GUGENHEIM René

  • Auschwitz-Birkenau

  • Né le 7 juin 1927 à Paris

  • Date décès inconnue à Auschwitz

    LA FAMILLE GUGENHEIM – Auschwitz-Birkenau.          

    GUGENHEIM Gaston – Auschwitz-Birkenau.

    Gaston Gugenheim est né le 22 septembre 1886 à Dijon dans une famille juive de négociants. Il est le fils de Bernard Gugenheim et de Mathilde Kahn, et le petit-fils de Marc Khan, chantre et sacrificateur à la synagogue de Dijon. Six enfants sont nés de cette union, une fille et cinq garçons, Gaston est l’avant-dernier de la fratrie. D’octobre 1907 à septembre 1909, Gaston Gugenheim effectue son service militaire au 26ème bataillon de chasseurs à pied à Vincennes. Mobilisé en août 1914 dans ce même bataillon basé à Pont-à-Mousson, il est classé Service Auxiliaire pour coliques hépatiques par la commission de réforme de Versailles du 8 mars au 18 septembre 1915, date à laquelle il réintègre le service armé où il est successivement caporal et sergent. Le 16 août 1917 et jusqu’au 15 juin 1918, il passe au 19ème Escadron du Train des Equipages militaires cantonné à Paris puis au premier groupe d’aviation, à Dijon. Titulaire de la Croix de guerre, il est mis en congé illimité de démobilisation le 1er avril 1919 et sera libéré de toute obligation militaire le 15 octobre 1935. Employé de banque puis coulissier de bourse, il fonde à Paris sa propre société de coulisse « Gugenheim and co ». Le 18 mai 1920, il épouse à Paris, Germaine Anita Ullmann, de 13 ans sa cadette. Le couple qui réside dans le 16e arrondissement, donne naissance à quatre enfants, Denise (1923), Bernard (1925), René (1927) et Marcel (1935). Au sein de ce ménage très uni, chacun organise ses journées autour de ses activités professionnelles, culturelles et mondaines. Bourgeois aisé plutôt « progressiste modéré », passionné par son travail, Gaston est dépeint comme un « bon vivant », un véritable épicurien, qui aime la bonne chère et dont la cave est réputée[1].

    GUGENHEIM Germaine née ULLMANN – Auschwitz-Birkenau.

    Issue d’une riche famille alsacienne de joailliers émigrée au Mexique, Germaine Anita Ullmann voit le jour à Mexico le 10 janvier 1899. Elle est l’aînée d’une fratrie de trois, ses deux frères André et Georges Ullmann naissent respectivement en 1901 et 1904. Son père Joseph Ullmann, d’une lignée juive, travaille au sein de l’une des plus luxueuses bijouteries de Mexico (« La Esmeralda – Hauser Zivy et Cie ») fondée par M. Zivy, parent de sa branche maternelle. La mère de Germaine, Marie Julie Hommel, catholique, veille à la bonne gestion du foyer et assume les mondanités d’usage propres aux familles de la grande bourgeoisie. La famille Ullmann fait des allers-retours réguliers entre Mexico et Paris où elle possède également une bijouterie « La Esmeralda ». Peu après sa naissance, les parents de Germaine décident de s’installer définitivement à Paris. Après ses études secondaires, Germaine entreprend des études de lettres à la Sorbonne, à une époque où l’accès à l’université pour les femmes est loin d’être une évidence. Afin de préserver sa moralité, Germaine est accompagnée de sa nurse jusque dans l’amphithéâtre[2], à l’instar de certaines jeunes femmes de la bourgeoisie qui l’étaient soit par leur mère, soit par leur mari, « garants de leurs bonnes mœurs »[3]. Mais ses études ne lui permettent pas d’échapper au statut d’épouse et de mère assigné aux jeunes femmes de la « bonne bourgeoisie ». Un mariage est alors arrangé entre sa famille et celle de son futur époux, Gaston Gugenheim. Personnalité affirmée, rebelle, acquise aux idées de la SFIO, Germaine détonne au sein de sa riche famille de bijoutiers et auprès d’un époux modérément progressiste. Seule intellectuelle de la famille, elle s’adonne à trois passions : la littérature, l’écriture et la peinture. Elle a d’ailleurs exposé au salon des indépendants.

