RECHERCHEZ
Quand Siegfried Mendel naît le 17 janvier 1907 à Orbroich, commune de Kempen-Saint-Hubert en Rhénanie du Nord-Westphalie, près de Dusseldorf (Allemagne), son père Alexandre a 45 ans et sa mère, Lisette, née Lambertz en a 44. Les parents sont de confession juive et Alexandre est un vendeur de bétail bien connu à Kempen, la famille vivant à proximité de la ville, dans le village de Saint-Hubert, 39 Hindenburgstrasse.
Siegfried est le dernier enfant du couple, il vient après la naissance de Wilhelmine, née en août 1891, celle d’Andreas en juillet 1892 et celle de Maximilien, dit Max, en février 1894. Leur mère Lisette meurt en 1913 à 50 ans, et leur père Alex, en 1927 a 65 ans, après avoir largement mis le pied à l’étrier aux aînés dans la gestion de son commerce de bétail plutôt florissant.
Après la fin de la première guerre où il a été blessé, Max crée sa propre entreprise de bétail dans le village et la développe avec succès. Siegfried, après avoir repris l’affaire de son père, s’installe à Aldekerk en 1931 pour ne pas concurrencer son frère. Il travaille alors dans une usine de produits carnés Kleibongartz.
Il y rencontre sa future femme, une jeune catholique, Paula Köhnen. Celle-ci et sa sœur, Maria-Franziska qui épouse Max en 1934, sont victimes des nationaux socialistes maintenant au pouvoir : elles subissent de dégradantes humiliations publiques pour leur fréquentation d’hommes juifs. Bientôt, Siegfried est renvoyé de l’usine pour motif racial. Il s’installe chez sa sœur Wilhelmine, célibataire, qui n’a pas quitté le domicile familial depuis la mort de leur père. En janvier 1936, il s’enregistre à nouveau comme vendeur de bétail, mais en novembre 1937, il abandonne son entreprise car personne ne lui achète plus rien ; d’ailleurs tout commerce pour un juif est totalement interdit dans le district en octobre 1938.
En 1939, Siegfried, âgé de 32 ans, sans enfants et sans travail, décide de quitter la région. Sa sœur Wilhelmine emprunte les 3.000 Reichmarks nécessaires à son émigration. Il se rend à Elen en Belgique, probablement seul, et se débrouille pour subsister. Le répit est de courte durée car, comme de nombreux réfugiés juifs venus d’Allemagne et considérés comme potentiellement favorables à l’ennemi, il est arrêté par les autorités belges, puis expulsé vers la France le 10 mai 1940.
Après être passé par le camp du Vigeant (Vienne), il est envoyé dans celui de Saint-Cyprien (Pyrénées Orientales). Suite aux inondations qui dévastent les lieux en octobre 1940 il est transféré ailleurs, peut-être au camp d’Argelès-sur-Mer, à quelques kilomètres plus au sud. Il est ensuite affecté au 805ème Groupe de Travailleurs Etrangers (GTE) de La Grand-Combe, dans le Gard, tout comme un autre expulsé de Belgique, Jacob Agatstein (matricule 176531). En 1942, on trouve sa trace 15 rue Saint-Castor, à Nîmes. Selon toute vraisemblance, il est arrêté en août 1942, lors des premières rafles menées à Nîmes, visant spécifiquement les juifs réfugiés originaires d’Allemagne, d’Autriche ou d’Europe de l’Est.
Il est envoyé au camp des Milles (Bouches-du-Rhône), et de là, il part pour Drancy. Le 7 septembre 1942, il est déporté à Auschwitz par le convoi 29. À partir de cette date, on ne trouve plus de documents le concernant. La date officielle de sa mort est fixée au 31 décembre 1943.
Son frère Max, après avoir vu son entreprise et ses derniers biens spoliés, se retrouve sans revenus, alors qu’il doit payer ses impôts et nourrir sa famille. Courageusement, il fait face, et malgré son handicap (blessure de guerre à la main), il se fait embaucher dans une usine de sacs en papier pour un salaire ridiculement bas. Une de ses tantes, Rosalie Mendel, le soutient financièrement. Bientôt la vie de Max ne tient plus qu’à un fil, menacé, il se cache, finit par être arrêté en novembre 1942 puis retenu à la prison d’Anrath (Rhénanie-du-Nord-Westphalie). Le 4 janvier 1943, sa femme lui rend une dernière visite pour lui annoncer la naissance de leur dernier enfant, Walter. Le 6 février, Max est déporté à Auschwitz où il meurt le 16 avril 1943 à l’âge de 49 ans.
