RECHERCHEZ
Roger GADILLE, de famille catholique, passe son enfance et son adolescence à Moulézan (Gard). Ses parents, Eugène et Marie Pauline Ode, sont commerçants. A la suite de l’obtention de son baccalauréat à Montpellier le 9 janvier 1912, section langues-mathématiques, Roger entre aux PTT en juin et réside à Lyon de janvier à mi-septembre 1913, date à laquelle il part faire son service militaire au Mont Valérien (Hauts-de-Seine). Lors de la Première Guerre Mondiale, il est mobilisé dans une unité du génie comme télégraphiste jusqu’en 1919. Après son succès à l’Ecole supérieure des Postes en 1924, il devient inspecteur des PTT. Il rencontre Jeanne-Marie Dero, qu’il épouse le 24 avril 1925 à Brest. De cette union naissent deux fils, Jacques en 1927 et Gilbert en 1929. Sa carrière professionnelle les amène à Dijon en 1927, puis à Niort en 1936, où Roger est promu directeur départemental des PTT dans les Deux-Sèvres. Mobilisé comme chef d’escadron de réserve en 1939, il est démobilisé en 1940. Il est titulaire de la Croix de guerre et chevalier dans l’Ordre de la Légion d’honneur. Ayant vécu la « grande guerre », il a du mal à coopérer avec les Allemands qui souhaitent stratégiquement intercepter le courrier et les colis[i].
Il est arrêté le 10 juin 1944 à Niort par la Gestapo. Son nom fait partie d’une liste de dix personnalités otages niortaises « Prominenten » (notabilités), parmi 366 personnalités surveillées depuis longtemps et arrêtées dans les jours qui suivent le débarquement en Normandie. « S’agissait-il d’éliminer les dirigeants et cadres potentiels d’une France progressivement libérée ? » [ii]. Incarcéré à Niort puis Compiègne, Roger est déporté au camp C de Neuengamme où il sera détenu jusqu’au 15 avril 1945.
Dans son journal de déportation, il décrit un vaste camp d’internement créé au début du régime nazi, destiné à son origine aux détenus politiques allemands et prisonniers de droit commun, dont « certains sont ici depuis 12 années »[iii]. Le statut de « Prominenten » des personnalités otages les dispense de travail extérieur, ils disposent du droit de réunion et d’une bibliothèque leur permettant une activité culturelle intense, ce qui porte Roger à une réflexion d’ensemble sur les hommes, sur les valeurs de la patrie, de la morale et de la religion. En échange de mie de pain, il obtient des feuilles pour rédiger son journal où il détaille ses conceptions.
L’exercice de la mémoire et des activités culturelles lui permet de mobiliser ses forces de résistance physique et morale. Il développe une affinité occitane avec un autre détenu, l’abbé Salvat, et coopère à l’établissement d’un lexique français-occitan, en se chargeant d’établir des corrélations avec le provençal et d’autres dialectes régionaux. Il ressent l’impression de bénéficier d’une sorte de régime de faveur qui lui donne même mauvaise conscience, faveur toute relative puisque ces déportés sont exposés aux mêmes rigueurs de la faim, du froid et des maladies que les autres. Roger perd 14 kg avant d’être rapatrié par la Croix-Rouge suédoise en mai 1945, après un passage par l’Europe de l’Est où la population tchèque suscite en lui une reconnaissance durable. En quittant le camp à cette date, il semble que lui et ses compagnons échappent de peu à une exécution. Il est rapatrié en avion arrive au Bourget le 18 mai 1945. Il retrouve son fils Jacques, alors pensionnaire au lycée Louis le Grand à Paris, puis le lendemain, sa femme et son fils Gilbert. Invalide de guerre à 100 %, Roger est nommé inspecteur général des PTT en juin 1945 et réside dans la région parisienne. Après son veuvage prématuré en 1953, il devient officier dans l’Ordre de la Légion d’honneur.
Il prend sa retraite le 1ernovembre 1959 et se consacre à la mémoire de la déportation avec la rédaction du bulletin de « La famille Ducancé » (ceux du Camp C de Compiègne), aux voyages et aux activités culturelles (cours à l’Ecole du Louvre), illustrant l’élargissement notoire de ses perspectives personnelles.
Il décède le 4 novembre 1984 à Lyon. Inhumé au cimetière d’Antony (Hauts-de-Seine), l’office religieux est célébré par un prêtre qui fut son compagnon de déportation, l’abbé Jean-Marie Graser.
Aude FRANCISCO
Aude Francisco[[i]Témoignage de Thierry Gadille, petit-fils de Roger
[ii]11-785, Patriote Résistant (mars 2005)
[iii]40 000 prisonniers périront à Neuengamme
Sources :
-Archives municipales de Lyon : Journal de déportation (1er juillet 1944 – 12 avril 1945), accompagné de la notice biographique de Roger Gadille, par son fils Jacques Gadille (professeur émérite d’histoire à l’Université de Lyon II)
-Entretien en 2023 avec Thierry Gadille, fils de Jacques et petit-fils de Roger.