    GUGENHEIM Bernard – Auschwitz-Birkenau

    Bernard Joseph André Gugenheim est né le 17 mars 1925 à Paris dans le 16e arrondissement. Il est le deuxième enfant d’une fratrie de quatre. Il commence sa scolarité au lycée Janson de Sailly à Paris le premier octobre 1933[4]. Il y reste plusieurs années, de la 8e à la seconde sans interruption. En 1939-1940, il est scolarisé au Lycée Claude Bernard[5] et réintègre le lycée Janson de Sailly l’année 1941-1942. Il est inscrit en Première A’ (première littéraire) et étudie l’anglais en première langue. Les bulletins scolaires conservés aux archives du lycée Janson de Sailly ne signalent sa présence qu’au premier trimestre suite au départ de la famille pour Alès en zone Sud non occupée.

    GUGENHEIM René – Auschwitz-Birkenau

    René Paul Gaston Gugenheim est né le 7 juin 1927 à Paris dans le 16e arrondissement. Il est l’avant-dernier de la fratrie. Comme son frère Bernard, il poursuit une large partie de sa scolarité au lycée Janson de Sailly jusqu’à l’année 1941-1942 qu’il ne termine pas, à la suite de son départ pour Alès en zone sud non occupée.

    GUGENHEIM Marcel – Auschwitz-Birkenau

    Marcel Gaston Gugenheim est né le 27 septembre 1935 à Paris dans le 16ème arrondissement. Il est le benjamin de la fratrie. Douze années le séparent de sa sœur aînée Denise. Durant l’année scolaire 1940-1941, il est élève au lycée Janson de Sailly qui comporte une section d’enseignement primaire. Un bulletin scolaire conservé aux archives du lycée le qualifie de « Bon petit élève » mais précise par ailleurs, « il est fâcheux qu’il s’absente si souvent » ou encore « Il est dommage qu’il s’absente si souvent »[6].

    L’arrivée à Alès, l’arrestation et la déportation

    Avec la seconde guerre mondiale, la famille Gugenheim va voir ses conditions de vie radicalement changer[7]. En raison des lois anti-juives d’aryanisation et de spoliation des biens juifs[8], Gaston ne peut plus exercer sa profession[9]. En outre, la pression de l’occupant se fait de plus en plus forte et les persécutions s’accentuent au cours des années 1941 et 1942 avec l’intensification des rafles. La nationalité française de la famille Gugenheim et le statut d’ancien combattant de Gaston titulaire de la Croix de guerre ne la protègent pas. Dans ce contexte de risques permanents, les Gugenheim se réfugient en zone sud non occupée. Aidés d’un ami pasteur, ils arrivent à Alès en mai 1942 et séjournent dans un premier temps à l’hôtel du Luxembourg. Ils sont amenés par la suite à déménager plusieurs fois. Avec une certaine témérité, la famille essaie de maintenir son mode de vie parisien au risque d’attirer l’attention. Les enfants poursuivent leur scolarité, Denise l’aînée est étudiante en pharmacie à Montpellier, Bernard et René intègrent le lycée Jean-Baptiste Dumas d’Alès et préparent leur baccalauréat. Avec l’arrivée des allemands en zone libre, la multiplication des rafles et l’activité intensifiée de la Milice dans la région alésienne, la famille Gugenheim se déplace à Florac en Lozère où elle séjourne successivement dans deux hôtels. Elle est arrêtée par la Gestapo le lundi 18 mai 1943[10]. L’hypothèse d’une dénonciation n’est pas à exclure. Seule Denise échappe à cette arrestation, la veille elle avait regagné Montpellier pour ses études. La famille est internée à Marseille jusqu’au 27 mai 1943[11], date de son transfert à Drancy. Gaston est affecté à la réparation de lits et de matelas tandis que son épouse est préposée au repassage à la blanchisserie du camp. Bernard et René sont membres du service de surveillance. Promiscuité, saleté, brimades, coups, maladies, fouilles, faim et angoisse terrible du départ sont leur lot quotidien. Passée de la catégorie C1 (« protégé ») à la catégorie B (déportable) le 13 novembre 1943, la famille Gugenheim quitte Drancy le 20 novembre 1943 par le convoi n°62[12] pour Auschwitz-Birkenau où elle arrive le 23 novembre. Gaston, Germaine et Marcel sont gazés ce même jour. Bernard et René échappent à la chambre à gaz. Bernard qui a reçu le matricule 164515 est affecté au camp de Monowitz[13]. A plusieurs reprises, entre le 23 janvier et le 27 avril 1944, il est admis à l’hôpital du camp. Il y est soigné par le docteur Serge Goltz. Ce dernier, pour financer ses études, avait travaillé avant la guerre comme « grouillot » pour Gaston. Il épousera en 1947 Denise, la sœur aînée de Bernard. Malade et épuisé par les conditions de travail effroyables du camp, Bernard est renvoyé à Auschwitz pour y être tué. Quant à René, en l’absence de documents officiels, seule l’hypothèse d’une même affectation que son frère Bernard peut être formulée dans la mesure où il a été également soigné par le docteur Serge Goltz. Leur date de décès n’est pas connue.

