RECHERCHEZ
Il nait au sein de la communauté juive de Vienne le 6 avril 1896. Otto Eisenhammer migre en France avec son fils Ervin au cours de l’année 1940. Il est successivement affecté aux 304ème GTE de Langlade et au 805ème GTE de Beaucaire. Interné au camp des Mille en août 1942, il est déporté le 7 septembre 1942 par le convoi n°29 en direction d’Auschwitz. Le lieu et la date de son décès ne sont pas connus.
Fils de Salomon Sigmund Eisenhammer, marchand de meubles, et de Johanna Hollitsher, Otto Eisenhammer naît le six août 1896 au sein de la très importante communauté juive de Vienne. Aîné d’une fratrie de quatre enfants, il passe une partie de son enfance et son adolescence à Vienne. Le 17 juillet 1921 il épouse dans la capitale autrichienne Joséphine Salomon. Treize mois plus tard, le 18 août 1922, ils deviennent parents d’un petit garçon prénommé Ervin. Après la première guerre mondiale l’Autriche connaît une montée de l’antisémitisme qui devient dans les années 1930 de plus en plus virulent. Est-ce pour cette raison qu’en 1934 Otto et sa femme se convertissent au catholicisme ? Ont-ils voulu s’assurer ainsi une protection ? Après s’être fait baptiser le 20 mars 1934 les deux époux se remarient le lendemain dans une paroisse catholique de Vienne. A la suite de l’Anschluss[1] avec l’Allemagne le 12 mars 1938, les mesures et les actes de violence antisémites explosent : humiliations publiques, pillages, expropriations avec aryanisations des biens juifs, expulsions. Comme tous les juifs d’Autriche, Otto se voit privé de tous ses droits dont celui de travailler et ainsi de disposer de ressources pour subvenir aux besoins de sa famille. Poussé à quitter le pays, Otto s’inscrit auprès du département de l’émigration de la « Vienna Israelitische Kultusgemeinde (IKG)[2] » contrôlé par le capitaine SS Adolf Eichmann[3] lui-même. Le 27 juillet 1939 il dépose une demande d’émigration pour l’Afrique du Sud avec le projet d’y rejoindre avec les siens son oncle paternel Julius Eisenhammer, fermier dans le Transval. Comme chaque chef de ménage candidat au départ, il doit répondre à un questionnaire dans lequel il précise qu’il est maçon au chômage, qu’il ne dispose d’aucune ressource pour émigrer et qu’il possède un passeport en cours de validité. Aucune suite ne sera donnée à cette demande d’émigration. Parallèlement toujours en juillet 1939 Otto procède à une demande d’émigration pour l’Italie avec pour projet de s’installer avec sa famille à Milan. Il semble que cette demande soit également restée sans suite. Son frère Félix et sa sœur Olga auront plus de chance puisqu’ils parviendront à émigrer aux Etats-Unis. A une date indéterminée, Otto et les siens parviennent à quitter Vienne pour la France. Leur parcours jusqu’à leur arrivée dans le Gard en octobre 1940 s’avère également non connu. Etrangers considérés par le gouvernement de Vichy comme « indésirables » et en « surnombre dans l’économie nationale », Otto et son fils sont internés comme « prestataires » au 304ème Groupement des travailleurs Etrangers[4] (GTE) de Langlade, commune située près de Nîmes. A une date inconnue, Otto et son fils sont tous les deux transférés au 805ème GTE de Beaucaire où ils ont la permission du commandant de travailler à l’extérieur[5] avec en contrepartie l’obligation de lui reverser la somme de 14 francs par jour et la possibilité de vivre avec leur épouse et mère[6]. C’est à Masmolène, petit village près d’Uzès, qu’Otto et Ervin occupent leur dernier emploi, à savoir celui de bûcheron. En août 1942, à quelques jours d’intervalle, ils reçoivent tous les deux un télégramme les enjoignant de revenir immédiatement au GTE de Beaucaire au motif qu’un autre travail les attend. Il n’en est rien puisqu’ils sont pris dès leur retour dans les filets des rafles[7] des juifs étrangers des GTE débutées dans le Gard en août 1942. Arrêtés, ils sont envoyés au camp d’internement des Milles, devenu une véritable antichambre de la déportation. Ils en repartent séparément pour le camp de Drancy, probablement le 25 août pour Ervin et le 30 ou 31 août pour Otto[8]. Quand ce dernier arrive à Drancy le 3 septembre, son fils est déjà parti pour Auschwitz par le convoi n°25 du 28 août 1942. Ce dernier fait l’objet d’une double sélection : la première a lieu à la gare de Cosel[9] où les Allemands font descendre les hommes valides pour les diriger vers des camps de travaux forcés rattachés à Auschwitz, et la deuxième lors de l’arrivée à Auschwitz. Il en est de même pour le convoi n°29[10] avec lequel Otto part de Drancy le 7 septembre 1942. Le sort réservé à Otto et à son fils n’est pas connu. Ont-ils été sélectionnés pour les travaux forcés à la gare de Cosel ou lors de leur arrivée à Auschwitz ? Dans ce second cas, ont-ils été laissés en vie et affectés à des kommandos de travail ou ont-ils été immédiatement gazées ? Les dates et lieux de leur décès sont indéterminés.