De son côté, sa sœur Wilhelmine est victime en novembre 1938 des déchaînements de violences antisémites. La demeure familiale des Mendel est pillée par les S.A. et Wilhelmine qui ne peut plus rester chez elle, est contrainte de vendre la propriété à bas prix, ce qui fait l’affaire de la société publique chargée de l’aryanisation des biens juifs de Rhénanie. Malade, elle est admise à l’hôpital, mais ses soins ne sont pas pris en charge. Elle se réfugie alors chez un fermier où elle apprend qu’elle va être déportée en décembre 1941. Effectivement, via Düsseldorf, elle est conduite jusqu’au ghetto de Riga, en Lettonie, où elle meurt en mars 1942.
Elle n’est pas la seule Mendel à mourir là-bas. Andreas, son frère y est déporté aussi et, malade, il est abattu par les SS en janvier 1942. Sa femme, Paula Weinberg, lui survit mais elle mourra du typhus en 1945 au camp de Stutthoff (Pologne) où elle est ensuite déportée. Kurt, leur fils, arrivé dans le ghetto de Riga au printemps 1945, survivra (il décèdera en 2007). Leur fille, Liselotte, elle, convoyée aux Pays-Bas avec d’autres enfants en 1939, est dénoncée et meurt à Auschwitz en 1943.
On ne sait pas ce qu’est devenue l’épouse de Siegfried, Paula Köhnen ; n’étant pas juive, il est probable qu’elle ait survécu au nazisme.
Marie Balta, Gérard Krebs
Sources :
- Dossier Caen : 40 R 1422. Dossier Croix Rouge. Arolsen, certificat d’incarcération.
Yad Vashem : avec photo.
Plaque commémorative au nom de Siegfried Mendel, apposée à Kempen (Stolpersteine-Kempen).
Biographies de Siegfried, Maximilien et Wilhelmine extraites du livre de Hans Kaiser : La Campine sous la Croix gammée, une ville du Bas-Rhin sous le national-socialisme. Chez B.O.S.S. Impression et Medias. Goch 2013 et 2015.
Site Geni.com. consulté pour Alex Mendel, Lisette Mendel née Lambertz, les parents de Siegfried, Andreas Mendel , son frère et Paula Weinberg, son épouse, ainsi que leurs enfants Kurt et Liselotte Mendel.
Archives Départementales des Pyrénées Orientales (internement à St Cyprien)
Photo : site https://beeldbank.kazernedossin.eu/ (droits à demander)
RECHERCHEZ
Quand Siegfried Mendel naît le 17 janvier 1907 à Orbroich, commune de Kempen-Saint-Hubert en Rhénanie du Nord-Westphalie, près de Dusseldorf (Allemagne), son père Alexandre a 45 ans et sa mère, Lisette, née Lambertz en a 44. Les parents sont de confession juive et Alexandre est un vendeur de bétail bien connu à Kempen, la famille vivant à proximité de la ville, dans le village de Saint-Hubert, 39 Hindenburgstrasse.
Siegfried est le dernier enfant du couple, il vient après la naissance de Wilhelmine, née en août 1891, celle d’Andreas en juillet 1892 et celle de Maximilien, dit Max, en février 1894. Leur mère Lisette meurt en 1913 à 50 ans, et leur père Alex, en 1927 a 65 ans, après avoir largement mis le pied à l’étrier aux aînés dans la gestion de son commerce de bétail plutôt florissant.
Après la fin de la première guerre où il a été blessé, Max crée sa propre entreprise de bétail dans le village et la développe avec succès. Siegfried, après avoir repris l’affaire de son père, s’installe à Aldekerk en 1931 pour ne pas concurrencer son frère. Il travaille alors dans une usine de produits carnés Kleibongartz.
Il y rencontre sa future femme, une jeune catholique, Paula Köhnen. Celle-ci et sa sœur, Maria-Franziska qui épouse Max en 1934, sont victimes des nationaux socialistes maintenant au pouvoir : elles subissent de dégradantes humiliations publiques pour leur fréquentation d’hommes juifs. Bientôt, Siegfried est renvoyé de l’usine pour motif racial. Il s’installe chez sa sœur Wilhelmine, célibataire, qui n’a pas quitté le domicile familial depuis la mort de leur père. En janvier 1936, il s’enregistre à nouveau comme vendeur de bétail, mais en novembre 1937, il abandonne son entreprise car personne ne lui achète plus rien ; d’ailleurs tout commerce pour un juif est totalement interdit dans le district en octobre 1938.
En 1939, Siegfried, âgé de 32 ans, sans enfants et sans travail, décide de quitter la région. Sa sœur Wilhelmine emprunte les 3.000 Reichmarks nécessaires à son émigration. Il se rend à Elen en Belgique, probablement seul, et se débrouille pour subsister. Le répit est de courte durée car, comme de nombreux réfugiés juifs venus d’Allemagne et considérés comme potentiellement favorables à l’ennemi, il est arrêté par les autorités belges, puis expulsé vers la France le 10 mai 1940.