    Eric BERNARD


    [1] Témoignage de sa petite fille Nickie Golse-Caro

    [2] Témoignage de sa petite-fille Nickie Golse-Caro

    [3] LECUYER, Carole Christen, Les premières étudiantes de l’Université de Paris. In : Travail, genre et société 2000/2 (N°4), p. 35 à 50

    [4] LYCEE JANSON DE SAILLY, Mémorial des élèves juifs déportés de 1942 à 1944. Paris : Editions Glyphe 2020, p. 63-70.

    [5] De juin 1940 à la fin août 1944, le lycée est réquisitionné par les forces allemandes pour être transformé en caserne de troupes SS. Les élèves sont alors transférés au lycée Janson-de-Sailly

    [6] LYCEE JANSON DE SAILLY, Mémorial des élèves juifs déportés de 1942 à 1944. Op.cit., p. 63-70.

    [7] Lois du 3 octobre 1940 et du 2 juin 1941 portant statut des Juifs.

    [8] Loi de création du Commissariat général aux Questions juives du 29 mars 1941, la loi du 26 avril 1941 permettant le blocage de certains comptes bancaires et interdisant un certain nombre d’activités professionnelles et économiques dans le commerce, la banque, les transports, les assurances, les hôtels-restaurants, la publicité, les voyages, et tous les métiers du spectacle. Loi du 22 juillet 1941 « relative aux entreprises, biens et valeurs appartenant à des juifs » qui confie les entreprises tenues par des juifs à des administrateurs provisoires avant de les vendre.

    [9] Lors de l’inscription de son fils Bernard au lycée Janson de Sailly, il se déclare « ex-banquier en valeurs ».

    [10] A Florac selon le témoignage de Nickie Golse-Caro, à Alès d’après certains documents officiels (dossier Caen)

    [11] Probablement à la prison Saint-Pierre qui recevait les juifs et les résistants arrêtés.

    [12] Dans le Mémorial de la Déportation des Juifs de France, Serge Klarsfeld écrit à propos du convoi n°62 : « 634 hommes, 556 femmes et 10 indéterminés. 83 enfants de moins de 12 ans ; 164 de moins de 18 ans (…). A l’arrivée à Auschwitz, 241 hommes furent sélectionnés avec les matricules 164427 à 164667 ainsi que 45 femmes (Mles 69036 à 69080). 914 déportés furent gazés. En 1945 29 survivants dont 2 femmes ».

