann, hommage à Augustin Habaru, in Le Franc-tireur, organe des mouvements unis de la résistance. Du 15 décembre 1944.
Remerciements à Stéphane Bonnefoi pour les emprunts effectués à son livre : Marc Bernard, La volupté de l’effacement ». Ed. Le Murmure, ainsi que pour son émission intitulée : Marc Bernard et moi (qui comporte des interviews auprès de Annie-Lucette Teulière), France Culture, 4 février 2013.
Marc Bernard, le goût de la vie de Alain Artus. Ed. Nouvelles Presses du Languedoc.
[1] Dans l’ouvrage de Marc Bernard, Anny, (Gallimard 1934), Zulma est nommée Anny, et dans Tout est bien ainsi, il parle d’elle sous la lettre « J ».
[2] Marc Bernard obtient le prix Goncourt en 1942 pour « Pareil à des enfants », publié chez Gallimard et ne cessera d’écrire jusqu’à sa mort. On peut citer, entre autres parutions : « Mes exilés, Gallimard 1939, Oradour sur Glane, le village exterminé, Front National de Lutte 1944-, La mort de la bien-aimée, Gallimard 1972, Au-delà de l’absence, Gallimard 1976 et Tout est bien ainsi, Gallimard 1979. Claire Paulhan éditera les Correspondances de Marc Bernard avec son ami Jean Paulhan (1928-1968) en 2013.
[3] Le Réseau Reims, d’abord rattaché aux services de renseignements belges, puis à partir de juillet 1943, via le Réseau Gallia, au Bureau Central de Renseignements et d’Action, assure la liaison entre Résistance Métropolitaine, France Libre et Alliés. Le Réseau Reims devient Noël quand Georges Oreel, alias Noël, en prend le commandement, dirigeant les opérations en zone Sud.