Archives Caen
-Bulletin de « La Famille Ducancé » : https://fondationdeportation.files.wordpress.com/2015/02/mv_68.pdf
RECHERCHEZ
Roger GADILLE, de famille catholique, passe son enfance et son adolescence à Moulézan (Gard). Ses parents, Eugène et Marie Pauline Ode, sont commerçants. A la suite de l’obtention de son baccalauréat à Montpellier le 9 janvier 1912, section langues-mathématiques, Roger entre aux PTT en juin et réside à Lyon de janvier à mi-septembre 1913, date à laquelle il part faire son service militaire au Mont Valérien (Hauts-de-Seine). Lors de la Première Guerre Mondiale, il est mobilisé dans une unité du génie comme télégraphiste jusqu’en 1919. Après son succès à l’Ecole supérieure des Postes en 1924, il devient inspecteur des PTT. Il rencontre Jeanne-Marie Dero, qu’il épouse le 24 avril 1925 à Brest. De cette union naissent deux fils, Jacques en 1927 et Gilbert en 1929. Sa carrière professionnelle les amène à Dijon en 1927, puis à Niort en 1936, où Roger est promu directeur départemental des PTT dans les Deux-Sèvres. Mobilisé comme chef d’escadron de réserve en 1939, il est démobilisé en 1940. Il est titulaire de la Croix de guerre et chevalier dans l’Ordre de la Légion d’honneur. Ayant vécu la « grande guerre », il a du mal à coopérer avec les Allemands qui souhaitent stratégiquement intercepter le courrier et les colis[i].
Il est arrêté le 10 juin 1944 à Niort par la Gestapo. Son nom fait partie d’une liste de dix personnalités otages niortaises « Prominenten » (notabilités), parmi 366 personnalités surveillées depuis longtemps et arrêtées dans les jours qui suivent le débarquement en Normandie. « S’agissait-il d’éliminer les dirigeants et cadres potentiels d’une France progressivement libérée ? » [ii]. Incarcéré à Niort puis Compiègne, Roger est déporté au camp C de Neuengamme où il sera détenu jusqu’au 15 avril 1945.
Dans son journal de déportation, il décrit un vaste camp d’internement créé au début du régime nazi, destiné à son origine aux détenus politiques allemands et prisonniers de droit commun, dont « certains sont ici depuis 12 années »[iii]. Le statut de « Prominenten » des personnalités otages les dispense de travail extérieur, ils disposent du droit de réunion et d’une bibliothèque leur permettant une activité culturelle intense, ce qui porte Roger à une réflexion d’ensemble sur les hommes, sur les valeurs de la patrie, de la morale et de la religion. En échange de mie de pain, il obtient des feuilles pour rédiger son journal où il détaille ses conceptions.
L’exercice de la mémoire et des activités culturelles lui permet de mobiliser ses forces de résistance physique et morale. Il développe une affinité occitane avec un autre détenu, l’abbé Salvat, et coopère à l’établissement d’un lexique français-occitan, en se chargeant d’établir des corrélations avec le provençal et d’autres dialectes régionaux. Il ressent l’impression de bénéficier d’une sorte de régime de faveur qui lui donne même mauvaise conscience, faveur toute relative puisque ces déportés sont exposés aux mêmes rigueurs de la faim, du froid et des maladies que les autres. Roger perd 14 kg avant d’être rapatrié par la Croix-Rouge suédoise en mai 1945, après un passage par l’Europe de l’Est où la population tchèque suscite en lui une reconnaissance durable. En quittant le camp à cette date, il semble que lui et ses compagnons échappent de peu à une exécution. Il est rapatrié en avion arrive au Bourget le 18 mai 1945. Il retrouve son fils Jacques, alors pensionnaire au lycée Louis le Grand à Paris, puis le lendemain, sa femme et son fils Gilbert. Invalide de guerre à 100 %, Roger est nommé inspecteur général des PTT en juin 1945 et réside dans la région parisienne. Après son veuvage prématuré en 1953, il devient officier dans l’Ordre de la Légion d’honneur.
Il prend sa retraite le 1ernovembre 1959 et se consacre à la mémoire de la déportation avec la rédaction du bulletin de « La famille Ducancé » (ceux du Camp C de Compiègne), aux voyages et aux activités culturelles (cours à l’Ecole du Louvre), illustrant l’élargissement notoire de ses perspectives personnelles.
Il décède le 4 novembre 1984 à Lyon. Inhumé au cimetière d’Antony (Hauts-de-Seine), l’office religieux est célébré par un prêtre qui fut son compagnon de déportation, l’abbé Jean-Marie Graser.
Aude FRANCISCO
Aude Francisco[[i]Témoignage de Thierry Gadille, petit-fils de Roger
[ii]11-785, Patriote Résistant (mars 2005)
[iii]40 000 prisonniers périront à Neuengamme
Sources :
-Archives municipales de Lyon : Journal de déportation (1er juillet 1944 – 12 avril 1945), accompagné de la notice biographique de Roger Gadille, par son fils Jacques Gadille (professeur émérite d’histoire à l’Université de Lyon II)
-Entretien en 2023 avec Thierry Gadille, fils de Jacques et petit-fils de Roger.
Archives Caen
-Bulletin de « La Famille Ducancé » : https://fondationdeportation.files.wordpress.com/2015/02/mv_68.pdf