    [13] Un sous-camp d’Auschwitz (Auschwitz III) et à partir de novembre 1943 un camp de concentration auquel étaient subordonnés tous les sous-camps « industriels » du complexe d’Auschwitz.

    Sources :

    Témoignage de Nickie Golse-Caro, fille de Denise Gugenheim et petite-fille des époux Gugenheim.

    Service historique de la défense, département des fonds d’archives, division des archives des victimes des conflits contemporains. Site de Caen. Dossiers de la famille Gugenheim.

    Archives départementales de la Côte d’Or, registre des naissances 1886

    Archives départementales de la Côte-d’Or, fiche matriculaire n°1317 de Gaston Gugenheim. Période de 1900 à 1907 – 1906 – R 2445- Vue 421/1654

    Archives départementales du Gard : friches individuelles de recensement juif de la famille Gugenheim, 1 W 139

    International Tracing Services d’Arolsen, certificat d’incarcération de Bernard Gugenheim du 26 août 1966.

    Site internet Myheritage : https://www.myheritage.fr/research/collection-1/arbres-genealogiques-myheritage?itemId=533738401-1-500987&action=showRecord

    David DOUVETTE, La spoliation des juifs de France, dans le Monde Juif 1991, n°141, pages 44 à 54 sur le site :     https://www.cairn.info/revue-le-monde-juif-1991-1-page-44.htm

    Site internet du Mémorial de la Shoah

    Docteur Lucien SIMON, Les juifs à Nîmes dans le Gard durant la deuxième guerre mondiale de 1939 à 1944, Editions Lacour (deuxième édition), Nîmes 1987.

    LYCEE JANSON DE SAILLY, Mémorial des élèves juifs déportés de 1942 à 1944. Paris : Editions Glyphe 2020, p. 63-70.

     

    Vous avez un complément d’informations ? N’hésitez pas nous le faire savoir.

    GUGENHEIM René

    • Auschwitz-Birkenau

    • Né le 7 juin 1927 à Paris

    • Date décès inconnue à Auschwitz

      LA FAMILLE GUGENHEIM – Auschwitz-Birkenau.          

      GUGENHEIM Gaston – Auschwitz-Birkenau.

      Gaston Gugenheim est né le 22 septembre 1886 à Dijon dans une famille juive de négociants. Il est le fils de Bernard Gugenheim et de Mathilde Kahn, et le petit-fils de Marc Khan, chantre et sacrificateur à la synagogue de Dijon. Six enfants sont nés de cette union, une fille et cinq garçons, Gaston est l’avant-dernier de la fratrie. D’octobre 1907 à septembre 1909, Gaston Gugenheim effectue son service militaire au 26ème bataillon de chasseurs à pied à Vincennes. Mobilisé en août 1914 dans ce même bataillon basé à Pont-à-Mousson, il est classé Service Auxiliaire pour coliques hépatiques par la commission de réforme de Versailles du 8 mars au 18 septembre 1915, date à laquelle il réintègre le service armé où il est successivement caporal et sergent. Le 16 août 1917 et jusqu’au 15 juin 1918, il passe au 19ème Escadron du Train des Equipages militaires cantonné à Paris puis au premier groupe d’aviation, à Dijon. Titulaire de la Croix de guerre, il est mis en congé illimité de démobilisation le 1er avril 1919 et sera libéré de toute obligation militaire le 15 octobre 1935. Employé de banque puis coulissier de bourse, il fonde à Paris sa propre société de coulisse « Gugenheim and co ». Le 18 mai 1920, il épouse à Paris, Germaine Anita Ullmann, de 13 ans sa cadette. Le couple qui réside dans le 16e arrondissement, donne naissance à quatre enfants, Denise (1923), Bernard (1925), René (1927) et Marcel (1935). Au sein de ce ménage très uni, chacun organise ses journées autour de ses activités professionnelles, culturelles et mondaines. Bourgeois aisé plutôt « progressiste modéré », passionné par son travail, Gaston est dépeint comme un « bon vivant », un véritable épicurien, qui aime la bonne chère et dont la cave est réputée[1].

