FRANCISCO Dario

  • 74279 Dachau

  • Né le 25 octobre 1902 à Manzanares el Real (Madrid – Espagne),

  • Décédé le 10 novembre 1997 à Nîmes

    Fils de Martin Francisco âgé de 35 ans, manœuvre et de Margarita Blasco âgée de 35 ans, il naît le 25 octobre 1902 à Manzanares el Real, village de la province de Madrid. Fils d’une famille nombreuse de 10 enfants, il travaille dès l’âge de dix ans pour aider sa famille ruinée par une épidémie bovine, comme vendeur de journaux, puis commis dans une épicerie de luxe de Madrid et se lance dans le commerce du café, lorsque éclate le coup d’état franquiste de 1936. Il épouse le 21 novembre 1937 à Valdemorillo (province Madrid) Presentacion Perez (née le 21 novembre 1914 à Valdemorillo, fille de Pedro Perez et de Francisca Acedos) et aura une fille Matilde, née le 6 septembre 1938 à l’Escorial qu’il n’aura quasiment pas le temps de connaitre, car il s’engage pour la République Espagnole dès le début du coup d’état franquiste et combat sur le secteur de Madrid, notamment sur le front de l’Ebro, où il sera nommé lieutenant et chef de la compagnie spéciale du 15èmecorps d’armée.

    Devant l’avancée des troupes franquistes et compte tenu de son engagement, il doit quitter l’Espagne en 1939 en laissant sa famille et rentre en France le 13 février 1939 lors de la Retirada par le Perthus. Il est interné sur la plage d’Argelès dans des conditions épouvantables (hiver glacial et venté, sans nourriture et enterré dans le sable de la plage pour ne pas mourir et dira plus tard que c’était presque pire que la déportation).

    Du 13 août 1939 au 15 septembre il est envoyé au camp du Barcarès et du 16 septembre 1939 au 15 juin 1940 au 48ème GTE[i] (Groupement de Travailleurs Etrangers) de Bourg en Bresse.

    Le 16 juin 1940, il est renvoyé au camp d’Argelès, et le 1er octobre affecté au 404ème GTE à Sète dans un dépôt de chevaux.

    A partir du 1er octobre 1941 au 5 mai 1944, il est envoyé aux travaux agricoles dans l’Hérault, puis aux mines de charbon et de phosphate de la Caunette (Hérault) dans le Minervois. C’est là qu’il rejoint le maquis des combattants espagnols dans l’Hérault en 1942, et participe à de nombreux sabotages, notamment sur les blockhaus construits dans le secteur d’Agde. Il y côtoie Christino Garcia, héros de la bataille de Madeleine (25 août 1944) et de l’attaque de la prison de Nîmes (février 1944), qui sera fusillé à son retour en Espagne, en 1946. Il passe commandant d’un bataillon de la 11ème brigade des FFI au titre de la M.O.I [ii] secteur de Clermont l’Hérault, le 1 janvier 1943. Il est blessé en service commandé à la tête et à la main le 5 mai 1944 et capturé en cours de transfert lors d’un parachutage à Nizas dans l’Aude le 11 mai 1944.  Il aura le temps de se débarrasser de son arme et plans de sabotage. Pris pour le chef du maquis de Cabrières, il est exposé au public à Pézenas, avant d’être emprisonné à la prison de St Nazaire et à la caserne Duguesclin à Béziers, ensuite à la villa des Rosiers, siège de la gestapo Montpellier où il est atrocement torturé par les nazis (supplice de la baignoire, doigts écrasés, dents cassées ..) mais ne parle pas ; il en gardera des séquelles toute sa vie. Il est envoyé à Compiègne sous le matricule 40034 et déporté au camp de Dachau (baraque19) par transport I.229 du 18 juin 1944 avec 2143 camarades. Il est affecté au Kommando d’Allach[iii], dans l’usine BMW construisant des moteurs d’avion, où il participe au sabotage de machines-outils usinant les pièces.

    Le 30 avril 1945 au matin, approximativement 10.000 prisonniers dont environ mille femmes sont libérés par la 42ème division Rainbow de la 7ème armée US. Compte tenu des maladies contagieuses au camp (notamment typhus), les américains décrètent une quarantaine et ce n’est que vers la fin du mois de mai que la plupart des prisonniers peuvent repartir chez eux. Dario Francisco en revient dans un état de mort vivant, après 9 ans de guerre et de privations et il est rapatrié le 30 mai par Mulhouse.