Après être passé par le camp du Vigeant (Vienne), il est envoyé dans celui de Saint-Cyprien (Pyrénées Orientales). Suite aux inondations qui dévastent les lieux en octobre 1940 il est transféré ailleurs, peut-être au camp d’Argelès-sur-Mer, à quelques kilomètres plus au sud. Il est ensuite affecté au 805ème Groupe de Travailleurs Etrangers (GTE) de La Grand-Combe, dans le Gard, tout comme un autre expulsé de Belgique, Jacob Agatstein (matricule 176531). En 1942, on trouve sa trace 15 rue Saint-Castor, à Nîmes. Selon toute vraisemblance, il est arrêté en août 1942, lors des premières rafles menées à Nîmes, visant spécifiquement les juifs réfugiés originaires d’Allemagne, d’Autriche ou d’Europe de l’Est.
Il est envoyé au camp des Milles (Bouches-du-Rhône), et de là, il part pour Drancy. Le 7 septembre 1942, il est déporté à Auschwitz par le convoi 29. À partir de cette date, on ne trouve plus de documents le concernant. La date officielle de sa mort est fixée au 31 décembre 1943.
Son frère Max, après avoir vu son entreprise et ses derniers biens spoliés, se retrouve sans revenus, alors qu’il doit payer ses impôts et nourrir sa famille. Courageusement, il fait face, et malgré son handicap (blessure de guerre à la main), il se fait embaucher dans une usine de sacs en papier pour un salaire ridiculement bas. Une de ses tantes, Rosalie Mendel, le soutient financièrement. Bientôt la vie de Max ne tient plus qu’à un fil, menacé, il se cache, finit par être arrêté en novembre 1942 puis retenu à la prison d’Anrath (Rhénanie-du-Nord-Westphalie). Le 4 janvier 1943, sa femme lui rend une dernière visite pour lui annoncer la naissance de leur dernier enfant, Walter. Le 6 février, Max est déporté à Auschwitz où il meurt le 16 avril 1943 à l’âge de 49 ans.
De son côté, sa sœur Wilhelmine est victime en novembre 1938 des déchaînements de violences antisémites. La demeure familiale des Mendel est pillée par les S.A. et Wilhelmine qui ne peut plus rester chez elle, est contrainte de vendre la propriété à bas prix, ce qui fait l’affaire de la société publique chargée de l’aryanisation des biens juifs de Rhénanie. Malade, elle est admise à l’hôpital, mais ses soins ne sont pas pris en charge. Elle se réfugie alors chez un fermier où elle apprend qu’elle va être déportée en décembre 1941. Effectivement, via Düsseldorf, elle est conduite jusqu’au ghetto de Riga, en Lettonie, où elle meurt en mars 1942.
Elle n’est pas la seule Mendel à mourir là-bas. Andreas, son frère y est déporté aussi et, malade, il est abattu par les SS en janvier 1942. Sa femme, Paula Weinberg, lui survit mais elle mourra du typhus en 1945 au camp de Stutthoff (Pologne) où elle est ensuite déportée. Kurt, leur fils, arrivé dans le ghetto de Riga au printemps 1945, survivra (il décèdera en 2007). Leur fille, Liselotte, elle, convoyée aux Pays-Bas avec d’autres enfants en 1939, est dénoncée et meurt à Auschwitz en 1943.
On ne sait pas ce qu’est devenue l’épouse de Siegfried, Paula Köhnen ; n’étant pas juive, il est probable qu’elle ait survécu au nazisme.
Marie Balta, Gérard Krebs
Sources :
- Dossier Caen : 40 R 1422. Dossier Croix Rouge. Arolsen, certificat d’incarcération.
Yad Vashem : avec photo.
Plaque commémorative au nom de Siegfried Mendel, apposée à Kempen (Stolpersteine-Kempen).
Biographies de Siegfried, Maximilien et Wilhelmine extraites du livre de Hans Kaiser : La Campine sous la Croix gammée, une ville du Bas-Rhin sous le national-socialisme. Chez B.O.S.S. Impression et Medias. Goch 2013 et 2015.
Site Geni.com. consulté pour Alex Mendel, Lisette Mendel née Lambertz, les parents de Siegfried, Andreas Mendel , son frère et Paula Weinberg, son épouse, ainsi que leurs enfants Kurt et Liselotte Mendel.
Archives Départementales des Pyrénées Orientales (internement à St Cyprien)
Photo : site https://beeldbank.kazernedossin.eu/ (droits à demander)