      GUGENHEIM Germaine née ULLMANN – Auschwitz-Birkenau.

      Issue d’une riche famille alsacienne de joailliers émigrée au Mexique, Germaine Anita Ullmann voit le jour à Mexico le 10 janvier 1899. Elle est l’aînée d’une fratrie de trois, ses deux frères André et Georges Ullmann naissent respectivement en 1901 et 1904. Son père Joseph Ullmann, d’une lignée juive, travaille au sein de l’une des plus luxueuses bijouteries de Mexico (« La Esmeralda – Hauser Zivy et Cie ») fondée par M. Zivy, parent de sa branche maternelle. La mère de Germaine, Marie Julie Hommel, catholique, veille à la bonne gestion du foyer et assume les mondanités d’usage propres aux familles de la grande bourgeoisie. La famille Ullmann fait des allers-retours réguliers entre Mexico et Paris où elle possède également une bijouterie « La Esmeralda ». Peu après sa naissance, les parents de Germaine décident de s’installer définitivement à Paris. Après ses études secondaires, Germaine entreprend des études de lettres à la Sorbonne, à une époque où l’accès à l’université pour les femmes est loin d’être une évidence. Afin de préserver sa moralité, Germaine est accompagnée de sa nurse jusque dans l’amphithéâtre[2], à l’instar de certaines jeunes femmes de la bourgeoisie qui l’étaient soit par leur mère, soit par leur mari, « garants de leurs bonnes mœurs »[3]. Mais ses études ne lui permettent pas d’échapper au statut d’épouse et de mère assigné aux jeunes femmes de la « bonne bourgeoisie ». Un mariage est alors arrangé entre sa famille et celle de son futur époux, Gaston Gugenheim. Personnalité affirmée, rebelle, acquise aux idées de la SFIO, Germaine détonne au sein de sa riche famille de bijoutiers et auprès d’un époux modérément progressiste. Seule intellectuelle de la famille, elle s’adonne à trois passions : la littérature, l’écriture et la peinture. Elle a d’ailleurs exposé au salon des indépendants.

      GUGENHEIM Bernard – Auschwitz-Birkenau

      Bernard Joseph André Gugenheim est né le 17 mars 1925 à Paris dans le 16e arrondissement. Il est le deuxième enfant d’une fratrie de quatre. Il commence sa scolarité au lycée Janson de Sailly à Paris le premier octobre 1933[4]. Il y reste plusieurs années, de la 8e à la seconde sans interruption. En 1939-1940, il est scolarisé au Lycée Claude Bernard[5] et réintègre le lycée Janson de Sailly l’année 1941-1942. Il est inscrit en Première A’ (première littéraire) et étudie l’anglais en première langue. Les bulletins scolaires conservés aux archives du lycée Janson de Sailly ne signalent sa présence qu’au premier trimestre suite au départ de la famille pour Alès en zone Sud non occupée.

      GUGENHEIM René – Auschwitz-Birkenau

      René Paul Gaston Gugenheim est né le 7 juin 1927 à Paris dans le 16e arrondissement. Il est l’avant-dernier de la fratrie. Comme son frère Bernard, il poursuit une large partie de sa scolarité au lycée Janson de Sailly jusqu’à l’année 1941-1942 qu’il ne termine pas, à la suite de son départ pour Alès en zone sud non occupée.

      GUGENHEIM Marcel – Auschwitz-Birkenau

      Marcel Gaston Gugenheim est né le 27 septembre 1935 à Paris dans le 16ème arrondissement. Il est le benjamin de la fratrie. Douze années le séparent de sa sœur aînée Denise. Durant l’année scolaire 1940-1941, il est élève au lycée Janson de Sailly qui comporte une section d’enseignement primaire. Un bulletin scolaire conservé aux archives du lycée le qualifie de « Bon petit élève » mais précise par ailleurs, « il est fâcheux qu’il s’absente si souvent » ou encore « Il est dommage qu’il s’absente si souvent »[6].