    Pris en charge et soigné à Montpellier, il est libre mais, comme tous les espagnols « apatrides » n’a pas de lieu où aller : ce seront encore quelques années difficiles. Il est envoyé en maison de repos à Mende, puis au centre de cures de Lamalou les Bains à l’Hôtel de France et enfin à « l’atelier école de œuvres sociales de la table ronde » qui lui permet d’obtenir une qualification de cordonnier et de s’installer à Marvejols puis Aumont-Aubrac en Lozère. Il sera ensuite tanneur et arracheur de gentiane dans le Jura pour le compte d’une entreprise Lozérienne. Sa santé ne lui permet plus de continuer dans cette voie et malade il doit partir en convalescence à Nîmes le 16 septembre 1951, avant de devenir maçon dans l’entreprise Portal et La Méridionale du Bâtiment jusqu’à ce qu’il soit obligé de s’arrêter du fait de sa santé et de son invalidité de guerre en 1970. Sa femme et sa fille pourront enfin le rejoindre en 1952, après 14 ans de séparation sans s’être revus depuis. Ils habiteront successivement 17 rue Fernand Pelloutier, rue Curaterie, rue de l’Aspic, 9 rue Rangueil, 48 rue Porte de France, 694 avenue Maréchal Juin et s’installeront en fin de vie à Caveirac (Gard). Il sera naturalisé français[iv] avec son épouse et sa fille Matilde le 18 juillet 1958 et ne remettra pas les pieds en Espagne du vivant de Franco. Particulièrement impliqué dans la déportation, il sera le porte-drapeau des déportés et résistants de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés Internés et Patriotes) du Gard pendant plus de 20 ans. Il aura deux autres enfants nés à Nîmes, Rose, née le 5 janvier 1953, et André, né le 8 juin 1954 auteur de cette biographie.

    Il est réhabilité en 1986 dans ses droits d’officier de la guerre d’Espagne, à l’occasion de la loi de mémoire historique, mise en place par le gouvernement socialiste espagnol.

    Il décède à Nîmes le 10 novembre 1997, à l’âge de 85 ans.

    André Francisco


    [i] GTE : Les groupements de travailleurs étrangers sont créés par la loi du 27 septembre 1940 sur « les étrangers en surnombre dans l’économie nationale ». Cette loi vise à exclure les étrangers des emplois et crée des camps d’internement où les étrangers sont obligés de travailler.

    Les GTE, succédant aux compagnies de travailleurs étrangers (CTE) créées par la Troisième République, sont placés sous l’autorité d’une sous-direction du Ministère de la production industrielle et du travail. Afin de rendre cette exclusion moins coûteuse, les internés sont fournis comme main-d’œuvre bon marché dans des travaux de gros œuvre : mines, grands travaux, agriculture et forestage.

    [ii] M.O.I : Les Francs-tireurs et partisans – main-d’œuvre immigrée (couramment appelés FTP-MOI ) sont les unités de la résistance intérieure française communiste fondées en avril 1942 pour conduire la guérilla urbaine en France contre l’occupant nazi. Les plus célèbres d’entre eux sont notamment les vingt-trois résistants étrangers du groupe Manouchian-Boczov-Rayman, incluant les dix de l’Affiche rouge dont sept étaient juifs. Formés par des cadres syndicaux des « groupes de langue » de la MOI,  à l’initiative de l’Internationale communiste, ils sont intégrés en mai 1943 aux Francs-Tireurs et Partisans (FTP), eux-mêmes fondés aussi en 1942, et officiellement « intégrés » à l’Armée française de la Libération. Les FTP-MOI compteront parmi les groupes de résistance les plus actifs et les plus déterminés, notamment parce qu’ils sont en tant qu’étrangers, communistes  et juifs pour beaucoup, directement visés par les lois et le statut des Juifs du régime de Vichy, qui ne leur laisse le choix que de la clandestinité ou de l’internement, suivi de la déportation.

    [iii] Le kommando d’Allach fut le plus grand camp extérieur de Dachau. Il fut construit pour l’usine de la SA BMW et avec sa participation. Il était relié à l’usine par un pont, jeté sur le ruisseau Sachwabenbächl détourné par BMW, un corridor de fils barbelé et par un pont de bois au-dessus de la Dachauerstrasse (route de Dachau). Les déportés étaient acheminés et harcelés vers leurs places de travail par ce corridor entouré de barbelés. Il était spécialisé dans la fabrication de moteurs d’avion pour les Junkers, avions de transport de voyageurs et avions militaires. En 1945, on y fabriqua des moteurs pour fusées.