Eric BERNARD
[1] L’annexion de l’Autriche à l’Allemagne nazie
[2] Instance représentative de la communauté Israélite de Vienne, temporairement fermée en mars 1938 et rouverte le 2 mai 1938, elle devint un véritable organe d’obéissance au pouvoir nazi en place. Dépendant de son service social, il est créé une centrale de l’émigration chargée d’organiser l’émigration forcée voulue par Eichmann.
[3] Dans le cadre de sa politique d’émigration forcée, il a notamment le projet d’expulser entre le 1e mai 1938 et le 1e mai 1939 les 200 000 juifs d’Autriche privés de ressources.
[4] Loi du 27 septembre 1940 qui vise à exclure les étrangers des emplois disponibles sur le marché du travail français et crée les GTE, camps d’internement, où les étrangers masculins âgés de 18 à 55 ans sont obligés de travailler, notamment dans l’agriculture, l’industrie, la voirie ou l’exploitation forestière. Les GTE deviendront de véritables « réservoirs humains » pour les convois de déportation.
[5] Cette disposition permettait un rapprochement familial.
[6] Est-ce dans les alentours de Masmolène que Joséfine Eisenhammer résidait durant la guerre ? Elle échappera à la déportation et rentrera par la suite à Vienne.
[7] Rafles menées par les gendarmes français.
[8] D’après un courrier de Joséfine Eisenhammer adressé le 27 décembre 1947 au Ministère des Anciens Combattants.
[9] Localité située en Haute Silésie à environ 100 kilomètres à l’ouest d’Auschwitz. Dans la période allant du 28 août 1942 au 10 décembre 1942, tous les convois avec à bord des déportés juifs sur le chemin d’Auschwitz se sont arrêtés à Cosel.
[10] Convoi de 893 déportés dont 104 Autrichien et 488 provenant du camp des Milles
Sources :
- Service historique de la défense, département des fonds d’archives, division des archives des victimes des conflits contemporains, site de Caen. Dossier d’Otto Eisenhammer, cote AC 21 P 447 169
- Archives départementales du Gard : fiches individuelles de recensement juif d’Otto et Ervin Eisenhammer, cote 1 W 139
- Registre de l’état civil juif de Vienne de 1835 à 1938
- Site internet du Mémorial de la Shoah
- Site Internet de l’institut international pour la mémoire de la shoah Yad Vashem : https://deportation.yadvashem.org
- Site internet de TracesOfWar (site néerlandais d’informations sur la seconde guerre mondiale) : https://www.tracesofwar.com/sights/100746/Memorial-Cosel-Trans
- Site de généalogie MyHeritage : https://www.myheritage.fr
- Archives des demandes d’émigration juive de Vienne pour 1938-1939
- Mencherini, Robert. « De la galaxie des Milles aux rafles de juifs en Provence ». Provence-Auschwitz, édité par Robert Mencherini, Presses universitaires de Provence, 2007, https://doi.org/10.4000/books.pup.6865.