      L’arrivée à Alès, l’arrestation et la déportation

      Avec la seconde guerre mondiale, la famille Gugenheim va voir ses conditions de vie radicalement changer[7]. En raison des lois anti-juives d’aryanisation et de spoliation des biens juifs[8], Gaston ne peut plus exercer sa profession[9]. En outre, la pression de l’occupant se fait de plus en plus forte et les persécutions s’accentuent au cours des années 1941 et 1942 avec l’intensification des rafles. La nationalité française de la famille Gugenheim et le statut d’ancien combattant de Gaston titulaire de la Croix de guerre ne la protègent pas. Dans ce contexte de risques permanents, les Gugenheim se réfugient en zone sud non occupée. Aidés d’un ami pasteur, ils arrivent à Alès en mai 1942 et séjournent dans un premier temps à l’hôtel du Luxembourg. Ils sont amenés par la suite à déménager plusieurs fois. Avec une certaine témérité, la famille essaie de maintenir son mode de vie parisien au risque d’attirer l’attention. Les enfants poursuivent leur scolarité, Denise l’aînée est étudiante en pharmacie à Montpellier, Bernard et René intègrent le lycée Jean-Baptiste Dumas d’Alès et préparent leur baccalauréat. Avec l’arrivée des allemands en zone libre, la multiplication des rafles et l’activité intensifiée de la Milice dans la région alésienne, la famille Gugenheim se déplace à Florac en Lozère où elle séjourne successivement dans deux hôtels. Elle est arrêtée par la Gestapo le lundi 18 mai 1943[10]. L’hypothèse d’une dénonciation n’est pas à exclure. Seule Denise échappe à cette arrestation, la veille elle avait regagné Montpellier pour ses études. La famille est internée à Marseille jusqu’au 27 mai 1943[11], date de son transfert à Drancy. Gaston est affecté à la réparation de lits et de matelas tandis que son épouse est préposée au repassage à la blanchisserie du camp. Bernard et René sont membres du service de surveillance. Promiscuité, saleté, brimades, coups, maladies, fouilles, faim et angoisse terrible du départ sont leur lot quotidien. Passée de la catégorie C1 (« protégé ») à la catégorie B (déportable) le 13 novembre 1943, la famille Gugenheim quitte Drancy le 20 novembre 1943 par le convoi n°62[12] pour Auschwitz-Birkenau où elle arrive le 23 novembre. Gaston, Germaine et Marcel sont gazés ce même jour. Bernard et René échappent à la chambre à gaz. Bernard qui a reçu le matricule 164515 est affecté au camp de Monowitz[13]. A plusieurs reprises, entre le 23 janvier et le 27 avril 1944, il est admis à l’hôpital du camp. Il y est soigné par le docteur Serge Goltz. Ce dernier, pour financer ses études, avait travaillé avant la guerre comme « grouillot » pour Gaston. Il épousera en 1947 Denise, la sœur aînée de Bernard. Malade et épuisé par les conditions de travail effroyables du camp, Bernard est renvoyé à Auschwitz pour y être tué. Quant à René, en l’absence de documents officiels, seule l’hypothèse d’une même affectation que son frère Bernard peut être formulée dans la mesure où il a été également soigné par le docteur Serge Goltz. Leur date de décès n’est pas connue.

      Eric BERNARD


      [1] Témoignage de sa petite fille Nickie Golse-Caro

      [2] Témoignage de sa petite-fille Nickie Golse-Caro

      [3] LECUYER, Carole Christen, Les premières étudiantes de l’Université de Paris. In : Travail, genre et société 2000/2 (N°4), p. 35 à 50

      [4] LYCEE JANSON DE SAILLY, Mémorial des élèves juifs déportés de 1942 à 1944. Paris : Editions Glyphe 2020, p. 63-70.