    [iv] Naturalisation famille : décret 3742×58-30 du 18 juillet 1958 – JO du 3 août 1958

    Sources :

    Archives Arolsen
    Archives SHD Caen – dossier 21 P 608 502
    Archives famille FRANCISCO

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    FRANCISCO Dario

    • 74279 Dachau

    • Né le 25 octobre 1902 à Manzanares el Real (Madrid – Espagne),

    • Décédé le 10 novembre 1997 à Nîmes

      Fils de Martin Francisco âgé de 35 ans, manœuvre et de Margarita Blasco âgée de 35 ans, il naît le 25 octobre 1902 à Manzanares el Real, village de la province de Madrid. Fils d’une famille nombreuse de 10 enfants, il travaille dès l’âge de dix ans pour aider sa famille ruinée par une épidémie bovine, comme vendeur de journaux, puis commis dans une épicerie de luxe de Madrid et se lance dans le commerce du café, lorsque éclate le coup d’état franquiste de 1936. Il épouse le 21 novembre 1937 à Valdemorillo (province Madrid) Presentacion Perez (née le 21 novembre 1914 à Valdemorillo, fille de Pedro Perez et de Francisca Acedos) et aura une fille Matilde, née le 6 septembre 1938 à l’Escorial qu’il n’aura quasiment pas le temps de connaitre, car il s’engage pour la République Espagnole dès le début du coup d’état franquiste et combat sur le secteur de Madrid, notamment sur le front de l’Ebro, où il sera nommé lieutenant et chef de la compagnie spéciale du 15èmecorps d’armée.

      Devant l’avancée des troupes franquistes et compte tenu de son engagement, il doit quitter l’Espagne en 1939 en laissant sa famille et rentre en France le 13 février 1939 lors de la Retirada par le Perthus. Il est interné sur la plage d’Argelès dans des conditions épouvantables (hiver glacial et venté, sans nourriture et enterré dans le sable de la plage pour ne pas mourir et dira plus tard que c’était presque pire que la déportation).

      Du 13 août 1939 au 15 septembre il est envoyé au camp du Barcarès et du 16 septembre 1939 au 15 juin 1940 au 48ème GTE[i] (Groupement de Travailleurs Etrangers) de Bourg en Bresse.

      Le 16 juin 1940, il est renvoyé au camp d’Argelès, et le 1er octobre affecté au 404ème GTE à Sète dans un dépôt de chevaux.

      A partir du 1er octobre 1941 au 5 mai 1944, il est envoyé aux travaux agricoles dans l’Hérault, puis aux mines de charbon et de phosphate de la Caunette (Hérault) dans le Minervois. C’est là qu’il rejoint le maquis des combattants espagnols dans l’Hérault en 1942, et participe à de nombreux sabotages, notamment sur les blockhaus construits dans le secteur d’Agde. Il y côtoie Christino Garcia, héros de la bataille de Madeleine (25 août 1944) et de l’attaque de la prison de Nîmes (février 1944), qui sera fusillé à son retour en Espagne, en 1946. Il passe commandant d’un bataillon de la 11ème brigade des FFI au titre de la M.O.I [ii] secteur de Clermont l’Hérault, le 1 janvier 1943. Il est blessé en service commandé à la tête et à la main le 5 mai 1944 et capturé en cours de transfert lors d’un parachutage à Nizas dans l’Aude le 11 mai 1944.  Il aura le temps de se débarrasser de son arme et plans de sabotage. Pris pour le chef du maquis de Cabrières, il est exposé au public à Pézenas, avant d’être emprisonné à la prison de St Nazaire et à la caserne Duguesclin à Béziers, ensuite à la villa des Rosiers, siège de la gestapo Montpellier où il est atrocement torturé par les nazis (supplice de la baignoire, doigts écrasés, dents cassées ..) mais ne parle pas ; il en gardera des séquelles toute sa vie. Il est envoyé à Compiègne sous le matricule 40034 et déporté au camp de Dachau (baraque19) par transport I.229 du 18 juin 1944 avec 2143 camarades. Il est affecté au Kommando d’Allach[iii], dans l’usine BMW construisant des moteurs d’avion, où il participe au sabotage de machines-outils usinant les pièces.

      Le 30 avril 1945 au matin, approximativement 10.000 prisonniers dont environ mille femmes sont libérés par la 42ème division Rainbow de la 7ème armée US. Compte tenu des maladies contagieuses au camp (notamment typhus), les américains décrètent une quarantaine et ce n’est que vers la fin du mois de mai que la plupart des prisonniers peuvent repartir chez eux. Dario Francisco en revient dans un état de mort vivant, après 9 ans de guerre et de privations et il est rapatrié le 30 mai par Mulhouse.