RECHERCHEZ
Il nait au sein de la communauté juive de Vienne le 6 avril 1896. Otto Eisenhammer migre en France avec son fils Ervin au cours de l’année 1940. Il est successivement affecté aux 304ème GTE de Langlade et au 805ème GTE de Beaucaire. Interné au camp des Mille en août 1942, il est déporté le 7 septembre 1942 par le convoi n°29 en direction d’Auschwitz. Le lieu et la date de son décès ne sont pas connus.
Fils de Salomon Sigmund Eisenhammer, marchand de meubles, et de Johanna Hollitsher, Otto Eisenhammer naît le six août 1896 au sein de la très importante communauté juive de Vienne. Aîné d’une fratrie de quatre enfants, il passe une partie de son enfance et son adolescence à Vienne. Le 17 juillet 1921 il épouse dans la capitale autrichienne Joséphine Salomon. Treize mois plus tard, le 18 août 1922, ils deviennent parents d’un petit garçon prénommé Ervin. Après la première guerre mondiale l’Autriche connaît une montée de l’antisémitisme qui devient dans les années 1930 de plus en plus virulent. Est-ce pour cette raison qu’en 1934 Otto et sa femme se convertissent au catholicisme ? Ont-ils voulu s’assurer ainsi une protection ? Après s’être fait baptiser le 20 mars 1934 les deux époux se remarient le lendemain dans une paroisse catholique de Vienne. A la suite de l’Anschluss[1] avec l’Allemagne le 12 mars 1938, les mesures et les actes de violence antisémites explosent : humiliations publiques, pillages, expropriations avec aryanisations des biens juifs, expulsions. Comme tous les juifs d’Autriche, Otto se voit privé de tous ses droits dont celui de travailler et ainsi de disposer de ressources pour subvenir aux besoins de sa famille. Poussé à quitter le pays, Otto s’inscrit auprès du département de l’émigration de la « Vienna Israelitische Kultusgemeinde (IKG)[2] » contrôlé par le capitaine SS Adolf Eichmann[3] lui-même. Le 27 juillet 1939 il dépose une demande d’émigration pour l’Afrique du Sud avec le projet d’y rejoindre avec les siens son oncle paternel Julius Eisenhammer, fermier dans le Transval. Comme chaque chef de ménage candidat au départ, il doit répondre à un questionnaire dans lequel il précise qu’il est maçon au chômage, qu’il ne dispose d’aucune ressource pour émigrer et qu’il possède un passeport en cours de validité. Aucune suite ne sera donnée à cette demande d’émigration. Parallèlement toujours en juillet 1939 Otto procède à une demande d’émigration pour l’Italie avec pour projet de s’installer avec sa famille à Milan. Il semble que cette demande soit également restée sans suite. Son frère Félix et sa sœur Olga auront plus de chance puisqu’ils parviendront à émigrer aux Etats-Unis. A une date indéterminée, Otto et les siens parviennent à quitter Vienne pour la France. Leur parcours jusqu’à leur arrivée dans le Gard en octobre 1940 s’avère également non connu. Etrangers considérés par le gouvernement de Vichy comme « indésirables » et en « surnombre dans l’économie nationale », Otto et son fils sont internés comme « prestataires » au 304ème Groupement des travailleurs Etrangers[4] (GTE) de Langlade, commune située près de Nîmes. A une date inconnue, Otto et son fils sont tous les deux transférés au 805ème GTE de Beaucaire où ils ont la permission du commandant de travailler à l’extérieur[5] avec en contrepartie l’obligation de lui reverser la somme de 14 francs par jour et la possibilité de vivre avec leur épouse et mère[6]. C’est à Masmolène, petit village près d’Uzès, qu’Otto et Ervin occupent leur dernier emploi, à savoir celui de bûcheron. En août 1942, à quelques jours d’intervalle, ils reçoivent tous les deux un télégramme les enjoignant de revenir immédiatement au GTE de Beaucaire au motif qu’un autre travail les attend. Il n’en est rien puisqu’ils sont pris dès leur retour dans les filets des rafles[7] des juifs étrangers des GTE débutées dans le Gard en août 1942. Arrêtés, ils sont envoyés au camp d’internement des Milles, devenu une véritable antichambre de la déportation. Ils en repartent séparément pour le camp de Drancy, probablement le 25 août pour Ervin et le 30 ou 31 août pour Otto[8]. Quand ce dernier arrive à Drancy le 3 septembre, son fils est déjà parti pour Auschwitz par le convoi n°25 du 28 août 1942. Ce dernier fait l’objet d’une double sélection : la première a lieu à la gare de Cosel[9] où les Allemands font descendre les hommes valides pour les diriger vers des camps de travaux forcés rattachés à Auschwitz, et la deuxième lors de l’arrivée à Auschwitz. Il en est de même pour le convoi n°29[10] avec lequel Otto part de Drancy le 7 septembre 1942. Le sort réservé à Otto et à son fils n’est pas connu. Ont-ils été sélectionnés pour les travaux forcés à la gare de Cosel ou lors de leur arrivée à Auschwitz ? Dans ce second cas, ont-ils été laissés en vie et affectés à des kommandos de travail ou ont-ils été immédiatement gazées ? Les dates et lieux de leur décès sont indéterminés.