      [5] De juin 1940 à la fin août 1944, le lycée est réquisitionné par les forces allemandes pour être transformé en caserne de troupes SS. Les élèves sont alors transférés au lycée Janson-de-Sailly

      [6] LYCEE JANSON DE SAILLY, Mémorial des élèves juifs déportés de 1942 à 1944. Op.cit., p. 63-70.

      [7] Lois du 3 octobre 1940 et du 2 juin 1941 portant statut des Juifs.

      [8] Loi de création du Commissariat général aux Questions juives du 29 mars 1941, la loi du 26 avril 1941 permettant le blocage de certains comptes bancaires et interdisant un certain nombre d’activités professionnelles et économiques dans le commerce, la banque, les transports, les assurances, les hôtels-restaurants, la publicité, les voyages, et tous les métiers du spectacle. Loi du 22 juillet 1941 « relative aux entreprises, biens et valeurs appartenant à des juifs » qui confie les entreprises tenues par des juifs à des administrateurs provisoires avant de les vendre.

      [9] Lors de l’inscription de son fils Bernard au lycée Janson de Sailly, il se déclare « ex-banquier en valeurs ».

      [10] A Florac selon le témoignage de Nickie Golse-Caro, à Alès d’après certains documents officiels (dossier Caen)

      [11] Probablement à la prison Saint-Pierre qui recevait les juifs et les résistants arrêtés.

      [12] Dans le Mémorial de la Déportation des Juifs de France, Serge Klarsfeld écrit à propos du convoi n°62 : « 634 hommes, 556 femmes et 10 indéterminés. 83 enfants de moins de 12 ans ; 164 de moins de 18 ans (…). A l’arrivée à Auschwitz, 241 hommes furent sélectionnés avec les matricules 164427 à 164667 ainsi que 45 femmes (Mles 69036 à 69080). 914 déportés furent gazés. En 1945 29 survivants dont 2 femmes ».

      [13] Un sous-camp d’Auschwitz (Auschwitz III) et à partir de novembre 1943 un camp de concentration auquel étaient subordonnés tous les sous-camps « industriels » du complexe d’Auschwitz.

      Sources :

      Témoignage de Nickie Golse-Caro, fille de Denise Gugenheim et petite-fille des époux Gugenheim.

      Service historique de la défense, département des fonds d’archives, division des archives des victimes des conflits contemporains. Site de Caen. Dossiers de la famille Gugenheim.

      Archives départementales de la Côte d’Or, registre des naissances 1886

      Archives départementales de la Côte-d’Or, fiche matriculaire n°1317 de Gaston Gugenheim. Période de 1900 à 1907 – 1906 – R 2445- Vue 421/1654

      Archives départementales du Gard : friches individuelles de recensement juif de la famille Gugenheim, 1 W 139

      International Tracing Services d’Arolsen, certificat d’incarcération de Bernard Gugenheim du 26 août 1966.

      Site internet Myheritage : https://www.myheritage.fr/research/collection-1/arbres-genealogiques-myheritage?itemId=533738401-1-500987&action=showRecord

      David DOUVETTE, La spoliation des juifs de France, dans le Monde Juif 1991, n°141, pages 44 à 54 sur le site :     https://www.cairn.info/revue-le-monde-juif-1991-1-page-44.htm

      Site internet du Mémorial de la Shoah

      Docteur Lucien SIMON, Les juifs à Nîmes dans le Gard durant la deuxième guerre mondiale de 1939 à 1944, Editions Lacour (deuxième édition), Nîmes 1987.

      LYCEE JANSON DE SAILLY, Mémorial des élèves juifs déportés de 1942 à 1944. Paris : Editions Glyphe 2020, p. 63-70.

       

      Vous avez un complément d’informations ? N’hésitez pas nous le faire savoir.