      Pris en charge et soigné à Montpellier, il est libre mais, comme tous les espagnols « apatrides » n’a pas de lieu où aller : ce seront encore quelques années difficiles. Il est envoyé en maison de repos à Mende, puis au centre de cures de Lamalou les Bains à l’Hôtel de France et enfin à « l’atelier école de œuvres sociales de la table ronde » qui lui permet d’obtenir une qualification de cordonnier et de s’installer à Marvejols puis Aumont-Aubrac en Lozère. Il sera ensuite tanneur et arracheur de gentiane dans le Jura pour le compte d’une entreprise Lozérienne. Sa santé ne lui permet plus de continuer dans cette voie et malade il doit partir en convalescence à Nîmes le 16 septembre 1951, avant de devenir maçon dans l’entreprise Portal et La Méridionale du Bâtiment jusqu’à ce qu’il soit obligé de s’arrêter du fait de sa santé et de son invalidité de guerre en 1970. Sa femme et sa fille pourront enfin le rejoindre en 1952, après 14 ans de séparation sans s’être revus depuis. Ils habiteront successivement 17 rue Fernand Pelloutier, rue Curaterie, rue de l’Aspic, 9 rue Rangueil, 48 rue Porte de France, 694 avenue Maréchal Juin et s’installeront en fin de vie à Caveirac (Gard). Il sera naturalisé français[iv] avec son épouse et sa fille Matilde le 18 juillet 1958 et ne remettra pas les pieds en Espagne du vivant de Franco. Particulièrement impliqué dans la déportation, il sera le porte-drapeau des déportés et résistants de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés Internés et Patriotes) du Gard pendant plus de 20 ans. Il aura deux autres enfants nés à Nîmes, Rose, née le 5 janvier 1953, et André, né le 8 juin 1954 auteur de cette biographie.

      Il est réhabilité en 1986 dans ses droits d’officier de la guerre d’Espagne, à l’occasion de la loi de mémoire historique, mise en place par le gouvernement socialiste espagnol.

      Il décède à Nîmes le 10 novembre 1997, à l’âge de 85 ans.

      André Francisco


      [i] GTE : Les groupements de travailleurs étrangers sont créés par la loi du 27 septembre 1940 sur « les étrangers en surnombre dans l’économie nationale ». Cette loi vise à exclure les étrangers des emplois et crée des camps d’internement où les étrangers sont obligés de travailler.

      Les GTE, succédant aux compagnies de travailleurs étrangers (CTE) créées par la Troisième République, sont placés sous l’autorité d’une sous-direction du Ministère de la production industrielle et du travail. Afin de rendre cette exclusion moins coûteuse, les internés sont fournis comme main-d’œuvre bon marché dans des travaux de gros œuvre : mines, grands travaux, agriculture et forestage.

      [ii] M.O.I : Les Francs-tireurs et partisans – main-d’œuvre immigrée (couramment appelés FTP-MOI ) sont les unités de la résistance intérieure française communiste fondées en avril 1942 pour conduire la guérilla urbaine en France contre l’occupant nazi. Les plus célèbres d’entre eux sont notamment les vingt-trois résistants étrangers du groupe Manouchian-Boczov-Rayman, incluant les dix de l’Affiche rouge dont sept étaient juifs. Formés par des cadres syndicaux des « groupes de langue » de la MOI,  à l’initiative de l’Internationale communiste, ils sont intégrés en mai 1943 aux Francs-Tireurs et Partisans (FTP), eux-mêmes fondés aussi en 1942, et officiellement « intégrés » à l’Armée française de la Libération. Les FTP-MOI compteront parmi les groupes de résistance les plus actifs et les plus déterminés, notamment parce qu’ils sont en tant qu’étrangers, communistes  et juifs pour beaucoup, directement visés par les lois et le statut des Juifs du régime de Vichy, qui ne leur laisse le choix que de la clandestinité ou de l’internement, suivi de la déportation.

      [iii] Le kommando d’Allach fut le plus grand camp extérieur de Dachau. Il fut construit pour l’usine de la SA BMW et avec sa participation. Il était relié à l’usine par un pont, jeté sur le ruisseau Sachwabenbächl détourné par BMW, un corridor de fils barbelé et par un pont de bois au-dessus de la Dachauerstrasse (route de Dachau). Les déportés étaient acheminés et harcelés vers leurs places de travail par ce corridor entouré de barbelés. Il était spécialisé dans la fabrication de moteurs d’avion pour les Junkers, avions de transport de voyageurs et avions militaires. En 1945, on y fabriqua des moteurs pour fusées.

      [iv] Naturalisation famille : décret 3742×58-30 du 18 juillet 1958 – JO du 3 août 1958

      Sources :

      Archives Arolsen
      Archives SHD Caen – dossier 21 P 608 502
      Archives famille FRANCISCO

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