Eric BERNARD
[1] L’annexion de l’Autriche à l’Allemagne nazie
[2] Instance représentative de la communauté Israélite de Vienne, temporairement fermée en mars 1938 et rouverte le 2 mai 1938, elle devint un véritable organe d’obéissance au pouvoir nazi en place. Dépendant de son service social, il est créé une centrale de l’émigration chargée d’organiser l’émigration forcée voulue par Eichmann.
[3] Dans le cadre de sa politique d’émigration forcée, il a notamment le projet d’expulser entre le 1e mai 1938 et le 1e mai 1939 les 200 000 juifs d’Autriche privés de ressources.
[4] Loi du 27 septembre 1940 qui vise à exclure les étrangers des emplois disponibles sur le marché du travail français et crée les GTE, camps d’internement, où les étrangers masculins âgés de 18 à 55 ans sont obligés de travailler, notamment dans l’agriculture, l’industrie, la voirie ou l’exploitation forestière. Les GTE deviendront de véritables « réservoirs humains » pour les convois de déportation.
[5] Cette disposition permettait un rapprochement familial.
[6] Est-ce dans les alentours de Masmolène que Joséfine Eisenhammer résidait durant la guerre ? Elle échappera à la déportation et rentrera par la suite à Vienne.
[7] Rafles menées par les gendarmes français.
[8] D’après un courrier de Joséfine Eisenhammer adressé le 27 décembre 1947 au Ministère des Anciens Combattants.
[9] Localité située en Haute Silésie à environ 100 kilomètres à l’ouest d’Auschwitz. Dans la période allant du 28 août 1942 au 10 décembre 1942, tous les convois avec à bord des déportés juifs sur le chemin d’Auschwitz se sont arrêtés à Cosel.
[10] Convoi de 893 déportés dont 104 Autrichien et 488 provenant du camp des Milles
Sources :
- Service historique de la défense, département des fonds d’archives, division des archives des victimes des conflits contemporains, site de Caen. Dossier d’Otto Eisenhammer, cote AC 21 P 447 169
- Archives départementales du Gard : fiches individuelles de recensement juif d’Otto et Ervin Eisenhammer, cote 1 W 139
- Registre de l’état civil juif de Vienne de 1835 à 1938
- Site internet du Mémorial de la Shoah
- Site Internet de l’institut international pour la mémoire de la shoah Yad Vashem : https://deportation.yadvashem.org
- Site internet de TracesOfWar (site néerlandais d’informations sur la seconde guerre mondiale) : https://www.tracesofwar.com/sights/100746/Memorial-Cosel-Trans
- Site de généalogie MyHeritage : https://www.myheritage.fr
- Archives des demandes d’émigration juive de Vienne pour 1938-1939
- Mencherini, Robert. « De la galaxie des Milles aux rafles de juifs en Provence ». Provence-Auschwitz, édité par Robert Mencherini, Presses universitaires de Provence, 2007, https://doi.org/10.4000/books.pup.6865.




